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Guerre en Ukraine : le plan de Vladimir Poutine pour renflouer ses caisses sur le dos des Russes

Guerre en Ukraine : le plan de Vladimir Poutine pour renflouer ses caisses sur le dos des Russes

Un mot très en vogue a fait irruption dans le dictionnaire du Kremlin : « résilience ». La Russie « maintient sa résilience et sa stabilité macroéconomique », assure sans ciller le porte-parole de la présidence Dmitri Peskov, le 24 septembre, en réponse au tacle de Donald Trump. Quelques heures avant, le président américain qualifiait le pays de « tigre de papier » en grande difficulté économique. « La Russie n’est certainement pas un tigre, a riposté très sérieusement Peskov. La Russie est traditionnellement vue comme un ours. Et il n’y a pas d’ours de papier. La Russie est un vrai ours. » Une semaine plus tard, le gouvernement soumettait à la Douma son projet de loi pour le budget fédéral 2026-2027.

Ce dernier révèle les préoccupations de « l’ours », bien plus vulnérable que ne veulent l’admettre publiquement les autorités. La plus pressante est sans doute la dépendance de l’Etat aux exportations d’hydrocarbures, première source de cash du Kremlin (entre 30 et 50 % de son budget).

Soumis aux fluctuations des prix et aux sanctions occidentales, les revenus du pétrole et du gaz ont chuté de 23 % entre septembre 2024 et septembre 2025, d’après l’agence Reuters. « Afin de rendre les finances durables, nous proposons et budgétisons une réduction de la dépendance du budget aux diverses restrictions, qu’elles soient de prix ou de volume, sur les revenus du pétrole et du gaz », avait prévenu le Ministre des Finances à la mi-septembre. Derrière ce sabir technocratique, un message : « diversifions les sources de revenus ».

La TVA en hausse de deux points

Pour y parvenir, il prévoit une hausse de deux points de la TVA, de 20 à 22 %, une mesure censée rapporter 1 200 milliards de roubles à l’Etat (environ 14,3 milliards de dollars). Le message de Poutine est clair : vous, peuple russe, devez payer pour ma belle guerre », résume l’économiste suédois Anders Aslund, chercheur à l’Atlantic Council. « Avec des dépenses stables et des recettes en baisse, le budget restera déficitaire, note l’analyste financier Alexander Kolyandr. D’après les autorités, il devrait atteindre 1,6 % du PIB en 2026, mais il y a toujours un dérapage. Le gouvernement veut à tout prix maintenir le budget primaire à l’équilibre, c’est-à-dire que les recettes doivent couvrir les dépenses de base (salaires des fonctionnaires, prestations sociales, défense et investissements), moins le remboursement de la dette. » Sans nouvelle ressource, il n’a qu’une seule option : augmenter les impôts dès le 1er janvier 2026.

Le jour de l’An s’annonce amer pour les consommateurs russes. Si le pain et les médicaments seront dispensés de hausse, d’autres produits de première nécessité seront touchés. Un nouveau coup dur, après des années ininterrompues de hausse des prix. Début septembre, l’inflation annuelle s’élevait à 8,1 %. Symbole de cette flambée, le prix de la pomme de terre – un Russe en consomme en moyenne 130 kilos par an – a triplé cette année. La gouverneure de la Banque centrale Elvira Nabioullina a admis que la hausse de la TVA pourrait aggraver l’inflation. « Mais si un tel effet se produit, il ne serait que temporaire et ponctuel », assure-t-elle.

Et pour cause : « Comme la TVA fait grimper les prix, elle freine, à long terme, la demande des consommateurs, qui n’auront tout simplement plus les moyens d’acheter », précise Alexander Kolyandr.

Un budget pour une guerre d’usure

« Pour renflouer ses caisses, le Kremlin va aussi serrer la vis sur les petites et moyennes entreprises… en les taxant davantage. Le seuil à partir duquel ces sociétés seront soumises à la TVA à taux plein passe de 60 à 10 millions de roubles (120 000 dollars) par an. Sera concernée toute entreprise gagnant plus de 800 000 roubles (8 500 dollars) par mois, soit environ ce que peut gagner un kiosque kebab dans la rue », notent les économistes Alexander Kolyandr et Alexandra Prokopenko dans un récent article pour le site du média russe The Bell.

Aussi impopulaires soient-elles, ces mesures sont l’ultime planche de salut de l’Etat russe, qui doit impérativement financer son industrie de défense. Les dépenses en faveur de l’effort de guerre restent stables. Dans le détail, le budget de la dépense baisse légèrement (de 161 à 150 milliards de dollars), mais d’autres postes relatifs à la sécurité nationale augmentent. L’ensemble représente 40 % des dépenses de l’Etat. « Ce n’est pas un budget de réarmement, car l’économie de guerre a atteint son plafond, commente Anders Aslund. En revanche, c’est un budget destiné à tenir la distance pour une guerre d’usure. »

Vladimir Poutine n’a aucun intérêt à mettre fin au conflit avec l’Ukraine. Toute son économie tourne désormais par et pour cette guerre. Les fabricants de matériel militaires en dépendent, tout comme les milliers d’entreprises civiles qui les fournissent. Après trois ans de surchauffe, le Kremlin amorce un atterrissage périlleux.

« La Russie n’est bien sûr pas le « tigre de papier » que le président américain Donald Trump a décrit. Mais elle n’est pas non plus l’ours invincible salué par le porte-parole de Poutine, Dmitri Peskov, concluent Alexander Kolyandr et Alexandra Prokopenko dans leur analyse. Elle ressemble davantage à un grand animal blessé soumis à un régime strict après avoir été gavée aux stéroïdes budgétaires. »



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Author : Charlotte Lalanne

Publish date : 2025-10-06 15:00:00

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