En France, c’est une question inflammable. Mercredi 15 octobre, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a laissé entendre sa volonté de mettre en place une taxation plus importante des héritages. « Le truc qui vous tombe du ciel, à un moment ça suffit », a-t-elle taclé, sur le plateau de France 2. « On voit bien que la circulation des richesses de génération en génération ne se fait pas bien, et ça n’est pas sain. » Preuve de la sensibilité de la problématique, ces propos ont provoqué des réactions de colère d’une partie des internautes sur les réseaux sociaux.
Jeudi, Yaël Braun-Pivet a donc tenu à nuancer sa position, comme exprimé dans un long post publié sur LinkedIn. « Entendons-nous bien, il est légitime et juste que les Françaises et les Français qui travaillent dur puissent offrir une vie digne à leurs enfants et à leurs petits-enfants », a-t-elle détaillé. Pour elle, l’objectif de sa sortie devant les caméras avait avant tout pour objectif de « remettre sur la table » le débat sur les « super-héritages », qui concernent les 0,1 % des Français les plus riches.
La France impose beaucoup l’héritage par rapport à ses voisins
Taxer davantage les ultrariches : la proposition est dans l’air du temps. Au sein d’une classe politique morcelée, certaines personnalités, en particulier à gauche, poussent pour imposer davantage les plus fortunés, par exemple via la taxe Zucman ciblant les 1 800 foyers français qui concentrent un patrimoine de plus de 100 millions d’euros. Une autre proposition avancée serait donc d’augmenter les droits de succession des plus riches afin, comme le justifient ses partisans, d’éviter que la France ne devienne une « société d’héritiers ».
La France ne prend toutefois pas les questions successorales à la légère, au point d’être l’un des pays européens qui taxe le plus ses héritiers. Selon un rapport de l’OCDE, 1,4 % des recettes fiscales de la France provenaient en 2019 de prélèvements sur les successions ou les donations. Au niveau européen, seule la Belgique surpasse ce chiffre. À titre de comparaison, plusieurs États de l’UE – l’Autriche, la Suède, l’Estonie… – ne taxent pas ou plus les héritages. D’autres le font, mais à une ampleur moindre. C’est le cas de l’Allemagne, l’Italie, la Grèce ou encore le Danemark.
Un abattement loin d’être le plus important
Autre enseignement intéressant : l’envergure de l’abattement proposé aux donateurs pour reverser une partie de leur patrimoine à leurs époux, épouses ou enfants apparaît également comme assez faible en France. Dans notre pays, 100 000 euros maximum peuvent être donnés en ligne directe (des parents aux enfants) à chaque enfant par un héritier tous les 15 ans sans payer d’impôts. Or, ce plafond est bien moins important que celui accordé dans d’autres membres de l’UE, tels que l’Allemagne (456 000 dollars, soit environ 391 000 euros) ou l’Italie (1,14 million de dollars, soit environ 978 000 euros).
Au-delà de cette donnée, la justification apportée par les soutiens d’une plus forte taxation des successions des plus riches relève avant tout d’un souhait de plus de justice fiscale. Toujours selon l’étude du CAE, 60 % de l’ensemble du patrimoine des Français proviendrait aujourd’hui d’un héritage, contre 35 % au début des années soixante-dix, soit le double. En se focalisant sur les ultrariches, le constat est le même : d’après une analyse menée par la Fondation Jean Jaurès en septembre 2024, 60 % des 100 plus grandes fortunes françaises seraient en fait le fruit d’un héritage.
Les super-héritiers pointés du doigt
Selon plusieurs études, cette tendance risque de se poursuivre dans les décennies à venir. « Au cours des quinze prochaines années, la France connaîtra le plus grand transfert de richesse de son histoire contemporaine : plus de 9 000 milliards d’euros de patrimoine détenu par les Français les plus âgés seront transmis à leurs enfants », précisent le sénateur (PS) Alexandre Ouizille et les hauts fonctionnaires Théo Iberrakene et Boris Julien-Vauzelle, dans une autre note de la Fondation Jean Jaurès.
L’ONG Oxfam, qui lutte contre les inégalités, pointe par ailleurs que la frange de 0,1 % des super-héritiers « ne s’acquittent que de 10 % de droits de succession » à la faveur de mécanismes d’optimisation fiscale. En théorie, une succession en ligne directe est pourtant imposée à hauteur de 45 % en France pour les héritages de plus d’1,8 million d’euros. « Le patrimoine est de plus en plus concentré aux mains d’une petite poignée de super-héritiers », déplore la structure.
Toujours est-il que la France, si elle en venait à augmenter sa part d’imposition sur l’héritage, se trouverait à contre-courant de la plupart des membres des pays développés, y compris européens. « Le produit des droits de succession connaît un déclin depuis la fin des années 1960 au sein des pays de l’OCDE : il représentait 0,38 % du total des prélèvements obligatoires en moyenne en 2019, contre 0,43 % en 1980 et 1,12 % en 1965 », soulignait ainsi la Cour des comptes, dans un rapport publié en septembre 2024.
Lors de la campagne présidentielle de 2022, Emmanuel Macron prévoyait d’ailleurs d’alléger les droits de succession plutôt que de les augmenter. Il espérait ainsi relever le montant de l’abattement fiscal de droits de succession en ligne directe de 100 000 à 150 000 euros. L’idée n’a finalement jamais été mise en œuvre.
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Publish date : 2025-10-18 10:56:00
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