L’Express

Rob Jetten, l’homme qui dompte l’extrême droite aux Pays-Bas (et qui peut inspirer l’Europe)

Rob Jetten, l’homme qui dompte l’extrême droite aux Pays-Bas (et qui peut inspirer l’Europe)

Peu l’avaient vu venir, mais ce passionné de course à pied a tout donné dans le sprint final. Vainqueur avec son parti centriste des élections législatives néerlandaises, selon les résultats encore provisoires, Rob Jetten a réussi l’exploit de devancer (d’une courte tête, quelques milliers de voix seulement) le Parti pour la liberté (PVV) du tribun d’extrême droite Geert Wilders. Il a toutes les chances de devenir le prochain Premier ministre, s’il parvient à former une coalition ce qui, même pour un athlète comme lui, peut prendre quelques mois aux Pays-Bas.

Libéral, européiste et pragmatique, le nouveau champion de la politique néerlandaise se voit comme un modèle à suivre par tous ceux qui veulent enrayer l’essor des forces populistes en Europe et ailleurs. « C’est un résultat électoral historique parce que nous avons montré, pas seulement aux Pays-Bas mais aussi au monde entier, qu’il était possible de battre les mouvements populistes et d’extrême droite », a-t-il lancé à ses partisans en liesse. « Des millions d’électeurs néerlandais ont tourné la page Wilders et dit adieu à la politique de la négativité et de la haine ». Il entend renouer avec le cours traditionnellement pro-européen des Pays-Bas. « La situation de l’Europe sera désastreuse si nous ne renforçons pas l’intégration » entre les États membres, dit-il.

Le parti D66 de Jetten obtiendrait 26 élus sur les 150 députés de la chambre basse (Tweede Kamer) du Parlement, selon les projections (le résultat final des élections n’est pas attendu avant le 7 novembre). Il en aurait ainsi autant que le PVV de Wilders. Mais là où D66 triple presque son score (il n’avait que 9 élus dans la chambre sortante), le PVV en perd un tiers. À 38 ans, Jetten pourrait devenir le plus jeune chef de gouvernement de l’histoire néerlandaise. Le premier, aussi, à afficher sans complexe son homosexualité. Son compagnon est un joueur de hockey argentin qu’il a rencontré en faisant ses courses dans un supermarché.

L’attitude positive

À son programme politique, Jetten a inscrit l’accélération de la construction de logements (il en manque 400 000 dans le pays) avec la création de 10 villes nouvelles. En septembre, les sondages ne lui promettaient que 11 sièges. Il en a finalement obtenu plus du double. Sa recette ? Ce qu’il appelle l’attitude positive, c’est-à-dire la mise en avant de ce qui marche (la dette maîtrisée, l’économie qui fonctionne, le chômage bas…) plutôt que ce qui ne va pas (notamment les difficultés d’intégration des immigrés musulmans). L’inclusion, plutôt que la division. « Je suis le seul candidat positif, alors que Wilders est celui de la destruction », proclame-t-il.

Sa tactique ? Le heurt frontal avec l’extrême droite. Tout au long de sa campagne, il a présenté le scrutin comme un duel entre lui-même et Geert Wilders, le grand vainqueur des législatives précédentes il y a deux ans. Le PVV avait alors participé à une coalition gouvernementale focalisée sur la lutte contre les abus du système d’asile. Mais Wilders lui a retiré son soutien au début de l’été en reprochant à ses partenaires de ne pas être suffisamment déterminés. En provoquant des élections anticipées, l’homme aux cheveux blonds peroxydés espérait être en mesure de briguer le poste de chef du gouvernement, ce que les sondages lui laissaient entrevoir. Les électeurs en ont décidé autrement.

Rob Jetten date son entrée en politique du jour de l’assassinat par un islamiste fanatique, le 2 novembre 2004 à Amsterdam, du réalisateur de cinéma Theo van Gogh, l’arrière petit-neveu du peintre. Van Gogh avait déclenché une polémique avec un court-métrage, « Soumission », qui critiquait la place congrue réservée aux femmes dans l’islam. A l’annonce de son assassinat, des jeunes de l’équipe de football dans laquelle jouait Rob Jetten s’en prennent à une école primaire fréquentée par des enfants turcs. Lui cherche à s’interposer. Il a alors 17 ans. « J’avais toujours été intéressé par la politique mais c’est là que j’ai pris conscience, pour la première fois, que si on n’est pas d’accord avec quelque chose, il faut agir ».

A 23 ans, Rob Jetten se fait élire au conseil municipal de Nimègue, en 2010. Sept ans plus tard, il est élu à la Tweede Kamer, où il devient chef du groupe parlementaire D66. En 2022, il fait son entrée au gouvernement de Mark Rutte, comme ministre du Climat et de l’Énergie. En 2024, il est brièvement ministre des Finances par intérim. Il entend désormais constituer une coalition de « forces positives et regardant vers l’avenir ». Pour commander une majorité parlementaire, il aura besoin de trouver au moins trois partenaires, qui pourraient être les chrétiens-démocrates centristes du CDA, l’alliance entre travaillistes et écologistes (gauche) et le Parti populaire (VVD, centre droit) anciennement dirigé par Mark Rutte. Jetten devra faire preuve de patience : il est peu probable que son gouvernement, s’il parvient à le constituer, voit le jour avant le début de l’an prochain. En 2023, il avait fallu 7 mois.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/europe/rob-jetten-lhomme-qui-dompte-lextreme-droite-aux-pays-bas-et-qui-peut-inspirer-leurope-VCINL5EGHVFURMV54QT3KI3QBA/

Author : Luc de Barochez

Publish date : 2025-10-30 18:00:00

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags : L’Express