C’est l’héritière désargentée de la taxe Zucman. Le projet de budget présenté mardi 14 octobre par le gouvernement Lecornu prévoit entre autres, l’instauration d’une taxe sur les holdings patrimoniales, ces sociétés mères qui ont pour vocation de détenir et de gérer les actifs de plusieurs autres sociétés, parfois utilisées pour contourner l’impôt sur le revenu. « Cette taxe vise à faire échec aux stratégies de contournement de l’impôt par la thésaurisation de revenus non distribués dans des sociétés, ces revenus échappant ainsi à l’impôt », précise le document du PLF, consulté par plusieurs grands médias français. Le point sur les apports et les limites de cette nouvelle proposition.
Cette taxe de 2 % ciblera les holdings qui détiennent des actifs d’une valeur d’au moins 5 millions d’euros. Cela représenterait plusieurs dizaines de milliers de structures détenues par des familles fortunées. Ces holdings patrimoniales permettent de posséder indirectement un patrimoine constitué de revenus dits « non distribués », qui n’ont donc pas été imposés au nom des associés. Des montages légaux qui « expliquent la perte de progressivité de l’imposition du revenu observée par certaines études pour environ 4 000 ménages les plus fortunés », relève l’exposé des motifs du PLF.
La grande limite de l’exclusion des actifs professionnels
Ersatz de la taxe Zucman, cette nouvelle taxe pâtit d’une limite de taille, particulièrement critiquée par certains économistes : telle qu’elle est présentée aujourd’hui, elle exclut les actifs professionnels de l’assiette sur laquelle est calculée la taxe. Cela inclut les biens matériels utilisés dans l’activité de l’entreprise, mais aussi créances et droits liés à l’exploitation, les participations dans d’autres sociétés opérationnelles… Cela réduit son rendement d’environ 90 %, calcule Le Monde. Elle pourrait rapporter entre 1 et 1,5 milliard d’euros, loin des 5 à 20 milliards d’euros avancés pour la taxe Zucman.
Le 3 octobre dernier déjà, avant sa démission et sa renomination à Matignon, Sébastien Lecornu introduisait cette alternative à la taxe Zucman. Un collectif d’économistes alertait alors dans les pages du quotidien national : cibler uniquement les actifs non professionnels « exonérerait les plus grandes fortunes de l’impôt censé les cibler ». Pour Gabriel Zucman, qui avait alors réagi sur les réseaux sociaux, exonérer les biens professionnels reviendrait à reproduire l’erreur historique de l’ISF, dont les plus hauts patrimoines étaient largement exemptés.
Ce qui se fait aux Etats-Unis et en Irlande
Selon le gouvernement de Sébastien Lecornu, cette nouvelle taxe sur les holdings est « inspirée de taxes voisines en place dans plusieurs autres pays, comme les Etats-Unis et l’Irlande ». En Irlande, une taxe s’applique effectivement aux revenus passifs (c’est-à-dire les dividendes, les intérêts ou les loyers) détenus dans les holdings patrimoniales, imposés à 25 %. Les revenus commerciaux ne sont imposés qu’à 12,5 %. En revanche, le pays prévoit une exonération d’impôt sur les plus-values effectuées lors de la vente de parts à une autre société. Ce système permet aux holdings de gérer et transmettre facilement leur patrimoine, mais les revenus passifs restent lourdement imposés.
Aux Etats-Unis, une taxe sur les Personal Holding Company (PHC) a également été mise en place. Les PHC sont des sociétés dont plus de 50 % du capital est détenu, directement ou indirectement, par cinq personnes physiques ou moins, et dont au moins 60 % des revenus proviennent de sources passives comme les dividendes, intérêts, loyers ou redevances. Elles sont soumises à une taxe supplémentaire de 20 % sur les revenus passifs non distribués, en plus de l’impôt sur les sociétés classiques. Cette mesure vise à empêcher les particuliers fortunés de constituer des sociétés pour accumuler des revenus passifs sans les distribuer, échappant ainsi à l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
Avec ses 2 % seulement, la taxe française propose donc un taux d’imposition bien plus faible. Mais elle s’applique a priori à l’entièreté de l’assiette patrimoniale, et pas seulement aux revenus passifs, ce qui la rend plus lourde pour les grandes fortunes. Un effet tout de même largement tempéré par l’exclusion des actifs professionnels. Afin d’éviter que la simple délocalisation de la holding patrimoniale à l’étranger permette de se soustraire à la taxe, le PLF précise aussi qu’il « est proposé d’imposer les actifs patrimoniaux des holdings ayant leur siège à l’étranger ».
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Author : Enola Richet
Publish date : 2025-10-14 17:31:00
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