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Les droits de douane de Donald Trump devant la Cour suprême : les enjeux d’une audience décisive

Les droits de douane de Donald Trump devant la Cour suprême : les enjeux d’une audience décisive

C’est l’affaire « la plus importante concernant l’économie américaine à être portée devant les tribunaux depuis des années », note CNN. Donald Trump peut-il utiliser à sa guise son arme favorite, l’imposition de droits de douane à la planète entière ? Telle est la question que soupèse mercredi 5 novembre la Cour suprême, majoritairement conservatrice, avec pour enjeu l’extension constante du pouvoir présidentiel.

Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier, Donald Trump a fait des droits de douane l’alpha et l’oméga de sa politique économique, voire de sa politique tout court. Selon les situations et les pays, ses nouvelles surtaxes sur les produits entrant aux Etats-Unis vont de 10 à 50 %.

Le républicain se targue de pouvoir, par ce moyen de pression, non seulement réindustrialiser le pays et réduire son déficit commercial chronique, mais aussi, à titre de sanction contre le Mexique, le Canada et la Chine, juguler la crise du fentanyl, un puissant opiacé qui tue par overdose des dizaines de milliers d’Américains chaque année.

Donald Trump a invoqué la loi d’urgence économique IEEPA de 1977 pour décréter de sa seule autorité deux vagues de droits de douane au motif que le déficit commercial américain, pourtant chronique depuis des décennies, représenterait une « urgence nationale ». Il s’est ainsi arrogé le pouvoir de les augmenter ou de les réduire à son gré.

Comme le rappelle CNN, cette loi autorise le président des Etats-Unis à « réglementer » les importations en cas d’urgence. Pour l’administration Trump, cela inclut le pouvoir d’imposer des droits de douane, puisque ces surtaxes constituent le moyen le plus courant pour un gouvernement de réglementer les importations.

Les limites du pouvoir présidentiel au cœur de l’affaire

Mais des entreprises touchées et des Etats démocrates ont contesté en justice les décisions unilatérales de l’exécutif, soulignant que la loi n’utilise à aucun moment les termes « droits de douane », et que ces surtaxes empiètent sur les prérogatives du Congrès.

De fait, comme le fait remarquer CNN, « les juges débattront de bien plus qu’une politique controversée aux vastes répercussions sur l’économie mondiale ». L’affaire pose en effet plus largement la question des limites du pouvoir présidentiel. « Si la Cour autorise le gouvernement à faire cela, […] que peut-il faire d’autre sans l’accord du Congrès ? », observe auprès de l’AFP Kent Smetters, professeur à l’Université de Pennsylvanie (nord).

« C’est le Congrès, pas le président, qui décide de taxer ou non, et de combien, les Américains qui importent des biens », rappellent de leur côté les 12 Etats démocrates impliqués, exhortant la Cour à ne pas le laisser « s’arroger ce pouvoir ». « Taxer les tomates ne ‘règle’ pas la crise du fentanyl », font-ils aussi valoir.

Plusieurs juridictions fédérales ont déclaré illégaux les droits de douane de Donald Trump – distincts de ceux frappant des secteurs précis, comme l’automobile ou l’acier. Ils restent néanmoins en vigueur en attendant que la Cour suprême tranche.

« Sans les droits de douane, nous sommes un pays pauvre »

L’exécutif presse les neuf juges, six conservateurs et trois progressistes, de ne pas lui faire perdre un moyen de pression majeur dans ses négociations commerciales, et de préserver ce qu’elle présente comme un levier d’influence vital. « Avec les droits de douane, nous sommes un pays riche, sans les droits de douane, nous sommes un pays pauvre », résume dans son argumentaire le conseiller juridique du gouvernement, John Sauer.

D’autant plus que si ces droits de douane étaient invalidés, l’administration Trump pourrait se retrouver contrainte de restituer les dizaines de milliards de dollars déjà collectés.

Il s’agit d’une « question de vie ou de mort pour notre pays », a renchéri Donald Trump mardi sur son réseau Truth Social, promettant une « sécurité financière et nationale » en cas de succès à la Cour suprême. « Sinon, nous serons quasiment sans défense contre les autres pays qui profitent de nous depuis des années », a-t-il affirmé. Preuve de l’importance du dossier, le ministre des Finances Scott Bessent assistera aux débats en personne à la demande expresse de Donald Trump, a annoncé la Maison-Blanche.

« Le gouvernement prétend que le président peut imposer des droits de douane aux Américains quand il le veut, au taux qu’il veut, pour tous les pays et produits qu’il veut, et aussi longtemps qu’il le veut, simplement en proclamant que les déficits commerciaux américains de longue date sont une ‘urgence’ nationale », répliquent les avocats d’une des entreprises plaignantes. « Le président peut même changer d’avis demain puis de nouveau le jour d’après », soulignent-ils, en référence aux nombreux revirements de Donald Trump en matière de politique douanière.

Des alternatives

La Cour devrait se prononcer d’ici le terme de sa session annuelle fin juin, mais sa décision pourrait intervenir rapidement. Elle doit d’ailleurs statuer sur d’autres questions portant sur l’étendue des pouvoirs présidentiels, notamment de révocation des responsables d’organismes indépendants, en particulier à la Réserve fédérale (banque centrale).

Les experts relativisent le discours apocalyptique de l’administration Trump en cas de rejet de son recours, soulignant notamment qu’elle pourra toujours invoquer d’autres textes, pour imposer des droits de douane, certes avec moins de latitude.

Quant à l’impact sur la richesse nationale ou les finances publiques, il serait négligeable, estime Scott Lincicome, vice-président du groupe de réflexion libertarien Cato Institute pour l’économie et le commerce. D’après les calculs de la Tax Foundation, écrit-il dans le Washington Post, « entre 2025 et 2054, la dette publique passera de 99,9 % du PIB à 164,1 % avec les droits de douane, et à 171,5 % sans eux. Soit au mieux une chaise de moins sur le pont du Titanic ».



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Author : Richard Duclos

Publish date : 2025-11-05 11:00:00

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