Un vent mauvais souffle à Bruxelles sur l’interdiction des voitures thermiques à l’horizon 2025, mesure phare du Pacte Vert cher à Ursula von der Leyen. Depuis la rentrée une petite musique monte, jouée par certains représentants des constructeurs et équipementiers dans un marché particulièrement morose. Rien qu’en France, il a chuté d’un peu moins de 8 % sur les six premiers mois de l’année. Entre rétropédalages (abandon des ZFE) et instabilité politiques (les ménages épargnent davantage et repoussent leur achat) nous souffrons, comme souvent, de circonstances aggravantes. L’électrique, lui, peine toujours à s’imposer, voire avec 17,6 % de part de marché, stagne. Et ce ne sont pas les constructeurs européens qui vont en profiter, mais les Chinois. Voyant leur propre marché en surchauffe, ils continuent de nous inonder. Et à chaque fois nous avons un train de retard : l’Europe met en place des mesures pour favoriser localement ses constructeurs ? Ils créent des usines sur le vieux continent. L’hybride échappe à ces mesures ? Ils s’engouffrent dans la brèche (leurs ventes ont augmenté de 223 % depuis 2023) qui aujourd’hui représente plus de la moitié du marché automobile français. Résultat, c’est la soupe à la grimace côté constructeurs. A l’instar des marques de luxe qui parfois jettent l’éponge sur le lancement de nouveaux modèles électriques.
Porsche jette l’éponge. « Les projets visant à développer des batteries hautes performance ne seront pas poursuivis », a annoncé le constructeur le 25 août. La filiale créée en 2021, Cellforce, devait produire des cellules nécessaires à l’équipement de 100 000 voitures par an. Las, ses ventes patinent à 12 % des livraisons. Dès octobre 2024, la firme de Stuttgart déclarait renoncer à l’objectif de 80 % d’immatriculations électriques en 2030. La stratégie désormais adoptée consiste à proposer systématiquement trois déclinaisons : combustion, hybride et électrique. « Mon concessionnaire de Lorient tente régulièrement de me convertir. Avec mon plein d’essence, je roule 1 500 kilomètres sans me poser de question. Je ne veux pas d’une charge mentale supplémentaire en planifiant mon parcours selon la disponibilité des bornes et en anticipant la baisse d’autonomie due au chauffage ou à la climatisation. Sans compter la chute de la valeur résiduelle », témoigne Charles Delfeuille, fidèle depuis des années à la marque à l’écusson.
Un attentisme ambiant
« Les conditions d’usage, les modalités de revente et l’incertitude sur la vitesse de transition génèrent beaucoup d’attentisme. La moitié des Européens et 70 % des Français ne croient pas à la fin des ventes de thermiques en 2035, souligne Flavien Neuvy, économiste et directeur de l’Observatoire Cetelem. Il y a une dizaine d’années, quand Tesla est arrivé en Europe, les constructeurs l’ont regardé de haut. Puis ils se sont aperçus qu’il faisait le plein de clients premium. Alors ils ont relevé le défi. Mais les clients ne sont pas au rendez-vous ».
D’où la valse-hésitation des marques haut de gamme. L’atonie du marché automobile européen depuis le début de l’année et le faible engouement pour les versions à batteries leur donnent des sueurs froides. Et ce n’est pas le sursaut de l’été qui les rassure. Le bond de 25 % des « wattures » ne représente qu’un million d’immatriculations (15,6 % du total), tandis que les hybrides simples et rechargeables (43,3 % des mises à la route) conservent la préférence des acheteurs. « Tout le monde se rend compte qu’on ne peut pas vendre ce que le consommateur ne veut pas et qu’un assouplissement sur une multitechnologie devient indispensable », confirme Guillaume Moreau, directeur général adjoint d’Ayvens.
Au salon de Munich (Bavière) en septembre, les grandes signatures ont pourtant joué le jeu. Audi a présenté une grande routière, l’A6 e-tron, second modèle après le SUV Q6 à bénéficier de la plateforme premium électrique (PPE), une architecture destinée à plusieurs modèles, ici partagée avec Porsche. Mercedes propose un coupé 4 portes AMG et lancera le GLC au printemps. La berline CLA suivra à l’été. La nouvelle BMW iX3 inaugure sa propre plateforme, la base Neue Klasse destinée à recevoir six carrosseries.
Lobbying à Bruxelles
En fait, les quotas de CO2 (normes CAFE) obligent les constructeurs à piloter très finement la part des électriques dans la ventilation de leurs ventes. Mais dans un marché amorphe, la réalisation des volumes qui leur permettrait de minimiser les amendes s’avère compliquée. Dans la foulée de la grand-messe munichoise, le gotha de l’automobile a donc plaidé sa cause auprès de la Commission européenne lui enjoignant à plus de pragmatisme : l’objectif de ne commercialiser que des véhicules propres en 2035 n’est plus atteignable. Ils plaident pour que les hybrides rechargeables et les prolongateurs d’autonomie ne tombent pas sous le couperet de l’interdiction des thermiques, voire que certains modèles à combustion de dernière génération, très efficaces en termes d’émissions, restent dans la course. « Une voiture moderne émet 25 % de CO2 en moins qu’il y a dix ans », rappelle à l’envi les acteurs de l’industrie.
« Il est important d’obtenir une période de transition. En 2020, nous avons décidé de baisser le niveau de CO2 de 40 % sur l’ensemble du cycle de vie de nos produits. Nous avons toujours dit que nous serions techniquement capables d’atteindre le cap de 25 % des ventes en électrique en 2025 et 50 % en 2035, rappelle Vincent Salimon, président du directoire de BMW France. Ce qui signifiait qu’il était nécessaire de garder d’autres technologies ». La firme bavaroise a déployé une large gamme d’hybrides rechargeables afin de rassurer les consommateurs. « Nous venons de fêter la 3 millionième livraison électrifiée et de dépasser 1,5 million en électriques pures dans le monde. En France, nous avons terminé l’an dernier avec une part de 25 % de voitures à batterie pour BMW, 32 % chez Mini et à 26 % en motorisation mixte, poursuit Vincent Salimon. En parallèle, nous continuons à investir dans l’hydrogène car nous croyons à la diversité des solutions ». Une stratégie qui a le mérite de la constance quand d’autres s’emballaient en 2020 pour basculer à 100 % en dix ans et reviennent désormais sur leurs positions.
Garder le plus longtemps possible ses modèles hybrides
A l’instar de Porsche, Mercedes a renoncé à abandonner les moteurs à combustion en 2030, à la suite de la douche froide subie par ses EQS et EQE. Elle conservera plus longtemps que prévu des hybrides. Le client reste roi dans les concessions et il aime les chevaux qui ronflent.
« Nous avons battu le record de ventes de premium l’an dernier, en France, parce que nous écoutons le consommateur, insiste Vincent Salimon. Le premier levier consiste à ne pas lui imposer une technologie. Il doit pouvoir choisir d’abord un modèle, puis ce qu’il met sous le capot. Mais cela ne nous empêche pas de proposer une quinzaine de versions électriques qui couvrent 90 % des segments. »
Sur cette route escarpée vers le zéro émission, Jaguar a surpris son monde en annonçant sa conversion totale et l’arrivée de six modèles entièrement décarbonés d’ici à 2030. « Nous devons tenir compte de l’évolution des mobilités, déclarait Rowdon Glover, directeur général, lors de la présentation du nouveau concept car à Gaydon (Angleterre) en novembre 2024. Nous répondons aux attentes d’une clientèle plus jeune et connectée ». La marque au félin est bien consciente du risque qu’elle court de perdre ses grands aficionados. « L’électrification convaincra. Elle procure de fortes émotions à la conduite, avec des accélérations puissantes, un confort de conduite incomparable aux anciennes motorisations. Elle offre davantage de liberté pour un design épuré, débarrassé des contraintes mécaniques. Le style extérieur et celui de l’habitacle demeurent les premiers critères du luxe. Le type de propulsion n’arrive qu’en treizième position. Or, si vous considérez les modèles électriques actuels, vous constatez qu’ils restent très standardisés ». Discovery, Defender et Land Rover continueront à recevoir l’ensemble des différentes énergies. La prudence reste de mise dans l’univers international du haut de gamme.
Source link : https://www.lexpress.fr/economie/automobile-pourquoi-les-constructeurs-haut-de-gamme-restent-prudents-2EEJPUXGXBELLDGX6UVYKIVSTA/
Author :
Publish date : 2025-10-07 13:58:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.