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Or, devises, immobilier : vers quelles valeurs refuges se tourner pour bien investir ?

Or, devises, immobilier : vers quelles valeurs refuges se tourner pour bien investir ?

« Refuge : lieu où l’on se réfugie pour échapper à un danger. » La définition du Robert s’applique parfaitement à la gestion de patrimoine : les valeurs refuges apportent un havre de paix en cas de crise économique, géopolitique ou financière car elles ne s’effondrent pas lorsque tout va mal. « L’idéal consiste à trouver des actifs qui ne sont liés ni à la conjoncture économique ni au niveau des taux directeurs, indépendants d’un pays en particulier et qui ne sont pas menacés par des conflits », indique Andrea Tueni, responsable des activités de marché de Saxo Banque.

Les candidats sont nombreux, mais rares sont ceux qui cochent toujours toutes les cases. Quoi qu’il en soit, il est primordial d’examiner son portefeuille sous l’angle sécuritaire, surtout en cette période agitée. « Non seulement la détention de valeurs refuges apporte de la sérénité, mais cela permet de prendre du risque sur le solde de son portefeuille, donc d’apporter de la performance », considère Julien Vincenti, directeur des investissements d’Edmond de Rothschild Banque Privée. En voici quelques-unes.

L’or : incontournable

C’est la valeur refuge par excellence, s’appréciant en cas de tensions géopolitiques ou d’inflation. Mais au-delà de ces qualités défensives, l’or réalise un parcours exceptionnel ces dernières années. L’once vaut plus de 3 300 dollars (environ 2 818 euros), en hausse de 27 % depuis le début de l’année et de 95 % sur trois ans, portant le lingot de 1 kilogramme à plus de 90 000 euros. Mais son cours peut aussi varier à la baisse lorsque la confiance des investisseurs revient ou lorsque la demande d’or physique se réduit. « Sa volatilité ne remet pas en cause son statut de valeur refuge, indique toutefois Andrea Tueni. L’or bat d’ailleurs régulièrement des records quand surviennent des troubles comme c’est le cas avec la guerre commerciale déclenchée par la hausse des droits de douane américains ».

C’est aussi l’un des actifs les plus liquides (il y a toujours des acquéreurs), dont la valeur est reconnue à travers le monde entier, et avec lequel il est possible de fuir puisqu’il se présente sous la forme de pièces et lingots. Bref, le métal jaune représente le placement parfait en cas d’apocalypse. Mais l’or reste aussi attractif sur le plan financier sur le long terme dans un contexte d’achats massifs par les banques centrales des marchés émergents, qui cherchent à diminuer leur exposition au dollar. « Il est logique de détenir entre 2 % et 10 % de son patrimoine financier sous forme d’or, en fonction de sa sensibilité. Et mieux vaut privilégier l’or physique à l’or papier, qui fait par construction peser un risque de contrepartie », indique Julien Vincenti. En effet, si l’émetteur du titre fait défaut, il sera difficile (pour ne pas dire impossible) de récupérer l’équivalent de son investissement en métal.

Comment choisir entre pièces et lingots ? « L’idéal est de fractionner son investissement en achetant des lingots de petite taille, 100 grammes ou 250 grammes, afin de pouvoir en revendre un seul en cas de besoin », recommande Alexis Monceaux, directeur général du groupe Godot & Fils.

Devises : l’hégémonie du dollar remise en question

Le roi dollar est historiquement considéré comme une valeur refuge, mais il perd peu à peu de son lustre. La devise américaine a reculé en effet de 11 % depuis le début de l’année, une évolution largement souhaitée par le président américain Donald Trump. « Avec une dette américaine de 37 000 milliards de dollars, le risque d’insolvabilité des Etats-Unis doit désormais être considéré comme une possibilité future », analyse Mark Nash, gérant obligataire chez Jupiter Asset Management. Une crainte qui incite les investisseurs internationaux à s’intéresser à d’autres monnaies.

Le franc suisse, autre devise plébiscitée pour sa solidité, est quant à lui stable depuis le début de l’année et s’est apprécié face à l’euro de 15 % depuis cinq ans. « La stabilité économique et la neutralité politique confèrent à la devise helvétique son statut de valeur refuge », confirme Julien Vincenti. Ce gérant chez d’Edmond de Rothschild Banque Privée cite également le yen parmi les devises à considérer. Une conviction partagée par Gabriel Karaboulad, directeur adjoint des investissements de la banque Neuflize OBC : « La monnaie japonaise était proche cet été de ses plus bas niveaux, à 170 yens pour un euro. Elle pourrait rebondir fortement en cas de tensions financières ou géopolitiques. »

Obligations : en diversification plutôt qu’en protection

Les bons du trésor américain, le bund allemand et dans une moindre mesure l’OAT (obligation assimilable du Trésor) française sont recherchés en temps de crise : c’est ce qu’on appelle le « la fuite vers des actifs de qualité ». En cas de danger, les investisseurs vendent en effet leurs placements les plus risqués pour se repositionner vers les actifs les plus sûrs, dont font partie les obligations émises par les Etats-Unis, l’Allemagne ou la France pour financer leur déficit. Cette ruée vers la sécurité fait mécaniquement baisser le taux des obligations en question, ce qui se traduit par une hausse de leur valeur.

Voilà pour la théorie. « La baisse du dollar et les craintes sur l’ampleur de la dette américaine remettent en question le statut des bons du trésor des Etats-Unis, indique Gabriel Karaboulad. Leur rendement reste intéressant actuellement, mais il ne s’agit plus d’un investissement refuge à proprement parler. » Les obligations d’État conservent cependant un caractère défensif. « C’est clairement le cas pour l’OAT 10 ans, qui évolue aux environs de 3,40 %. En cas de crise majeure, le potentiel de baisse du taux est toutefois bien plus faible aujourd’hui qu’au début des années 1990 où les taux à dix ans évoluaient aux environs de 10 % » rappelle-t-il.

Immobilier : l’atout d’un actif tangible

Dans un monde financier dématérialisé, les actifs tangibles conservent une certaine valeur en temps de crise. L’or est le principal d’entre eux, mais il n’est pas le seul. L’immobilier, les terres agricoles, les bois et forêts, le vin et l’art sont eux aussi des biens réels dont la valeur est déconnectée des marchés financiers. « Détenir de l’immobilier est rassurant, explique Julien Vincenti. Or, la dimension psychologique constitue un élément important pour les investisseurs, qui achètent leur résidence principale, leur résidence secondaire puis des biens locatifs. Cependant, tout est une question de dosage : un patrimoine majoritairement composé d’immobilier n’est pas une bonne solution, d’autant plus que la fiscalité peut entamer le rendement. »

Quel que soit le contexte, la diversification reste un principe incontournable. D’autant que les actifs tangibles ne sont pas immunisés contre le risque de baisse. L’immobilier traverse ainsi une crise depuis la fin 2022, laquelle a entraîné une chute du nombre de transactions et une baisse des prix. « Ces derniers ont baissé de l’ordre de 30 % au niveau européen dans un contexte de remontée violente des taux d’intérêt. Mais le mouvement s’est inversé : les taux se sont détendus depuis un an et il redevient intéressant d’investir dans la pierre », ajoute Gabriel Karaboulad. A condition, bien sûr, de privilégier un emplacement de qualité.

Le bitcoin, un actif à part

Le bitcoin serait-il devenu une valeur refuge ? La question a des airs de provocation, tant la cryptomonnaie de référence est fluctuante : son cours a évolué entre 50 000 et… 120 000 dollars sur les douze derniers mois ! Des variations de 10 % à 20 % à la hausse ou à la baisse au sein d’une même journée sont fréquentes. « Le bitcoin est beaucoup trop spéculatif pour être considéré comme une valeur refuge, tranche Andréa Tueni, responsable des activités de marché de Saxo Banque.

Mais il le deviendra peut-être un jour car il en présente certaines caractéristiques : il n’émane d’aucun État et ne dépend ni du niveau des taux d’intérêt ni des monnaies. » L’Autorité des marchés financiers (AMF) apporte un autre éclairage sur cette question. « La réponse est non puisqu’il n’est pas décorrélé des indices actions. La corrélation, modérée mais positive, suggère que le bénéfice qu’il pourrait apporter en tant qu’actif de diversification pour les investisseurs est plutôt faible » », indique une étude menée entre mai 2017 et mai 2024 sur les liens entre le bitcoin et les indices CAC 40, S & P 500 et Nasdaq. En clair : le bitcoin monte en même temps que les cours de Bourse et inversement. Pour le moment, en tout cas.



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Author : Agnès Lambert

Publish date : 2025-10-01 07:00:00

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