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Démission de Sébastien Lecornu : les 14 heures d’existence du gouvernement le plus court de la Ve République

Démission de Sébastien Lecornu : les 14 heures d’existence du gouvernement le plus court de la Ve République

Alors que plusieurs leaders des partis d’opposition, à gauche comme à l’extrême droite, avaient évoqué la possibilité d’une censure rapide de l’exécutif dès sa présentation dimanche soir, le Premier ministre Sébastien Lecornu a finalement remis sa démission ce lundi 6 octobre matin, acceptée par le président de la République. Il n’aura été que 27 jours en fonction, sans même avoir le temps de faire de déclaration de politique générale, et les ministres de son gouvernement, le plus éphémère de la Ve République, n’auront même pas tenu 14 heures. Retour une crise inédite.

Un gouvernement critiqué dès sa présentation

Dimanche, après près d’un mois de consultations, le Premier ministre dévoilait enfin la composition de son gouvernement, reconduisant 12 ministres du gouvernement Bayrou parmi les 18 annoncés. « Il rassemble et ressemble au socle commun qui nous soutient au Parlement. […] Ils l’ont accepté en sachant qu’ils devront trouver des compromis avec nos oppositions. Sans 49-3, le Parlement aura le dernier mot : la vraie rupture est celle-là », écrivait-il à 20h30 sur le réseau social X.

Mais le manque de rupture entre ses ministres et les précédents, et l’annonce, entre autres, du retour de l’ancien ministre de l’Economie Bruno Le Maire au poste de ministre des Armées, ont cristallisé les critiques de l’opposition de tous bords.

Dimanche avant l’annonce du gouvernement, la patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, expliquait déjà sur BFMTV ne pas voir « pas d’autre chemin que la censure », alors qu’elle s’était dite le 9 septembre « prête à parier que messieurs Darmanin, Retailleau et compagnie vont être reconduits dans les prochains jours ». Après l’annonce des nouveaux ministres, le chef des sénateurs socialistes Patrick Kanner a ensuite ironisé sur le retour de Bruno Le Maire, le « Mozart de la finance qui a ruiné notre pays ». Même son de cloche chez La France Insoumise : Jean-Luc Mélenchon a dénoncé sur X la nomination d’un « cortège de revenants à 80 % de LR et anciens LR » et affirmé que « le compte à rebours pour les chasser tous est commencé ».

Ce lundi, juste avant l’annonce de la démission de Sébastien Lecornu, le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure menaçait lui aussi sur France Inter de censurer ce nouveau gouvernement en l’absence de nouveau débat parlementaire sur la réforme des retraites de 2023 pour « d’ici la fin décembre avoir la possibilité de l’abroger ».

LR prêt à quitter l’exécutif, le RN prêt à censurer

Et la situation n’était pas plus belle à la droite de l’échiquier politique. Le risque d’une sortie des Républicains du gouvernement, notamment, brandie comme une menace par leur chef Bruno Retailleau, aurait obligé Sébastien Lecornu et Emmanuel Macron à tout recommencer. Le patron des LR, reconduit comme ministre de l’Intérieur, avait fini par accepter de rester au gouvernement dimanche après-midi au terme de longues tergiversations. Mais, très remonté face à une composition qui in fine « ne reflète pas la rupture promise » – et notamment, selon plusieurs sources de l’AFP, contre la nomination de Bruno Le Maire, symbole pour la droite du dérapage budgétaire des dernières années, et contre un nombre trop faible de ministres LR -, le locataire de la place Beauvau a ensuite convoqué d’urgence lundi matin un conseil stratégique du parti.

Celui-ci faisait face à des réticences en interne, comme celle du vice-président LR David Lisnard, qui menaçait de claquer la porte, ou comme celle du président des Hauts-de-France Xavier Bertrand, qui affirmait sur RTL lundi que Les Républicains ne pouvaient « pas participer à ce gouvernement ».

A l’extrême droite, Marine Le Pen avait également ciblé Bruno Le Maire, le qualifiant sur X d' »‘homme qui a mis la France en faillite », tandis qu’une réunion était prévue ce lundi à 11h au siège du RN avec Jordan Bardella pour évoquer la situation, et décider de voter ou non dès cette semaine une motion de censure déposée par LFI (la gauche ne voulant pas voter une motion de censure RN). « Nous l’avions dit clairement au Premier ministre : c’est la rupture, ou la censure », menaçait dimanche le président du Rassemblement national sur X.

Sébastien Lecornu dénonce les « appétits partisans »

Ces menaces de censure, combinées à un risque d’implosion du gouvernement, ont finalement eu raison de ce dernier, quelques heures seulement après sa nomination. Le Premier ministre a remis sa démission tôt lundi, estimant que les conditions « ne sont pas remplies » pour exercer ses fonctions. Il a regretté dans une courte allocution depuis Matignon que les partis politiques « continuent d’adopter une posture comme s’ils avaient tous la majorité absolue » et que la composition du gouvernement « a donné lieu au réveil de quelques appétits partisans », « parfois non sans lien avec la future élection présidentielle ».

S’il n’a pas nommé directement de responsable, il a semblé cibler le président des Républicains Bruno Retailleau, qui a précipité sa chute. « Il faut toujours préférer son pays à son parti. Il faut savoir écouter ses militants, mais toujours penser aux Français », a ajouté Sébastien Lecornu, laissant entendre que le ministre de l’Intérieur avait changé d’avis au vu de la colère des militants LR face au retour de Bruno Le Maire au gouvernement. « J’étais prêt à des compromis, mais chaque parti politique veut que l’autre parti politique adopte l’intégralité de son programme », a enfin déploré le Premier ministre démissionnaire.

« Je me demandais s’il restait un gaulliste dans ce pays. Il en restait un, et il vient de démissionner avec dignité et honneur », a réagi le chef de fil du PS, Olivier Faure. De son côté, le leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon a demandé dans la foulée de la démission « l’examen immédiat de la motion déposée par 104 députés pour la destitution d’Emmanuel Macron », tandis que Marine Le Pen a jugé « absolument incontournable » la dissolution de l’Assemblée nationale. Marine Tondelier, des Ecologistes, a quant à elle estimé sur France Info qu’il y avait une autre solution : la nomination de « quelqu’un de gauche ou écologiste » à Matignon. Une réunion des formations politiques de la NUPES et du NFP a par ailleurs été proposée par Jean-Luc Mélenchon pour ce lundi après-midi.



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Publish date : 2025-10-06 11:10:00

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