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« Des extraterrestres ont sûrement essayé de nous contacter, mais… » : la théorie choc de Robin Corbet (Nasa)

« Des extraterrestres ont sûrement essayé de nous contacter, mais… » : la théorie choc de Robin Corbet (Nasa)


« Deux possibilités existent : soit nous sommes seuls dans l’univers, soit nous ne le sommes pas. Les deux hypothèses sont tout aussi effrayantes ». Cette phrase attribuée à l’écrivain de science-fiction Arthur C. Clarke, auteur notamment du célèbre 2001 : l’Odyssée de l’espace, résume l’une des principales énigmes de notre temps. Pourquoi diable, compte tenu des centaines de milliards de planètes que compte l’univers, aucune forme de vie intelligente n’a tenté de nous contacter ? Ou, pour reformuler le fameux « paradoxe de Fermi » : « s’il y avait des civilisations extraterrestres, leurs représentants devraient être déjà chez nous. Où sont-ils donc ? »

Cette question a hanté nombre de penseurs pendant des siècles. Depuis plusieurs décennies, le développement de la science nous permet de chercher dans le lointain cosmos des planètes habitables, et l’humanité tente de détecter des signaux sonores ou des signes de pollution autour d’un astre potentiellement habitable. Le 29 avril 2019, par exemple, une vibration insistante, répétitive, en provenance d’une autre planète émise pendant cinq heures. Shane Smith, du centre astronomique de l’université de Berkeley, en Californie, qui termine alors son stage de recherche au sein de l’équipe du Breakthrough listen – un projet visant à rechercher des preuves de communications extraterrestres intelligentes dans l’Univers – n’en revient pas. Cette bande très étroite du spectre radioélectrique captée est de 982 mégahertz, une fréquence qui n’est généralement pas utilisée dans les satellites et engins spatiaux humains. Surtout, il a été capté aux environs de l’étoile la plus proche du Soleil, là où orbitent des planètes potentiellement habitables. Première preuve d’une vie extraterrestre ? Après plusieurs mois d’analyse approfondie, c’est la douche froide. L’équipe de scientifiques conclut que ce signal étrange était probablement dû à une interférence provenant d’une technologie humaine…

De tels scénarios se répètent dans l’histoire récente, encore et encore. Faut-il pour autant conclure que nous sommes seuls dans l’univers ? La réponse à cette question est plus complexe, selon l’astrophysicien américain Robin Corbet, chercheur principal à l’Université du Maryland, et membre du Goddard Space Flight Center de la Nasa. Dans un article en pré-print publié récemment, il propose une troisième voie au « paradoxe de Fermi », et envisage un scénario intrigant : si les extraterrestres existent, leur technologie pourrait n’être que légèrement supérieure à la nôtre. Après avoir exploré leur environnement cosmique pendant un certain temps, ils se sont lassés et ont cessé de s’y intéresser, ce qui rend leur détection difficile. D’autant que, l’univers étant en expansion, chaque galaxie s’éloigne des autres à mesure que le temps passe. Sur quoi repose cette conclusion ? Et que faut-il en tirer comme enseignement sur l’humanité et a vie dans l’univers ? Entretien avec ce spécialiste dont les travaux font beaucoup réagir.

L’Express : L’astronome américain Carl Sagan a écrit : « Si nous étions seuls dans l’univers, ce serait un beau gâchis d’espace ». Pensez-vous que d’autres formes de vie existent dans l’univers ? Et si oui, parlons-nous de « civilisations » ou plutôt de formes de vie plus primitives, comme des bactéries ou des microbes ?

Dr Robin Corbet : Je soupçonne que la vie pourrait être assez commune dans notre galaxie, mais que la vie « intelligente » serait beaucoup plus rare. Cependant, nous devons commencer à recueillir des données concrètes à ce sujet. C’est pourquoi les futures missions de la Nasa comme Habitable Worlds Explorer, qui pourrait trouver des indices de vie autour d’exoplanètes, ou le Mars Sample Return, qui pourrait potentiellement découvrir des traces de vie dans le passé lointain de Mars, sont très importantes.

Dans votre article, vous rejetez l’idée que des civilisations extraterrestres lointaines puissent posséder une technologie si avancée qu’elles pourraient voyager sur des distances inimaginables, en défiant les lois de la physique. Au contraire, selon vous, elles bénéficieraient d’un niveau de développement globalement similaire au nôtre. Votre conclusion signifie-t-elle que l’humanité ne pourra jamais entrer en contact avec une autre forme de vie ?

Je pense qu’il est possible que nous établissions un jour un contact. Je crois que les civilisations extraterrestres pourraient avoir un niveau technologique supérieur au nôtre, mais pas fondamentalement différent. Par exemple, elles ne disposeraient pas de vaisseaux voyageant plus vite que la lumière, ni de technologies fondées sur la matière noire. Je ne pense pas que ces civilisations construiraient des balises ou enverraient des sondes robotiques sur notre planète, mais il est possible que, par exemple, des signaux radio « fuités » puissent être détectés grâce aux prochaines générations de radiotélescopes. L’idée générale est qu’ils soient plus avancés que nous, mais pas beaucoup plus. C’est comme avoir un iPhone 42 plutôt qu’un iPhone 17.

Je ne sais pas exactement où se situe le développement de nos voisins potentiels, mais il serait quelque part entre notre niveau actuel et celui nécessaire pour entreprendre des projets d’astro-ingénierie, comme la construction de sphères de Dyson.

L’écrivain de science-fiction Arthur C. Clarke a déclaré : « Deux possibilités existent : soit nous sommes seuls dans l’univers, soit nous ne le sommes pas. Les deux sont également terrifiantes. » Vous pensez que la vérité se situe quelque part entre les deux. Pouvez-vous développer ?

Si la Terre est la seule planète à posséder une vie intelligente, cela fait de nous quelque chose de très spécial et nous confère une responsabilité incroyable. A l’inverse, si notre galaxie, la Voie lactée, est remplie de civilisations extraterrestres dotées de technologies extrêmement avancées, cela pourrait rendre la galaxie très dangereuse pour nous.

Entre ces deux extrêmes, je propose qu’il existe une limite à la croissance technologique, ce qui signifie que les niveaux technologiques extraterrestres, bien qu’impressionnants, ne seraient pas aussi effrayants qu’on pourrait le craindre. Ainsi, nous ne sommes pas seuls – ce qui soulage une partie du fardeau – mais il n’existe pas pour autant des civilisations extraterrestres autour de presque chaque étoile. La Voie lactée n’est donc pas peuplée de manière terrifiante.

Le professeur Michael Garrett, directeur du Jodrell Bank Centre for Astrophysics, a salué votre « regard neuf », mais a exprimé quelques réserves. « Il projette une forme d’apathie très humaine sur le reste du cosmos. J’ai du mal à croire que toute vie intelligente puisse être aussi uniformément terne », a-t-il déclaré. Il ajoute que tout stade technologique pourrait être bien supérieur au nôtre, et penche pour une « explication plus audacieuse du paradoxe de Fermi : d’autres civilisations post-biologiques progressent si rapidement qu’elles échappent à notre capacité de les percevoir. » Que lui répondez-vous ?

C’est une hypothèse intéressante, qui a déjà été suggérée sous des formes générales auparavant, et je cite d’ailleurs quelques articles dans mon travail évoquant des espèces qui « transcendent » leur forme au point de ne plus être reconnaissables. L’objectif de mon article était de proposer que cela n’est pas possible, car il existe des limites à la croissance technologique. Je crois que cette hypothèse est cohérente avec ce que nous avons observé jusqu’à présent – c’est-à-dire aucun signe clair de technologie extraterrestre. Mais toutes ces idées restent pour l’instant des hypothèses, et nous devons garder l’esprit ouvert pour ne pas passer à côté d’un signe important.

Il existe, selon l’astrophysicien Robin Corbet, un palier dans le développement technologique, qui empêche de tordre les lois de la physique.

Toutes les théories concernant l’existence d’une vie extraterrestre reposent sur un principe très humain : notre désir d’exploration et notre soif de comprendre et de découvrir nos origines. Mais ne pourrions-nous pas imaginer qu’une civilisation extraterrestre ne soit pas animée par un tel désir ? N’est-ce pas une notion très humaine, liée à celle de la conquête ?

Oui, je peux tout à fait imaginer qu’une vie extraterrestre, y compris intelligente, puisse être fondée sur une grande variété de biologies, de structures sociales et de motivations psychologiques. Une possible solution au « paradoxe de Fermi » serait qu’aucune autre civilisation technologique n’ait le désir d’explorer. Mais cela supposerait qu’aucune d’entre elles ne l’ait – ce qui semble très peu probable.

L’avenir de l’humanité s’écrira-t-il dans l’espace – en colonisant d’autres planètes au-delà de la nôtre ? Et un scénario semblable à celui de Fondation d’Isaac Asimov, où des humains régneraient sur l’univers (ou une partie de celui-ci) en oubliant leurs origines, pourrait-il se réaliser ?

J’ai beaucoup apprécié la lecture de Fondation il y a de nombreuses années. Mais, à moins que le voyage plus rapide que la lumière ne soit réellement possible, j’ai du mal à imaginer les humains se déplacer physiquement vers d’autres mondes. Je pense plutôt que les vaisseaux envoyés vers d’autres systèmes stellaires ressembleront davantage aux toutes petites sondes proposées par le projet Breakthrough Starshot – ayant une masse d’environ un gramme et une taille d’environ un centimètre.

La théorie du « Grand silence » ferait de notre planète une « anomalie », dans le sens où la vie – sous une forme intelligente – n’existerait pas ailleurs que sur la Terre, ou seulement très rarement. N’est-ce pas vertigineux de penser cela ?

Oui. C’est précisément pour cela que la citation attribuée à Arthur C. Clarke résonne autant.

Pensez-vous que nous cherchons actuellement la vie extraterrestre de la bonne manière – en recherchant, par exemple, des signes tels que la pollution sur des planètes lointaines ou des faisceaux lumineux ?

C’est une très bonne question ! Je pense, encore une fois, que nous devons garder l’esprit ouvert face aux différentes possibilités. Poursuivre les recherches de technosignatures dans les domaines radio et optique est important, mais il est possible que quelque chose soit révélé dans une autre longueur d’onde. Et la découverte d’une technosignature extraterrestre pourrait très bien provenir d’observations astronomiques générales, et non spécifiquement d’études cherchant des civilisations extraterrestres.

Si un jour nous pouvions communiquer d’une manière ou d’une autre avec des extraterrestres (en supposant qu’une compréhension mutuelle soit possible), quelle serait la première question que vous voudriez leur poser ?

En tant que physicien, j’aimerais savoir s’ils ont découvert une « théorie du Tout » unifiant toutes les lois de la physique. Mais cela semble un peu impoli comme première question, donc je demanderais probablement plutôt quelque chose du genre : « Bonjour, comment allez-vous ? »



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Author : Yohan Blavignat

Publish date : 2025-10-18 14:00:00

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