Le geste est fort, et le timing semble soigneusement calculé. Alors que des sénateurs américains appelaient à durcir les sanctions contre la Chine, cette dernière a répliqué sans attendre, jeudi 9 octobre, avec de nouveaux contrôles. En étendant son régime de licences aux produits fabriqués à partir de terres rares chinoises, même hors de son territoire, le régime de Xi Jinping place un secteur stratégique – celui des métaux indispensables à la transition énergétique et à la défense – sous sa coupe directe. Un coup de semonce qui intervient à quelques semaines du sommet de l’APEC – Coopération économique Asie-Pacifique – qui se tient les 31 octobre et 1er novembre en Corée du Sud.
Que comportent les annonces de Pékin sur les terres rares ?
Pékin a frappé un grand coup cette semaine en étendant radicalement son contrôle sur les terres rares, ces métaux qui servent à fabriquer les aimants indispensables à la tech et à la défense américaine et dont les Chinois ont le quasi-monopole. Désormais, tout produit, composant ou technologie contenant plus de 0,1 % de terres rares d’origine chinoise devra faire l’objet d’une licence d’exportation. Cette exigence s’appliquera non seulement aux biens fabriqués sur le sol chinois, mais aussi à ceux produits à l’étranger dès lors qu’ils utilisent des matériaux ou des technologies issues de Chine.
Concrètement, les licences pour des usages militaires seront systématiquement refusées ; celles concernant les semi-conducteurs et l’intelligence artificielle ne seront accordées qu’au cas par cas, tandis que les exportations à visée humanitaire resteront exemptées de ces contrôles. A noter qu’en avril dernier, la Chine avait soumis les exportations de sept terres rares stratégiques à des licences difficiles à obtenir. Pour Pékin, il s’agit de les utiliser comme levier diplomatique, en s’octroyant un droit de regard extraterritorial sur les chaînes de valeur mondiales — à l’image des dispositifs américains, comme la Foreign Direct Product Rule, cette règle de contrôle des exportations qui inspire directement la mesure chinoise, compare La Tribune.
Quelles conséquences pour les chaînes d’approvisionnement mondiales ?
Les conséquences de cette décision chinoise s’annoncent considérables pour les industries occidentales, déjà fragilisées par la guerre technologique sino-américaine. Camille Brugier, une spécialiste de la Chine résume sur LinkeDin : « Si la France veut vendre un avion aux Pays-Bas, et que cet avion est composé à plus de 0,1 % de produits visés, le constructeur français devrait théoriquement demander une licence d’exportation au Ministère du Commerce chinois pour exporter son produit vers les Pays-Bas. » Et la chercheuse d’ajouter qu’en vertu du seuil « très bas », à peu près tous les produits ayant des composantes digitales seront concernés : « Vu l’absence d’annonce visant à renforcer les équipes chinoises du Ministère du Commerce et de l’administration des douanes, il faut s’attendre à de longs délais. »
De son côté, l’Union européenne tente bien de diversifier ses approvisionnements : d’après les informations d’Eurostat, ses importations d’aimants de terres rares depuis le Vietnam ont doublé en un an. Mais la domination chinoise reste écrasante : si Pékin n’extrait qu’environ 60 % du minerai mondial, il en raffine près de 90 %, d’après les données de l’Agence internationale de l’énergie, reprises par nos confrères des Echos. En imposant ces licences, la Chine instrumentalise son avantage industriel pour peser sur les grandes entreprises mondiales, déjà contraintes de reformuler leurs chaînes d’approvisionnement depuis trois ans.
Et quelle a été la réaction de Washington ?
Aux États-Unis, la réaction a été immédiate. Donald Trump, pourtant plutôt conciliant avec Xi Jinping depuis son retour à la Maison-Blanche, a publié sur son réseau Truth Social un message incendiaire, mentionnant l’éventuelle annulation de leur rencontre prévue fin octobre à Séoul, en marge du sommet de l’APEC. « Je devais rencontrer le président Xi dans deux semaines, mais il semble maintenant qu’il n’y ait plus aucune raison de le faire », écrit l’ex-magnat de l’immobilier. Il menace d’imposer « une taxe supplémentaire de 100 % » sur les produits chinois dès le 1er novembre et accuse Pékin de vouloir contrôler « pratiquement tout ce qui lui passe entre les mains, même hors de Chine ».
La réaction des marchés ne s’est pas fait attendre : Wall Street a perdu 2,7 % et le Nasdaq 3,5 %, tirant vers le bas les valeurs technologiques européennes. À trois semaines du sommet, la tension remonte brutalement entre les deux premières puissances mondiales. En brandissant l’arme des terres rares, Pékin montre qu’il est prêt à jouer sur le terrain préféré de Washington : celui du contrôle des technologies critiques. Mais en exerçant une pression aussi frontale, la Chine prend aussi un risque : celui de provoquer un nouvel emballement de la guerre commerciale, à un moment où aucune des deux économies n’a vraiment les moyens d’en assumer le coût.
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Author : Audrey Parmentier
Publish date : 2025-10-11 09:23:00
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