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Sébastien Lecornu remplace… Lecornu Sébastien : le risque de la farce

Sébastien Lecornu remplace… Lecornu Sébastien : le risque de la farce

L’histoire se répète toujours deux fois, la première comme une tragédie et l’autre comme une farce, disait Karl Marx. Emmanuel Macron a donc nommé ce vendredi 10 octobre celui qui avait démissionné lundi et indiqué mercredi que « sa mission était terminée ». Face à l’incompréhension générale que peut susciter pareille décision, peut-être est-ce plutôt chez l’autre Marx, Groucho, qu’il faut trouver sinon une rationalité, au moins une explication à la décision du président – « Si je devais recommencer ma vie, je ferais les mêmes erreurs… mais plus tôt » ?

Si Emmanuel Macron était devenu expert en nomination de Premier ministre, cela se saurait puisqu’il exerce depuis maintenant plus de huit ans. Qu’il en soit devenu le praticien le plus régulier n’en fait pas le meilleur. Ne pas se déjuger paraît une motivation essentielle dans ce second quinquennat dont le seul objet semble être de gagner du temps. Sébastien Lecornu a fait gagner une semaine, on avance comme on peut.

Il se retrouve ce vendredi dans la même situation ou presque que le 3 octobre, avant de composer un gouvernement, déjà, avant de préparer une déclaration de politique générale sous la menace de la censure, déjà. Il y a sept jours, le Normand pense avoir réussi à sauver la réforme des retraites en renonçant au 49.3. Lui qui affiche volontiers une lecture gaulliste des institutions vient, peut-être pas de déposer les armes, mais renoncer à une arme majeure de l’exécutif. « Un élément qui tend la société depuis la loi El Khomri de 2016 », appuie un macroniste. Enorme concession qui l’éloigne beaucoup de l’esprit des institutions et qui aura un effet pendant une demi-heure, pas davantage.

Il se retrouve ce vendredi dans une situation pire que le 3 octobre en ce qui concerne l’état du socle commun. Il s’était assigné comme objectif de faire de sa solidité une priorité de son action, c’est aujourd’hui l’éclatement. Or c’est de ce socle commun, décrit comme « mort » par Bruno Retailleau ce vendredi à l’Elysée, qu’il tire sa légitimité. La gauche puise dans ce délitement son exigence de récupérer Matignon.

Et puis il y eut ce moment Lecornu. « Je n’ai pas vocation à être trop bavard », confiait le Premier ministre au premier jour de son bail à Matignon. Le mercredi 8 octobre, il apparaît enfin à la télévision. On ne comprend pas forcément tout ce qu’il dit ni où il veut en venir – que celui qui a compris ce qu’il annonçait sur les retraites lève le doigt – mais il dégage quelque chose. Il a les mains dans la politique jusqu’au cou, mais il parvient en même temps à faire un petit pas de côté, histoire d’en montrer les coulisses et de repérer « l’éléphant dans la pièce » : « Dans le secret du bureau, les responsables politiques veulent avancer. Mais il y a la perspective de 2027. »

« Il est dix crans au-dessus »

Sébastien Lecornu réussit sur France 2 une double performance : il attire les téléspectateurs et les louanges de l’Elysée. Les proches d’Emmanuel Macron veulent croire que le pays a eu ce soir-là une révélation : « L’intervention de Sébastien Lecornu a fait beaucoup de bien après plusieurs jours de dinguerie. Il a montré qu’il était dix crans au-dessus de beaucoup d’impétrants. Il a pris tout le monde par la main pour expliquer ce qu’il fait. » Ils soulignent non seulement le score en termes d’audimat mais relèvent que les Français, devant leur écran, n’ont pas décroché. Comme si de belles audiences valaient cure de jouvence démocratique. Dans une crise où la légitimité est introuvable, elle peut se nicher partout.

« Sébastien Lecornu parle le Macron première langue », note l’un de ses amis, et dans cette période où le président devient de plus en plus incompréhensible, c’est sans doute un atout. Il connaît, pour l’avoir observé au plus près ces dernières années, son aptitude à l’indifférence, dont François Mitterrand disait volontiers qu’elle était la première qualité d’un homme d’Etat. Elle ne sera pas de trop au moment où Emmanuel Macron se retrouve confronté à une triple difficulté : la perplexité (pour dire le moins) de l’opinion, l’éclatement du socle commun, l’hostilité des oppositions. Le rendez-vous de la censure la semaine prochaine viendra dire si Lecornu II était une farce.



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Author : Eric Mandonnet

Publish date : 2025-10-10 20:13:00

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