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Covid-19, faut-il se vacciner contre le variant « Frankenstein » ? La réponse des scientifiques

Covid-19, faut-il se vacciner contre le variant « Frankenstein » ? La réponse des scientifiques


Certains ont voulu le baptiser « Frankenstein », en référence au roman de Mary Shelley. Mais ce sobriquet donné à XFG, le nouveau variant du Covid-19, est loin de faire l’unanimité. « Ce nom est anxiogène alors qu’il n’a rien de terrifiant : il s’agit d’un énième sous-variant d’Omicron », soupire Antoine Flahault, professeur de santé publique à l’université de Genève. Comme tous les variants dont le nom commence par un X, XFG est un recombinant, un mélange génétique de deux précédents virus, en l’occurrence de LF.7 et LP.8.1.2, eux-mêmes issus de JN.1, un sous-variant d’Omicron qui circulait pendant l’année 2024.

« La recombinaison est un mode d’évolution commun à tous les coronavirus qui peut se produire lorsqu’un patient est infecté par deux variants. Ces derniers peuvent se recombiner et produire un nouveau variant, détaille Laurence Josset, chercheuse au laboratoire de virologie des Hospices Civils de Lyon (HCL), en charge du séquençage au Centre national de référence des virus des infections respiratoires (CNR) de Lyon. Avant XFG, XBB et XBB.1.5 ont été les variants majoritaires en France en 2022-2023, et XEC fin 2024 début 2025 ».

L’arbre génétique du coronavirus. En haut à droite, la branche XFG, issue du sous-variant d’Omicron JN.1.

Le mal nommé Frankenstein n’a donc rien d’extraordinaire. Il est néanmoins particulièrement contagieux grâce à une mutation lui permettant de mieux tromper nos défenses immunitaires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a été classé « sous surveillance par l’Organisation mondiale de la Santé, en juin dernier. Depuis, il est devenu largement majoritaire aux Etats-Unis et dans plusieurs pays d’Europe, dont la France. Outre-Atlantique, où la vague est en avance par rapport à l’Europe, le pic épidémique semble atteint. La circulation virale dans les eaux usées baisse depuis deux semaines consécutives d’après les données du National Wastewater Surveillance System (NWSS).

Si cela laisse bon espoir, les indicateurs continuent pour l’instant de grimper dans l’Hexagone. Le dernier rapport de Santé publique France (SPF) publié mercredi 1er octobre indique que la circulation virale dans les eaux usées est toujours en forte hausse et se rapproche des pics de l’année dernière. Le taux d’incidence du virus est passé de 38 cas pour 100 000 habitants du 8 au 14 septembre à 50 cas pour la semaine du 22 au 28 septembre, précise le réseau Sentinelles, qui surveille les infections respiratoires aiguës, dans son rapport également publié mercredi 1er octobre. Seule bonne nouvelle, les passages aux urgences pour suspicion de Covid-19 diminuent dans toutes les tranches d’âge, hormis pour les personnes de plus de 75 ans.

Le vaccin pas encore disponible

Quant à sa gravité, tous les experts s’accordent sur un point : XFG ne présente aucune augmentation de mortalité par rapport aux autres sous-variants d’Omicron et n’a aucune caractéristique marquante. « Il a beaucoup circulé depuis juillet et s’il était particulièrement virulent, de nombreuses personnes avec ou sans comorbidités auraient été hospitalisées, ce qui n’est pas été le cas », souligne Antoine Flahault. Ses symptômes, proches d’un état grippal, sont un grand classique d’Omicron. Mais comme la grippe, XFG peut s’avérer dangereux et même mortel pour les personnes vulnérables et fragiles, en particulier celles de plus de 65 ans, les malades du cancer, les immunodéprimés, etc. Pour elles, les autorités sanitaires recommandent la vaccination.

Le problème, c’est que l’injection contre XFG n’est pas encore disponible. La campagne de vaccination contre le Covid-19, programmée pour correspondre à celle contre la grippe, ne commencera que le 14 octobre prochain. Plusieurs questions se posent alors. D’abord, si le pic est probablement atteint ou imminent en France, le vaccin – qui met généralement deux semaines à produire son effet – sera-t-il utile ? Antonin Bal, directeur adjoint du Centre national de référence des virus et des infections respiratoires aux Hospices civils de Lyon, se veut rassurant. « Même si la protection est effectivement optimale après deux semaines, il faut désormais un peu moins de temps pour obtenir des anticorps après une injection, commence-t-il. Et si l’épidémie diminue d’ici deux semaines, lorsque le vaccin sera disponible, rien n’indique qu’il n’y aura pas une autre vague en novembre ou en décembre, comme cela s’est produit en 2022 et 2023, donc cela ne remet pas en cause la nécessité de se vacciner ».

Les preuves d’efficacité restent modérées

Mais que sait-on de l’efficacité du nouveau vaccin : sera-t-il protecteur contre l’infection et les formes graves de XFG ? Sur ce point, tous les chercheurs ne sont pas d’accord. Antoine Flahault fait partie de ceux qui sont « fâchés avec les pouvoirs publics » en raison de leurs faibles exigences vis-à-vis des fabricants de ces rappels vaccinaux. « Les preuves de l’efficacité des premiers vaccins contre le Covid étaient excellentes, avec des essais cliniques randomisés en double aveugle menés sur des dizaines de milliers de personnes [NDLR : le meilleur niveau de preuve concernant les médicaments]. Mais, aujourd’hui, il n’y a pas d’équivalent concernant les nouvelles injections de rappel », note-t-il.

Le professeur de santé publique reconnaît que les fabricants courent après le virus, puisque le Sars-CoV-2 mute plus vite que le temps nécessaire au développement d’un vaccin adapté. « Mais on pourrait au moins conditionner l’homologation des futurs vaccins au fait d’exiger des fabricants qu’ils conduisent des essais cliniques randomisés, par la suite, au moment où la nouvelle vague survient », propose-t-il. En creux, le chercheur exige de meilleures preuves avant de promouvoir les vaccins. En creux, le chercheur exige de meilleures preuves avant de promouvoir ces rappels vaccinaux itératifs. »Je pourrais volontiers les recommander aux personnes fragiles, en vertu du principe de précaution, en pariant qu’ils vont fonctionner, mais à la condition que les fabricants fasse l’effort de réunir a posteriori le même niveau de preuve que celui que l’on exige pour tous les médicaments et vaccins aujourd’hui. Là, ils se contentent de surfer sur une rente de situation », insiste-t-il. Les autorités sanitaires recommandent ces rappels vaccinaux, notamment aux soignants et aux personnes vivant en contact régulier avec des personnes vulnérables, mais il n’existe pas de données très probantes sur le niveau de protection que ces rappels apportent ».

« Il reste raisonnable de recommander le vaccin »

Un point de vue que ne partage pas Alain Fischer, professeur émérite au Collège de France et ex-président du conseil d’orientation de la stratégie vaccinale pendant la pandémie. « XFG étant un sous-variant d’Omicron, il serait extraordinaire que le vaccin ne provoque aucune réactivité croisée des anticorps, assure-t-il. Même si on pourrait rêver d’un meilleur vaccin, il reste raisonnable aujourd’hui de recommander le rappel pour les personnes fragiles. Ne pas mener les campagnes de vaccination contre la grippe ou le Covid-19 serait très dangereux ».

« XFG n’est pas fondamentalement différent d’Omicron. Et le nouveau vaccin est basé sur la souche LP.8.1.2, l’un des variants dont il est issu, la différence génétique est donc faible », confirme Laurence Josset. Son collègue Antonin Bal rappelle, lui, que bien qu’il n’existe aucun essai clinique randomisé, les fabricants ont tout de même mené des tests concluants sur des souris et sur l’humain. L’essai clinique de phase 3 mené par Pfizer, à défaut de donner un pourcentage précis de protection contre l’infection ou les formes graves, montre ainsi que le nouveau vaccin augmente le nombre d’anticorps neutralisants. « Nous allons également bientôt obtenir des données en vie réelle qui nous permettront de mesurer cette efficacité », rappelle-t-il.

En effet, le CNR ainsi que d’autres centres de recherche européens suivent chaque année des milliers de personnes reçues en ville et à l’hôpital. Ils vérifient s’ils ont eu un test positif au Covid-19, s’ils ont été vaccinés et s’ils ont développé une forme sévère ou non. Ces informations, bien que moins solides qu’un essai randomisé contrôlé, restent très utiles. « Le virus a muté, mais XFG reste dans la grande famille des sous-variants JN.1. Et les précédentes études sur ce variant ont montré qu’un rappel offre 30 à 40 % de protection contre des infections et plus de 60 % contre les formes sévères », ajoute le chercheur. Et un article publié dans la revue Lancet et réalisé sur plusieurs centaines de milliers de patients indique de son côté que les vaccins contre JN.1 avaient une efficacité de 71,7 à 76,8 % contre les hospitalisations et de 76,3 à 90,9 % contre les décès chez les adultes de 65 ans et plus.

Selon les données disponibles sur les précédents rappels, la protection pour la population générale est estimée à environ six mois, mais seulement trois mois pour les populations fragiles (80 ans et plus, immunodéprimés), d’où la stratégie française de mener deux campagnes annuelles, en automne et au printemps. En l’état, les populations fragiles ont donc tout intérêt à se faire vacciner en pharmacie à partir du 14 octobre afin d’augmenter leurs chances de ne pas être infectées et de se protéger contre les formes sévères. D’autant qu’en France, la vaccination contre le Covid-19 reste entièrement gratuite pour tous et que les rapports de pharmacovigilance français et européens les plus récents, couvrant plus de 158 millions de doses administrées aux adultes en France et environ 1 milliard de doses dans l’Union européenne, confirment la sécurité des vaccins à ARN messager.



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Author : Victor Garcia

Publish date : 2025-10-02 17:20:00

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