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Nucléaire iranien : ce que risque Téhéran avec le retour des sanctions à l’ONU

Nucléaire iranien : ce que risque Téhéran avec le retour des sanctions à l’ONU

Sauf coup de théâtre de dernière minute, toutes les résolutions de l’ONU relatives aux sanctions contre Téhéran pour empêcher la prolifération nucléaire en Iran seront rétablies ce samedi soir, au lendemain du rejet d’une ultime résolution au Conseil de sécurité. Le Conseil a en effet rejeté vendredi la proposition de la Russie et de la Chine de prolonger de six mois l’accord de 2015 qui contrôlait le programme nucléaire de la République islamique en échange d’une levée des sanctions. Par conséquent, « les sanctions […] seront réimposées ce week-end », a déclaré l’ambassadrice britannique, Barbara Woodward.

Concrètement, faute d’un accord avec Téhéran, le mécanisme de rétablissement des sanctions, dit « snapback », activé le 28 août dernier par le groupe E3 (Allemagne, France, Royaume-Uni), s’enclenchera à minuit GMT dans la nuit de samedi à dimanche. Le « snapback » est un mécanisme inédit visant à obliger le Conseil de sécurité de l’ONU à rétablir les sanctions internationales contre l’Iran pour non-respect de ses engagements nucléaires. Cela réactivera donc les dispositions antérieures qui avaient été suspendues avec l’accord de 2015 signé en Autriche, connu sous l’acronyme JCPOA (Joint comprehensive plan of action). Celui-ci prévoyait un encadrement des activités nucléaires iraniennes en échange d’une levée des sanctions qui pèse sur le pays.

En 2015, le Conseil de sécurité de l’ONU avait entériné ce pacte, via la résolution 2231. Le JCPOA avait été signé à Vienne par la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, ainsi que les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Cette résolution 2231 incluait une clause présentée comme une innovation diplomatique majeure permettant donc de réimposer (« snapback » en anglais) de manière automatique les mesures punitives contre l’Iran en cas de violation flagrante du JCPOA, c’est-à-dire sans possibilité pour les membres du Conseil de sécurité d’y opposer un veto. Concrètement, l’un des pays parties à l’accord peut saisir le Conseil de sécurité s’il juge que l’Iran ne respecte pas ses engagements. A partir de là, un délai de 30 jours débute, au bout duquel si aucune résolution n’est adoptée pour prolonger la levée des sanctions, elles sont appliquées à nouveau.

Si le « snapback » réactive des résolutions onusiennes, leur mise en œuvre pratique passe par une transposition dans le droit interne des Etats membres de l’ONU, de l’Union européenne, etc. Par conséquent, l’UE devra prendre dans la foulée des mesures pour appliquer les décisions du Conseil de Sécurité de l’ONU. Pour l’heure, les détails de cette transposition sur le plan européen et britannique – qui a quitté l’UE – n’ont pas été communiqués.

Une myriade de secteurs touchés

Les sanctions contre Téhéran qui seront rétablies dans la nuit de samedi à dimanche comprennent notamment un embargo sur les armes conventionnelles avec l’interdiction de toute vente ou transfert d’armes à l’Iran. Les importations et l’exportation ou le transfert de pièces, de biens et technologies liés au programme nucléaire et balistique, seront prohibées.

Les avoirs d’entités et d’individus à l’étranger appartenant à des personnes ou entités iraniennes liées aux programmes nucléaires seront gelés. Les personnes désignées comme parties prenantes aux activités prohibées pourront se voir interdire la circulation internationale (entrée, transit) dans les Etats membres de l’ONU.

Les Etats membres de l’ONU devront aussi restreindre les activités bancaires et financières (fourniture de services, de financements) qui pourraient aider l’Iran dans ses programmes nucléaires ou balistiques. En outre, les personnes ou entités qui violeraient les dispositions pourraient voir leurs biens bloqués à l’international.

Cela ajoutera « une couche de sanctions multilatérales aux sanctions unilatérales des Etats-Unis déjà en place », souligne à l’AFP Ali Vaez, directeur du groupe Iran du centre de recherche International Crisis Group. Pour Kelsey Davenport, directrice de la politique de non-prolifération de l’Association pour le contrôle des armements, « les mesures de l’ONU auront peu d’impact économique, compte tenu de l’ampleur des sanctions américaines et européennes déjà en place ». Mais elles pourraient aboutir à une « escalade de représailles » entre l’Iran et les Etats-Unis « sans une stratégie diplomatique viable ».

Téhéran « n’a jamais cherché » à se doter de l’arme atomique

Des mesures européennes, en application et en extension des résolutions du Conseil de sécurité, avaient en effet été adoptées au niveau de l’UE. L’objectif était alors d’avoir un impact direct sur l’économie iranienne, dans le but non seulement d’affecter les réseaux de prolifération, mais encore de faire payer un coût économique au pouvoir iranien afin de l’obliger à modifier son comportement en matière de prolifération nucléaire.

Les Occidentaux redoutent que l’Iran se dote de l’arme nucléaire, ce que Téhéran dément vigoureusement, défendant son droit à développer un programme nucléaire à des fins civiles. Vendredi, le président iranien, Massoud Pezeshkian a réaffirmé que son pays « n’a jamais cherché » à se doter de l’arme atomique et a exclu de quitter le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Début septembre, l’Iran et l’Agence internationale de l’énergie atomique ont annoncé être parvenus un nouvel accord de coopération, et, vendredi soir, Téhéran et l’AIEA ont affirmé que des inspecteurs du gendarme onusien avaient repris leur travail en Iran.

Ces pays réfractaires au « snapback »

Les résolutions et sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU sont contraignantes mais régulièrement violées. La question est de savoir si des pays comme la Chine et la Russie, qui estiment que le déclenchement du « snapback » était illégal, pourraient ne pas les respecter. Certains Etats, dont la Chine, ont continué à entretenir leurs échanges commerciaux avec l’Iran en dépit des sanctions américaines qui ont été rétablies lorsque les Etats-Unis ont quitté l’accord JCPOA en 2018.

« Il y a un coût à contourner les sanctions, un coût politique, mais aussi un coût financier et économique parce que des transactions financières sont plus coûteuses », observe auprès de l’AFP Clément Therme, chercheur associé à l’Institut international d’études iraniennes lié à l’université de la Sorbonne. Il y aura une pression accrue, par exemple sur les compagnies de transport maritime. « Dans le cas de sanctions de l’ONU, on n’aura probablement pas un blocage complet, mais des coûts qui augmentent », résume le chercheur.



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Publish date : 2025-09-27 09:24:00

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