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Panne électrique, quel sera le prochain pays à tomber ? En Europe, aucun ne semble à l’abri…

Panne électrique, quel sera le prochain pays à tomber ? En Europe, aucun ne semble à l’abri…

Près de six mois après le black-out espagnol, les débats restent vifs sur la sûreté du système électrique européen. Plusieurs enquêtes ont permis de remonter le fil des événements ayant conduit à la panne géante. Pour autant, les maux dont souffrent nos réseaux électriques ne sont toujours pas traités, estiment plusieurs spécialistes. En d’autres termes, un nouvel incident a toutes les chances de se produire.

Quel sera le prochain pays à tomber ? Aucun ne semble à l’abri. Ces dernières années, la fermeture programmée de centrales nucléaires ou à gaz a réduit la part des énergies pilotables dans le mix électrique européen. Le nombre de machines tournantes – des alternateurs contribuant à stabiliser la fréquence sur le réseau – a lui aussi baissé. Enfin, une couche supplémentaire d’électronique a été introduite pour connecter l’éolien et le solaire. « Non seulement le réseau subit plus de variations de fréquence qu’avant, mais il est aussi plus complexe à comprendre et à modéliser », résume Damien Ernst, professeur à l’université de Liège, en Belgique.

Les dirigeants européens se rassurent en regardant le nombre croissant d’interconnexions traversant les frontières. Ce maillage a effectivement permis à la Pologne d’éviter deux pannes importantes sur la période récente, rappelle une étude du think tank Ember. Mais il n’a rien d’une assurance tous risques. « Lorsque les marges sont réduites, les déficits de production des uns peuvent entraîner des situations critiques chez leurs voisins qui ont pourtant des réserves. Ainsi, plusieurs régions du continent pourraient connaître des pénuries et des pannes d’électricité si l’Allemagne cessait d’exporter de manière régulière ses excédents », alerte Dominique Finon, ancien président de l’Association des économistes de l’énergie (FAEE).

Trois pays – l’Espagne, l’Irlande et la Finlande – semblent plus exposés que les autres à une défaillance du réseau, en raison du peu de liaisons avec les Etats limitrophes. Cependant, la liste des nations à risque est bien plus longue. En tenant compte de la demande électrique de pointe et du potentiel d’importation des différents pays, on s’aperçoit que 55 % du réseau électrique européen entre dans cette catégorie, notent les experts d’Ember. « Les nations concernées au premier chef sont celles qui ont modifié en peu de temps leur mix électrique, en intégrant des énergies renouvelables, explique Damien Ernst. A savoir, la Grèce, l’Italie ou les Pays baltes ».

La « vache à lait » française

Pour assurer la stabilité du réseau, des investissements stratégiques seront nécessaires : machines tournantes, interconnexions supplémentaires, batteries permettant de stocker de l’électricité… La réglementation pourrait aussi imposer une réserve de puissance minimale, mobilisable à tout moment. Mais ces efforts requièrent un engagement politique ainsi qu’une collaboration transfrontalière sans faille. Or, l’Europe procrastine. « Il est inquiétant de constater que la Pologne n’a pratiquement aucun projet d’extension des interconnexions, malgré les récents incidents ayant failli provoquer des pannes généralisées et le risque élevé de sabotage », poursuivent les experts d’Ember. Autre motif d’alerte, le paquet de mesures proposé par le gouvernement espagnol fin juillet pour réduire les risques de black-out a été retoqué par les députés.

« Partout en Europe, on tend à se réconforter en espérant compter sur les autres si un black-out survenait, ce qui freine les investissements nécessaires », déplore Etienne Beeker, consultant et ancien conseiller scientifique à France Stratégie. Beaucoup de pays se reposent notamment sur la France qui, avec son parc nucléaire et ses machines tournantes, assure à elle seule une bonne partie de la stabilité du réseau européen. « On peut même parler de vache à lait. Si le mix français ressemblait à celui de l’Allemagne, ce serait une catastrophe. On manquerait sérieusement de machines tournantes sur le réseau européen », assure Damien Ernst.

« Puisqu’elle contribue fortement à la stabilité de la zone, il serait normal que la France soit rémunérée pour ce service », estime Etienne Beeker. Dans une telle situation, un Donald Trump n’hésiterait pas à se lancer dans un bras de fer commercial, menaçant de couper tout approvisionnement électrique en cas de crise. La France, elle, n’en fait rien, au nom de la solidarité européenne. Un expert se désole : « Certes, EDF vend son électricité à l’étranger, ce qui contribue à ses recettes financières. Mais l’essentiel de ces exportations est facturé à bas prix. Avant que la France n’en prenne conscience et corrige cette anomalie, il faudra sans doute d’autres black-out ».



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Author : Sébastien Julian

Publish date : 2025-10-03 15:00:00

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