« Oui, je sais, Jean-Luc… Pour la présidentielle, tu ne t’imposes pas, mais tu ne t’exclus pas non plus. » Dans ce restaurant parisien début octobre 2024, un dernier déjeuner et quelques vérités entre Marine Tondelier et Jean-Luc Mélenchon. L’écologiste a bien compris que le patriarche insoumis n’était pas tout à fait en retrait, encore moins à la retraite, que le triple candidat à l’élection suprême sera bientôt quadruple. Surtout, combien de fois l’a-t-elle entendu choisir son concurrent, qualifier Raphaël Glucksmann d’ »adversaire idéal », alors même que l’eurodéputé, au cœur de sa déprime post-dissolution, songeait à raccrocher les gants ? Depuis, l’ancien essayiste, gonflé à bloc par les dernières enquêtes d’opinion, a repris des forces, et continue sa construction politique dans l’opposition frontale au leader LFI.
Le reste de la gauche, unitaire, observe le piège du mano a mano. « La dialectique entre Glucksmann et Mélenchon est une forme de partenariat », a l’habitude de dire Marine Tondelier en privé. Voilà quelques semaines que la patronne des écologistes veut briser leur convergence d’intérêts, accélérer la mise en place d’une primaire à bâbord, convaincue que les deux hommes seront contraints, dos au mur, de « bouger ». Dans le Nouvel Obs et sur TF1, Marine Tondelier a donc déclaré sa « candidature à la présidentielle », en même temps qu’elle leur a proposé un débat. Pour l’heure, un ange est doublement passé.
Candidate à la désignation pour une primaire incertaine…
Existe-t-il un bon moment pour se déclarer candidate à l’élection suprême ? Sans doute, à entendre ses camarades, qui jugent celui-ci un brin inadéquat. « Une primaire des écolos et de la gauche est indispensable, mais il ne faut pas brûler les étapes. Par ailleurs, Marine Tondelier n’est pas encore officiellement désignée par notre parti », s’agace Florentin Letissier, maire adjoint de Paris, patron du courant minoritaire Faire Gagner l’Écologie. Les écolos sont procéduriers. On ne transige pas avec le calendrier. Donner le sentiment de l’enjamber, c’est se renier, abdiquer ses principes, c’est le premier pas vers la défaite.
Aujourd’hui, Marine Tondelier est en réalité candidate à la compétition interne des écologistes, visant à désigner un représentant à l’éventuelle primaire de la gauche… Tout un programme. Une désignation interne est certes prévue au mois de décembre, mais la secrétaire nationale, hégémonique lors de son dernier congrès, peut souffler. La sénatrice Mélanie Vogel et l’ancienne eurodéputée Karima Delli, que l’on disait un temps intéressées, sont aujourd’hui plus que dubitatives. Sandrine Rousseau, la némésis écoféministe de la secrétaire nationale, ne participera pas non plus à « cette supercherie » – mais ne se ferme aucune porte pour la suite. « Et puis on est en plein dans le budget, il y aura peut-être une censure, une dissolution, les municipales… », dit-elle à L’Express.
Marine Tondelier n’est encore pas députée. C’est peut-être pourquoi elle a décidé de sortir du bois au cœur de la bataille budgétaire à l’Assemblée, et à la veille de la présentation du « contre-budget écologiste ». Mais Cyrielle Châtelain est quelqu’un de tranquille, ne comptez pas sur elle pour s’en agacer publiquement. Les candidats à la présidentielle ne l’impressionnent pas tellement – entre Sandrine Rousseau et les transfuges insoumis Clémentine Autain et François Ruffin, elle préside le groupe parlementaire le plus fourni en prétendants au trône. Quand Tondelier l’a personnellement prévenue de son annonce, elle n’a donc pas vraiment sourcillé – elle n’a jamais eu trop de doutes quant aux ambitions de sa patronne. « Dans la séquence, chacun son compte à rebours », se contente-t-elle de commenter.
Marine « Rickwaert »
La secrétaire nationale rompt ainsi un secret de polichinelle. En janvier 2025 déjà, elle esquissait un début de réponse dans les colonnes de L’Express. « Si la question est ‘Les écolos doivent-ils jouer un rôle, pas juste en étant les maîtres de cérémonie ?’, c’est certain ! » « L’appétit vient en mangeant », glissait alors à son sujet Olivier Faure, le patron du PS. Depuis, Tondelier est passée à table. Son tour de France des « vœux inversés » – et infinis car ils durent depuis janvier 2025 – fait office de précampagne et participe de son cheminement, puisqu’elle assure que certaines personnes rencontrées sur le terrain lui confient « regarder ses compilations de passages télé pour se détendre ». La publication de Demain, si tout va bien… (Albin Michel, 240 pages, 16,90 euros), ouvrage autobiographique publié le 1er octobre, met en scène sa décision. « Demain peut aller bien… si nous refusons l’impuissance ! Je suis prête. Et vous ? », conclut-elle, avant d’inviter les lecteurs à se rendre sur un site dédié à sa candidature. « Je ne fonce pas tête baissée dans cette aventure sans avoir réfléchi à tout ce que cela implique. Je m’y suis énormément préparée », a-t-elle écrit mercredi 22 octobre à ses adhérents.
Dimanche de résurrection. Le 9 juin 2024, au soir des résultats des élections européennes, il est 20 heures et le score des écologistes est catastrophique (5,5 %). Certains députés et autres figures du parti s’empressent de publier sur X des communiqués pour exiger à demi-mot un changement de direction. Quelques minutes plus tard, la dissolution est annoncée et les voilà contraints d’effacer leur publication. Entre-temps, Marine Tondelier, veste verte sur les épaules, figure de proue du Nouveau Front populaire et artisane de son succès électoral, revient d’entre les morts. Pensée soudaine pour Éric Benzekri, le réalisateur de la série Baron Noir, à qui elle confie avoir l’impression de singer son personnage principal, Philippe Rickwaert – un unitaire forcené élu président de la République avec l’appui de toutes les gauches.
La vraie vie, elle, est parsemée d’embûches. Seuls 35 % des Français jugent aujourd’hui les écologistes proches de leurs préoccupations, selon la treizième vague de l’enquête annuelle « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour Le Monde, le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et l’Institut Montaigne. Sa stratégie, l’équidistance entre socialistes et insoumis, agace ses partenaires au plus haut point. Enfin, certains au sein de son parti la soupçonnent, à travers son annonce de candidature, « d’enjamber la primaire au cas où elle n’ait finalement pas lieu ». Elle participerait alors d’une théorie, un jour partagée avec Dominique de Villepin : « Le nombre de candidats à gauche commence à ressembler au métro aux heures de pointe. »
Source link : https://www.lexpress.fr/politique/eelv/marine-tondelier-candidate-a-la-presidentielle-les-coulisses-dune-declaration-qui-fait-pschitt-W5RVRDC74ZA4DE7QULFOLXDV4A/
Author : Mattias Corrasco
Publish date : 2025-10-23 17:00:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.
