« La droite française est la plus bête du monde », professait Guy Mollet en pleine crise algérienne. Voici venue l’heure de la droite la plus faible de la Terre. Les Républicains ont constaté leur effacement ce mardi 14 octobre, à l’occasion de la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu. Entre docilité de députés pétrifiés par la dissolution et erreurs stratégiques de Bruno Retailleau, désormais privé de toute influence sur le Premier ministre, LR se retrouve hors jeu. Loin de l’influence que le parti exerçait à l’Assemblée depuis 2022.
Adversaire historique d’Emmanuel Macron, Laurent Wauquiez a chanté mardi une ode au « compromis » et à la « stabilité » dans l’hémicycle. Jamais il n’a fait référence à la suspension de la réforme des retraites, annoncée quelques minutes plus tôt par le chef du gouvernement. Une hérésie pour LR, qui portait le relèvement de l’âge légal de départ à 65 ans lors de la dernière présidentielle. Mais le patron du groupe LR se fait le porte-voix de ses troupes, hostiles à un retour aux urnes.
Députés aphones, parti impuissant
Cette crainte d’élections législatives anticipées étouffe la voix de la droite parlementaire. Laurent Wauquiez a bien rappelé les priorités de LR – baisse des dépenses, lutte contre l’immigration « hors de contrôle » ou valorisation du travail – mais sur un ton des plus conciliants. La menace de censure n’est jamais brandie. Qu’elle semble loin, l’époque où les ouailles d’Olivier Marleix faisaient danser les gouvernements Attal et Borne contre leur clémence.
Les mots sont aujourd’hui apaisants envers Sébastien Lecornu, pourtant avare en concessions. Les intérêts des députés rejoignent ceux de Laurent Wauquiez, rival de Bruno Retailleau. Un groupe aphone se protège de la dissolution… et éreinte l’autorité de l’ex-ministre de l’Intérieur, vent debout contre l’accord noué avec la gauche. La direction de LR peste contre ces députés trop sages. Elle s’est pourtant elle-même privée de toute capacité d’influence sur l’exécutif. Bruno Retailleau n’était pas un négociateur féroce quand il souhaitait rester à Beauvau : le dimanche 5 octobre, il s’est contenté d’un simple courrier du Premier ministre au socle commun – d’une tonalité de droite mais imprécis – pour justifier son maintien en poste.
Son départ fracassant après la nomination de Bruno Le Maire l’a conduit à adopter une ligne intransigeante envers le gouvernement Lecornu II. Mais en sortant du jeu, le Vendéen a endossé le rôle de spectateur des tractations. Le voilà désarmé. Autour de lui, on se rassure : Sébastien Lecornu a toujours pensé lâcher sur les retraites, la rupture était inévitable.
Les yeux pour pleurer
Rien n’est moins sûr. François Hollande a une certaine expérience de la vie politique. L’ancien chef de l’Etat juge que le départ brutal de Bruno Retailleau, source d’affaiblissement du socle commun, a ouvert la voie à un compromis avec les socialistes. L’Elysée était réticent à une mise en pause de la réforme Borne – « vrai risque auprès des marchés » – lors de la formation du premier gouvernement Lecornu. Ce tabou a été levé.
Que reste-t-il à la droite ? Les mots. Bruno Retailleau fustige un gouvernement « dirigé » par la gauche. Des hiérarques LR – non députés – courent les plateaux de télévision pour dénoncer les reniements de leurs pairs et réclamer une censure qu’ils ne peuvent pas voter. Comme si un cri d’indignation sur BFMTV compensait un silence poli dans l’hémicycle. L’ADN de la droite est brandi en étendard, presque de manière désespérée. Les boucles de messageries surchauffent, dévoilant une fracture entre le parti et ses députés. Mais sur WhatsApp, qui vous entend crier ?
Source link : https://www.lexpress.fr/politique/lr/gouvernement-lecornu-ii-pourquoi-la-droite-francaise-est-la-plus-faible-du-monde-OCPXKQCIDRFYNJ7EM75W2PGJJY/
Author : Paul Chaulet
Publish date : 2025-10-15 13:42:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.