L’Express

Italie : comment la guerre à Gaza percute Giorgia Meloni

Italie : comment la guerre à Gaza percute Giorgia Meloni

Giorgia Meloni voulait fêter triomphalement ses trois ans au pouvoir, revendiquant l’inédite stabilité politique et le rare sérieux budgétaire de l’Italie. Au lieu de cela, elle doit affronter une réelle adversité dans un domaine sur lequel elle a en grande partie bâti sa popularité et sa crédibilité : la politique internationale. La voilà rattrapée par le conflit israélo-palestinien, qui constitue son premier écueil depuis son arrivée au Palazzo Chigi. La présidente du Conseil se trouve en effet entre l’enclume de son alliance stratégique avec Israël et l’enclume d’une opinion publique de plus en plus indignée par la violence de l’offensive de Tsahal à Gaza.

Les Italiens ne se contentent plus de quelques témoignages de solidarité sur les réseaux sociaux, ils descendent désormais en masse dans la rue. Le 22 septembre une grève générale mobilisait près d’un demi-million de personnes sous le mot d’ordre « Blocchiamo tutto » (« Bloquons tout ») pour dénoncer « le génocide en cours en Palestine » et critiquer la position du gouvernement Meloni. Les rassemblements se sont multipliés dans pas moins de 75 villes de la péninsule, paralysant le trafic ferroviaire et entravant l’activité portuaire. Environ 100 000 manifestants défilaient à Rome. Des marches pacifiques réunissant aussi bien des travailleurs, des retraités, que des familles se disant non politisées.

Les deux tiers des Italiens très préoccupés par Gaza

« Il y a une tradition propalestinienne forte en Italie qui remonte aux années 1970, rappelle le politologue Mattia Diletti. Les leaders communiste et socialiste Enrico Berlinguer et Bettino Craxi étaient des amis de Yasser Arafat. Même le parti post-fasciste MSI, où a commencé à militer Giorgia Meloni, soutenait la cause palestinienne. A cela, s’ajoute la sensibilité catholique puisque ce conflit se déroule en terre sainte. C’est cette mémoire historique conjuguée à l’indignation pour ce qui se passe actuellement qui explique cette forte mobilisation. Pour la première fois, Giorgia Meloni est en difficulté et elle ne maîtrise pas l’agenda politique et médiatique comme à son habitude. »

Un récent sondage indique que les deux tiers des Italiens jugent la situation humanitaire à Gaza « extrêmement grave », et plus de 88 % sont favorables à la reconnaissance d’un État palestinien. Les vicissitudes de la flottille humanitaire pour Gaza ont saturé les médias, avec une dizaine de bateaux partis du port de Catane en Sicile. Cette initiative civile et militante visant à briser le blocus maritime israélien (pour livrer une aide humanitaire vitale à la population assiégée) a suscité la sympathie d’une large partie de l’opinion publique.

L’interception de la flottille par l’armée israélienne le 1er octobre a provoqué des manifestations spontanées à Milan et Rome, tandis que plusieurs syndicats ont appelé à une grève générale vendredi 3 octobre. Giorgia Meloni qui n’a cessé de considérer l’action de la flottille comme « gratuite, dangereuse, irresponsable » lui attribue une « intention déstabilisatrice » et dénonce une « exploitation hostile » de la part des opposants politiques. Elle a immédiatement fustigé le choix de la date de la grève générale. « Je me serais attendue à ce que sur un sujet aussi important, ils n’appellent pas une grève générale un vendredi, car un long week-end et la révolution ne vont pas ensemble », a-t-elle ironisé.

Sa fébrilité est palpable tout comme les craintes de son entourage d’un « déphasage entre le gouvernement et l’opinion publique ». Le succès croissant de la mobilisation populaire représente un véritable test. « Elle est très embarrassée et ne veut pas traiter ce sujet, constate Mattia Diletti. Et le politologue de poursuivre : « Sa réaction habituelle est d’hystériser la communication et de polariser la société. Si des heurts violents interviennent elle exploitera le désir d’ordre et de sécurité des Italiens. Mais elle pourrait aussi avoir à affronter un réveil de l’activisme politique qui s’était endormi en Italie, venu des syndicats et des partis de gauche. »

Avec le pragmatisme qui la caractérise, Giorgia Meloni a déjà légèrement infléchi sa position. Tout en soutenant le plan de Donald Trump pour faire cesser le conflit et en continuant de ménager Benyamin Netanyahou, elle a commencé à émettre des critiques sur les limites dépassées par Israël dans ses attaques contre la bande de Gaza et a montré des signes d’ouverture à une éventuelle reconnaissance d’un État Palestinien en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Pas sûr que cela suffise à faire taire les slogans criés de plus en plus fort dans les rues de Rome, Naples ou Milan.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/europe/italie-comment-la-guerre-a-gaza-percute-giorgia-meloni-RVABGSWFA5GZXAFBYKGSREB3UQ/

Author :

Publish date : 2025-10-03 14:19:00

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags : L’Express