« Hirondelle », « été », « aurore », « bambou »… Connaissez-vous votre signe iridologique ? Savez-vous ce qu’il dit de vous, de votre personnalité, de vos forces et de vos faiblesses ? Si la réponse est non, vous avez peut-être raté une des dernières croyances à la mode sur Internet. Selon cette tendance, la forme de la rétine contiendrait des informations déterminantes sur notre personnalité. Une sorte d’astrologie de l’œil, où ce n’est pas la position des planètes qui compte, mais la texture de l’iris.
A entendre les influenceurs qui se sont mis à parler de ce phénomène ces dernières semaines, il y aurait dans l’œil des marqueurs pouvant prédire nos « réactions », nos « dynamiques relationnelles », ou encore nos « compatibilités » avec les autres. Les « signes iridologiques » seraient clés pour comprendre le comportement et de la psyché. Mieux : ils seraient issus d’un savoir « ancestral », que l’on se partagerait entre connaisseurs depuis la nuit des temps, au même titre que la lecture des lignes de la main, ou le tirage de cartes…
Une pratique « ancestrale »… apparue sur les réseaux sociaux
Une croyance vieille de cinq millénaires, vraiment ? Une rapide enquête en ligne permet de se rendre compte que les créateurs de contenu qui ont lancé cette mode se sont mis à en parler à peu près au même moment, et plutôt autour de juillet 2025, soit très récemment. Etonnant, pour une pratique qui se voudrait traditionnelle. Plus étrange encore : sur Internet, aucun liens hypertextes, ni même commentaires de blog, n’évoque cette discipline avant l’intervention de ces mêmes vidéastes.
Certains naturopathes s’adonnent bien à la « lecture de l’iris » pour établir des « bilans de vitalité », une pseudothérapie appelée « iridologie » et créée au XIXe siècle par un médecin et homéopathe hongrois, Ignácz Péczely. Mais les adeptes de cette pratique, par ailleurs dans le viseur de la Miviludes – mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – ne font jamais mention de quelconques « signes » liées aux comportements. Encore moins à ces catégories que l’on retrouve en ligne comme « l’hirondelle », le « Phénix » ou « l’Ebène ».
Comment expliquer cette soudaine émergence ? Intrigué par autant d’incohérences, le YouTubeur G Milgram, à l’origine des révélations sur les fausses promesses quantiques de la marqueGuerlain, et les lunettes pour dyslexiques de l’opticien Atol, a mené l’enquête, dans une vidéo publiée le 8 octobre 2025, que L’Express a pu recouper. Etrangement, la plupart des mentions de ces signes iridologiques convergent vers une entreprise : Iris Galerie, cette chaîne de magasins qui se propose de photographier votre rétine, née en France, il y a quelques années, et en plein essor.
Depuis une date qui coïncide avec l’apparition des premières mentions en ligne, les 200 boutiques de la chaîne proposent d’analyser « formes, textures, nuances, profondeur » de l’iris, pour déterminer divers « traits de personnalité ». Une offre temporaire, commercialisée 69 euros sous le slogan « Iridology is the new astrology », l’iridologie est la nouvelle astrologie, en Français. La plupart des créateurs de contenu qui parlent des signes iridologiques renvoient en réalité vers ces boutiques, promettant un « voyage joyeux et émotionnel ».
« Une mise en scène narrative »
Qu’une grande marque, présente partout dans le monde, soit une des principales sources sur laquelle se fonde une pseudoscience n’est pas usuel. Surtout quand on sait à quel point il est facile de retrouver des traces des pratiques ésotériques en ligne. « D’ordinaire, les références fourmillent et il est difficile de retracer l’émergence d’une croyance. Ici, on retombe systématiquement sur l’entreprise Iris Galerie, ce qui laisse penser qu’il s’agit en réalité d’une création de la marque », relate l’auteur de l’enquête, G Milgram.
L’entreprise aurait-elle inventé et pratiqué une discipline pseudoscientifique dans l’unique espoir de booster ses ventes, et ce, malgré les risques associés à de telles activités, propice aux dérives sectaires et à l’éloignement du soin ? Pour en savoir plus, L’Express a contacté le fondateur de l’entreprise, Paul-Antoine Briat. Par mail, l’homme d’affaires reconnaît « une campagne marketing estivale inspirée librement de l’imaginaire de l’astrologie », et qui proposerait selon lui, « une lecture poétique et symbolique de l’iris, comparable à l’interprétation des signes du zodiaque ».
« Comme lors de nos précédentes campagnes, inspirées du monde féerique de Disney ou d’Harry Potter, il s’agissait d’une mise en scène narrative, imaginée en interne, avec des personnages de fictions, sans aucun fondement scientifique, médical ou thérapeutique. […] Il est donc impossible d’imaginer que quiconque ait pu être trompé sur la nature de la prestation », se défend le patron d’Iris Galerie. Et de nous joindre un message de prévention, figurant sur ses produits : « Les interprétations proposées sont fournies à titre indicatif et ne peuvent garantir de résultat ».
Des « spécialistes internationaux » introuvables
Impossible d’être trompé, vraiment ? Contrairement à ce qu’affirme Paul-Antoine Briat, l’entreprise est loin d’avoir cantonné son opération marketing à une simple fiction. Dans les vidéos relayées par les influenceurs, et dans les contenus commercialisés en boutique, il est affirmé que l’analyse de l’iris repose sur les écrits de « spécialistes internationaux » de l’iridologie comportementale. Donnant, de fait, une caution scientifique aux arguments de l’entreprise.
Des pratiques commerciales d’autant plus trompeuses, qu’il n’est pas possible de retrouver la trace de ces experts, « Edward Sterling » et « Bernhard Pettersen », et ce, quand bien même ils auraient dédié des « années à la recherche », et écrits de nombreux ouvrages. Un unique site – créé le jour du lancement de la campagne « iridology is the new astrology – les mentionne : « The behavioral iridolgy », (L’iridologie comportementale en anglais). Trois livres y sont mis en avant, dont un « Manuel d’iridologie comportementale », supposé être leur dernière publication. Fait surprenant, ce livre est exclusivement vendu en boutique Iris Galerie pour 25 euros pièce.
Une coïncidence qui ne laisse que peu de place au hasard : « Quand on prend les prétentions véhiculées par les auteurs, censés être des experts reconnus, et que de l’autre côté, on retrouve absolument aucun écrit, ni couverture de presse, le plus probable est qu’ils n’existent pas », relate G Milgram. Dans une seconde vidéo, le YouTube explique avoir retrouvé les premières lettres de l’adresse mail d’un des auteurs, ainsi que son numéro de téléphone. Là encore, ils renvoient au fondateur d’Iris Galerie, dont les informations en ligne semblent similaires. De quoi laisser penser qu’il a personnellement créé ce faux profil.
Quant à l’AFIC, l’association française d’iridologie comportementale, cet « organisme à but non lucratif » auquel sont supposés être rattachés ces sibyllins auteurs, G Milgram n’en a trouvé aucune trace. Nous, si. L’AFIC existe véritablement, mais son acronyme a une tout autre signification : l’association française des infirmièr(e)s en cancérologie. Attention à ne pas confondre : une recherche rapide, sans trop de vérifications, pourrait donc servir à crédibiliser l’aspect scientifique de l’iridologie comportementale vendue par Iris Galerie.
À la suite de la publication de l’enquête de G Milgram, et quelques jours après que L’Express ait contacté Paul-Antoine Briat, la marque et ses partenaires ont supprimé la majorité des contenus faisant l’apologie des signes iridologiques. Le site dédié généré par la marque a fermé, tout comme le site parlant d »Edward Sterling » et « Bernhard Pettersen ». Un hasard ? A ce sujet, Paul-Antoine Briat évoque la nécessité de passer à la prochaine campagne, qui cette fois-ci, va reprendre l’imaginaire de Noël. Fallait-il vraiment, pour cela, tenter d’effacer ses traces en ligne ?
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Publish date : 2025-10-17 13:52:00
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