« Le chef du gouvernement sera-t-il issu de la droite ou de la gauche ? A moins qu’il ne vienne de la société civile ? » Cette question est sur toutes les lèvres ces derniers temps, chaque Français s’improvisant politologue aguerri, avec des listes de candidats où ne manquait plus que la cote des bookmakers. Après le cataclysme provoqué par la démission de Sébastien Lecornu, les analystes ont ouvert la voie à la critique, rejoints par les responsables politiques de tous bords, y compris ceux de la majorité présidentielle. Tous les regards sont tournés vers Emmanuel Macron — lâché par ses fidèles—, et le palais de l’Élysée où les chefs d’Etat sont, paraît-il, si isolés. Interrogé par L’Express, Benoît Serre, président du Cercle Humania — premier cercle de réflexion RH en France, réunissant 650 directeurs des ressources humaines — et ancien DRH de groupes internationaux, estime que cette situation s’apparente à une crise de confiance, comme celle qui peut opposer des salariés à leur dirigeant. Dès lors, comment fonctionner au quotidien quand une équipe n’a plus confiance en son manager ? Et comment un dirigeant peut-il rétablir la confiance auprès de ses équipes ?
(Ré) incarner l’autorité
Des situations de crise en entreprise, Benoît Serre en a connu. En politique, aussi, mais en tant qu’observateur. « En 2005, il y a eu des émeutes urbaines en France. Elles ont duré longtemps. C’était très anxiogène. Puis Jacques Chirac, alors président de la République, a pris la parole et annoncé la prolongation de l’état d’urgence pour trois mois. Il a fait preuve d’autorité », se remémore Benoît Serre. Une allocution dans laquelle le chef de l’État déplorait à la fois une « crise de sens » et une « crise de repères » chez la jeunesse, tout en leur rappelant qu’ »ils sont tous les fils et les filles de la République ». « Le lendemain, tout rentrait dans l’ordre », se souvient l’ex-DRH. Quelle leçon en tirer ? « C’est l’incertitude qui effraie, qui produit la défiance. Ce sont les changements permanents, les transformations qui s’enchaînent — parfois, vont dans un sens contraire à ce qui a été préconisé précédemment — qui provoquent la rupture avec le sommet », analyse l’expert.
Le fameux « on apprend en marchant » peut s’avérer délétère. Et le silence, lui, ne fait qu’amplifier le doute. Pourquoi ne parle-t-il pas ? Qu’a-t-il à cacher ? Que va-t-il se passer ? Sans compter ceux qui s’érigent en sachants et qui commentent le silence, ou prophétisent ce qui va arriver. « Quand le dirigeant ne parle pas, il perd sa légitimité et fait perdre celle de tous ceux qui sont autour de lui », avertit Benoît Serre. En situation de crise, la prise de parole du dirigeant est donc plus que nécessaire, que l’entreprise compte 100 ou 100 000 salariés. Elle permet de reprendre la main et sortir de l’isolement qui prête le flanc à toutes les spéculations. Incarner cette posture du chef à la barre, soigner sa communication, le moment de la prise de parole doit être préparé comme un événement pour que tous comprennent l’importance du message.
« Réaffirmer qu’il est chef en prenant la parole, c’est le premier signe qui montre qu’il entend assumer son pouvoir. C’est aussi une preuve de courage, car dans ces moments-là, on est seul et exposé ». Par ce geste d’autorité, on fait taire les fauteurs de troubles et on rassure les autres. Il faut ensuite dire où l’on va, comment on y va et ce que l’on va faire. « Etre précis, détailler le cap », insiste Benoît Serre. Fini le flou, et les conditionnels pleins d’espoir. Place à un discours simple, où l’on affiche ses attentes. « Il faut indiquer ce qu’on a obtenu, le chemin à prendre, les bloquants aussi pour montrer que l’on a entendu les critiques et qu’on y répond ». Il reste un élément majeur, selon lui : « le calendrier ». Redevenir le seul maître des horloges.
L’exemplarité comme vertu cardinale
Et ensuite ? Une fois cette posture d’autorité réaffirmée, que reste-t-il à faire ? Pour Hervé Estampes, dirigeant du cabinet de conseil en stratégie Graduate Conseil, « il faut être exemplaire. Autour de vous, on est toujours prompt à vous prendre en défaut ».
Cet ex-pilote de chasse passé par de grandes entreprises internationales préconise aussi de réaffirmer la vision, le cap. Et de communiquer. « La transparence, ce n’est pas tout dire, mais il faut partager ce qui peut l’être, sans mentir, sans biaiser, pour impliquer tout le monde et affirmer sa feuille de route ».
Cet ex-pilote de chasse passé par de grandes entreprises internationales préconise aussi de réaffirmer la vision, le cap. Et de communiquer. « La transparence, ce n’est pas tout dire, mais il faut partager ce qui peut l’être, sans mentir, sans biaiser, pour impliquer tout le monde et affirmer sa feuille de route ». Enfin, s’entourer. Ne pas donner des fonctions majeures à des mauvais ou à des clones qui rassurent. « Il ne faut pas avoir peur de recruter meilleur que soi dans son domaine, et le faire évoluer. S’il y en a deux qui sont excellents, la concurrence est un moteur ». Quid du chef ? « Un bon dirigeant saura toujours en retirer les bénéfices », conclut d’Hervé Estampes. Les lauriers seront toujours pour lui…
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Author : Claire Padych
Publish date : 2025-10-10 15:09:00
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