Qui est vraiment Edouard Geffray, le nouveau ministre de l’Education nationale, inconnu du grand public et pourtant grand familier de la rue de Grenelle ? Depuis l’annonce de sa nomination au sein du gouvernement Lecornu, le 12 octobre 2025, cet énarque de 47 ans est souvent présenté comme « l’ancien bras droit de Jean-Michel Blanquer ». En 2017, ce dernier lui confie la Direction générale des ressources humaines de l’immense machine éducative. Avant de le propulser Directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco) en 2019. Un poste de « numéro deux » du ministère qu’il occupera jusqu’en 2024.
« Cette double compétence est assez rare. Pouvoir compter sur un fin connaisseur du sujet, directement opérationnel, est un atout indéniable dans la période d’incertitude actuelle », confie Jean-Michel Blanquer. Une fois n’est pas coutume, l’ancien ministre est d’accord… avec son successeur, Pap Ndiaye. « Lorsque j’ai rencontré Edouard Geffray pour la première fois, ce dernier pensait peut-être qu’il allait être remercié. Mais j’ai toujours considéré que l’administration pouvait servir des ministres qui avaient des points de vue différents. La suite m’a montré que j’avais raison », raconte l’historien qui salue la « loyauté », la « compétence », et le « sens de l’intérêt général et du service public » de son ancien Dgesco.
Un fin « techno »
Edouard Geffray est le septième ministre de l’Education depuis 2022. Il succède ainsi à Pap Ndiaye, Gabriel Attal, Amélie Oudéa-Castera, Nicole Belloubet, Anne Genetet et Élisabeth Borne. Reste à savoir si ce fin « techno », chargé jusque-là de mettre en musique la feuille de route dictée par les différents ministres auprès desquels il a officié ces dernières années, réussira sa mue politique. « Je serais bien incapable de vous dire quelles sont ses convictions réelles et sa vision personnelle du monde éducatif. Edouard s’est toujours effacé derrière ses fonctions de serviteur de l’Etat. Mais je pense qu’il arrivera à imprimer sa marque si on lui en laisse le temps », confie ce haut fonctionnaire avec qui il a étroitement travaillé.
Tout le monde loue sa grande connaissance des dossiers. L’ancien DGRH et DGESCO aura traversé pas mal de tempêtes : d’abord la crise sanitaire puis les débats houleux autour de la réforme du bac et du lycée qui ont nécessité bien des ajustements. Pierre Mathiot, l’un des principaux architectes de cette dernière réforme vante les « qualités de calme et de résilience » d’Edouard Geffray. « Toujours très posé, il ne s’énerve jamais. C’est aussi un énorme bosseur, avec ce petit côté monstre froid qui ne laisse rien paraître », poursuit-il.
Passé par le cabinet de l’éphémère ministre de la justice François Bayrou en 2017, Edouard Geffray débarque, cette même année, rue de Grenelle. En terre totalement inconnue. « Lui qui ne connaissait rien à l’Education a très vite fait preuve d’une belle capacité intellectuelle. Son parcours au sein de l’administration fait qu’il connaît parfaitement le système de l’intérieur », affirme l’ancien inspecteur général Jean-Charles Ringard. Avant d’ajouter : « Humainement parlant, ce père de famille de cinq enfants, grand amoureux de la montagne, est un type aussi sympa qu’accessible ».
Bernard Toulemonde, ancien recteur et ex-membre de plusieurs cabinets ministériels, reconnaît les qualités d' »excellent juriste » de ce conseiller d’Etat. « Pourtant, lors de son passage à la DGRH, connue pour son inertie et son caractère extrêmement bureaucratique, rien n’a changé. Edouard Geffray a préféré jouer la prudence pour éviter de trop se mettre les syndicats à dos. Sa nomination comme ministre est l’assurance que le mammouth restera totalement immobile », lâche-t-il.
Des remous en interne
Et Bernard Toulemonde de rappeler que la nomination d’Edouard Geffray au poste de Dgesco avait suscité pas mal de remous en interne à l’époque : « Jusque-là, cette fonction avait toujours été occupée par quelqu’un du sérail c’est-à-dire à un ex-recteur ou un ancien professeur. Confier le pilotage pédagogique du ministère à un non-pédagogue, c’était une première ! »
Certains reprochent, notamment, à Edouard Geffray de ne pas avoir suffisamment accompagné la réforme du dédoublement des classes de grandes sections, CP et CE1 en réseaux prioritaires. Pourtant l’une des mesures phares de Jean-Michel Blanquer. « Pour que celle-ci porte totalement ses fruits, il aurait fallu faire évoluer les pratiques pédagogiques des enseignants. Un domaine dans lequel il a toujours refusé de s’impliquer », regrette ce fin connaisseur des rouages du ministère. « Personne ne coche toutes les cases ! Il aura au moins eu le mérite de tenir la barre en coulisses et d’assurer une forme de continuité malgré la succession des derniers ministres, très novices pour la plupart », défend cet autre haut fonctionnaire.
Durant toutes ces années passées au ministère, Edouard Geffray aura aussi appris à manier le dialogue avec les syndicats. « Lors des audiences syndicales auxquelles j’ai pu assister avec lui, notamment autour de la réforme du lycée, il s’est toujours montré accessible et courtois. Se gardant bien de faire des annonces tranchées devant les représentants », explique Jean-Charles Ringard. Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, a pourtant le souvenir d’un homme « raide et cassant » à ses débuts. « Lors d’une émission du Téléphone Sonne, sur France Inter, consacrée à la réforme du bac, il nous avait accusés d’être des « ventilateurs à angoisse », reprenant une expression de Jean-Michel Blanquer. Ce qui revenait à nier totalement les arguments qu’on pouvait leur opposer », raconte-t-elle. Avant de reconnaître que l’homme s’est assoupli durant ses derniers mois passés à la Dgesco. « Lui qui s’est toujours retranché derrière son statut de haut fonctionnaire se retrouve dans une position décisionnaire. On attend de voir quel genre de ministre il sera ».
En 2021, après la démission de Frédéric Mion, il s’était porté candidat à la présidence de Sciences Po. Edouard Geffray, qui a rejoint le Conseil d’Etat il y a quinze mois, n’a jamais cessé de s’intéresser à l’Education. En septembre 2025, il a remis un rapport sur l’éducation à l’image et au cinéma à Élisabeth Borne et Rachida Dati. « Il n’est pas là par hasard, contrairement à certains de ses prédécesseurs », insiste l’un de ses proches. Mais dans ce contexte politique aussi difficile qu’inédit, sa marge de manœuvre est très faible. « Même en admettant que le gouvernement survive à la semaine en cours, le nouveau ministre de l’Education, surtout connu pour ses compétences techniques, aura-t-il assez de poids politique pour remporter les arbitrages budgétaires ? J’avoue que je suis assez sceptique », confie Alain Boissinot, ex-directeur de l’enseignement scolaire et ancien recteur d’académie.
L’enjeu est pourtant essentiel pour le monde éducatif. Parmi la pile de dossiers qui l’attend sur son bureau se trouve aussi celui de la réforme de formation des enseignants qui sera appliquée à la rentrée 2026. « L’avantage est qu’Edouard Geffray connaît très bien le sujet. Et heureusement car cette réforme qui vise à déplacer le concours du niveau bac + 5 à bac + 3 nécessite encore beaucoup d’ajustements techniques », explique Alain Frugière, président du réseau national des Inspé. Reste à savoir combien de temps il occupera son fauteuil de ministre.
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Author : Amandine Hirou
Publish date : 2025-10-14 15:30:00
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