Au lendemain du Brexit, Ivan Krastev publiait en 2017 After Europe (traduit sous le titre : Le destin de l’Europe, Ed. Premier Parallèle), un essai décapant sur les défis de l’Union européenne, menacée de désintégration. Huit ans plus tard, le politologue bulgare, parmi les meilleurs connaisseurs de l’espace post-soviétique et des dynamiques européennes, estime que nous sommes entrés dans « l’âge post-libéral ». « Ce tournant arrive quand le consensus libéral n’existe plus, quand l’illibéralisme peut s’exprimer ouvertement. Nous y sommes », décrit-il.
L’Union européenne est-elle condamnée pour autant ? Ivan Krastev donne sa réponse dans un entretien passionnant accordé à L’Express.
L’Express : Il y a un an jour pour jour, Donald Trump remportait la présidentielle américaine pour la seconde fois. Comment analysez-vous ce moment de l’Histoire ?
Ivan Krastev : Lorsque Donald Trump est arrivé à la Maison-Banche pour la première fois, beaucoup y ont vu un accident. En 2015, quand le parti Droit et Justice polonais (PiS) a triomphé, l’essayiste Adam Michnik a eu cette formule : « Il arrive qu’une belle femme perde la tête et couche avec un salaud. » A l’évidence, ce genre d’analyse ne tient plus aujourd’hui. Le monde traverse une révolution. Aux Etats-Unis, Donald Trump en est le visage, mais pas le leader.
Si l’on dézoome, on observe bien la fin d’une certaine période, sur le plan économique, technologique, et géopolitique, avec la montée en puissance de la Chine et le retour de la guerre en Europe. D’une certaine manière, les Européens étaient les moins préparés à y faire face, car nous nous sentions à l’aise dans le monde d’avant. On a beaucoup glosé sur la « fin de l’Histoire » [NDLR : en 1992, le politologue américain Francis Fukuyama publie La fin de l’Histoire, où il prédit le triomphe du modèle démocratique et libéral]. En fin de compte, nous avons intégré cette lecture, en considérant nos propres régimes politiques de manière ahistorique, persuadés que la démocratie libérale était universelle. Il ne nous est jamais venu à l’esprit qu’elle était probablement exceptionnelle, que plusieurs facteurs avaient coïncidé pour la rendre possible. Maintenant que l’Amérique a changé de camp, la nature accidentelle des trente dernières années apparaît clairement.
Comment définiriez-vous « l’animal politique » Trump ?
Donald Trump est souvent décrit comme un nationaliste. Or, les nationalistes sont préoccupés par l’Histoire, ils pensent en termes de siècles, veulent qu’on se souvienne d’eux d’une manière particulière. Ce n’est pas le cas de Trump. Si le narcissisme politique avait un régime, il en serait certainement le représentant. Il ne s’intéresse pas à ceux qui l’ont précédé, ni à la façon dont on se souviendra de lui. Il veut tout, immédiatement.
J’ai demandé à l’IA – j’espère qu’elle ne me ment pas ! – de comparer les discours prononcés au cours des vingt dernières années par Vladimir Poutine, Xi Jinping et Donald Trump, la fréquence à laquelle ils évoquent leur héritage et la manière dont ils souhaitent rester dans les mémoires. Les présidents russe et chinois sont obsédés par cette question. Ils font des comparaisons, racontent des anecdotes… Bien sûr, Trump veut qu’on se souvienne de lui, mais il estime que ce qui compte vraiment, c’est ce que l’on obtient de son vivant. De ce point de vue, il ne s’intéresse pas à l’avenir. Il y a quelque chose chez lui du « Dernier homme ». Les Européens n’arrivent pas à appréhender cet ovni politique.
Sur le Vieux Continent, plusieurs dirigeants ont une filiation avec Donald Trump…
Ils ont notamment en commun l’obsession pour la vengeance. Ce n’est pas un hasard si, en Europe, la plupart des dirigeants politiques alignés sur Trump – Robert Fico en Slovaquie, Viktor Orbán en Hongrie, Andrej Babis en République tchèque – sont revenus après une expérience passée au pouvoir. Ils n’aiment pas la façon dont ils ont été traités après avoir quitté leurs fonctions. La vengeance devient alors centrale.
Donald Trump est tellement revanchard – rappelez-vous des funérailles de Charlie Kirk, où les chrétiens « classiques », comme sa veuve, ont accordé leur pardon, et pas Trump. Nous avons oublié pourquoi, historiquement, nous avons tant fait pour contenir la vengeance. C’était l’un des acquis majeurs de la démocratie. Dans une démocratie, vous ne gagnez pas beaucoup, mais vous ne perdez pas grand-chose non plus. Lorsque vous échouez aux élections, vous ne perdez pas votre vie, votre liberté ou vos biens. Soudain, tout ce paradigme change. Nous vivons une époque où la polarisation politique est telle dans des pays comme les États-Unis ou la Pologne que les gens sont persuadés que la justice n’est pas indépendante, pas plus que les banques centrales et les principaux organes publics. Dans un tel climat, il est très difficile d’enrayer la soif politique de vengeance.
La galaxie Maga (« Make America Great Again ») s’active tous azimuts pour convertir l’Europe à ses thèses. Comment expliquez-vous ce « nationalisme transnational » ?
Il faut distinguer Trump de la galaxie Maga. Donald Trump s’est présenté au monde comme un politicien post-idéologique. Les droits de douane sont un exemple fascinant. Son message ? « Je me fiche de la nature de votre régime politique. La seule chose qui m’importe, c’est votre balance commerciale avec les États-Unis. » Ce discours va totalement à l’encontre de l’idée libérale classique selon laquelle le conflit majeur oppose les démocraties et les régimes autoritaires. En ce qui concerne l’Europe, Trump a toujours eu du ressentiment au sujet des voitures allemandes, par exemple, mais je ne pense pas qu’il ait une vision stratégique très claire du type d’Europe qu’il souhaite.
A contrario, le vice-président J.D. Vance et ses lieutenants ont un agenda précis. D’abord, ils pensent que l’Europe vivra dans les cinq ou dix prochaines années la même chose que les Etats-Unis, à savoir que les partis d’extrême droite seront les vainqueurs des prochaines élections. Beaucoup de gens ont comparé le discours de Vance à Munich à la conférence de Munich de 1938. Je pense plutôt qu’il s’est adressé à l’Europe de la même manière que Gorbatchev l’a fait en 1989 devant le Parlement européen, à Strasbourg, en actant un changement d’ère.
Ensuite, il y a chez les leaders Maga un fort nationalisme civilisationnel, bien plus articulé que chez Trump. Ces gens pensent que les chrétiens blancs du monde entier sont en péril et que le « clash » n’est plus entre la démocratie et l’autoritarisme, ni entre grandes puissances, mais qu’il s’agit d’un choc de civilisations. Leur principale préoccupation est la reconstruction de la civilisation occidentale. C’est important, car ils touchent des points sensibles qui ne peuvent pas être ignorés. Jusqu’aux années 1940-1950, l’Occident était beaucoup plus consensuel sur le plan culturel, universel, fondé sur l’histoire romaine. Jusqu’aux années 1960, le latin était la langue « étrangère » la plus enseignée dans les écoles américaines. L’histoire romaine constituait donc bel et bien ce socle commun d’histoire.
La guerre froide a changé la donne ?
Durant la guerre froide, l’Occident est plutôt devenu synonyme du « monde libre », avec tous les changements que cela implique. La vision des États-Unis était très largement basée sur leur conflit avec le communisme soviétique. Le jazz et la peinture abstraite sont devenus des armes politiques et culturelles pour promouvoir la liberté d’expression et le modèle américain face à la censure intellectuelle. Progressivement, l’Occident a perdu ses caractéristiques culturelles, il ne s’agissait plus des Blancs chrétiens, il est devenu beaucoup plus progressiste.
La droite Maga cherche à ressusciter l’ancienne version de l’Occident, fondé sur ce christianisme blanc. Curieusement, ils utilisent pour cela un langage très proche de celui des mouvements anticolonialistes des années 1960-1970, en prétendant représenter « le peuple indigène ». Avec ce logiciel, on comprend mieux pourquoi les partisans de Maga ne sont pas critiques envers la Russie et Poutine. Pour eux, la Russie peut être un allié, précisément parce qu’elle est conservatrice, blanche et chrétienne. Par conséquent, la guerre devrait prendre fin le plus rapidement possible. Si l’Ukraine doit payer le prix de l’unité de l’Occident, qu’il en soit ainsi.
L’Allemagne peut-elle être un « laboratoire européen » pour le mouvement Maga ?
En 2018, Steve Bannon avait déjà essayé de s’implanter en Europe, en créant « The Movement », une fondation nationaliste basée à Bruxelles visant à unir les partis de droite et d’extrême droite. Il avait rencontré Matteo Salvini, Marine le Pen, Viktor Orbán ou Nigel Farage. Mais sa démarche n’avait rien donné, rejetée notamment par l’AfD allemande.
Nous sommes passés du statut de missionnaires à celui de moines
Quand Elon Musk a repris ce flambeau à sa façon, son message était clair : si vous voulez changer l’Europe, vous devez changer l’Allemagne. C’est ainsi qu’il a tenté d’influencer les élections allemandes en faveur de l’AfD. A mon sens, nous assistons au retour de la question allemande. D’un côté, l’Europe ne peut pas être un acteur souverain et autonome en matière d’économie et de politique sans une Allemagne forte, notamment sur le plan militaire. De l’autre, la combinaison de la militarisation souhaitée de l’Allemagne et de la montée de l’AfD soulève une question difficile : l’Europe peut-elle cohabiter avec une Allemagne armée jusqu’aux dents dirigée par l’extrême droite ?
Le 22 mai dernier, neuf chefs d’Etat et de gouvernement européens, de la droite dure de l’Italienne Giorgia Meloni à la sociale-démocrate Mette Frederiksen au Danemark, ont signé une lettre ouverte appelant à repenser l' »interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme ». Y voyez-vous le signe d’une banalisation du logiciel illibéral ?
Absolument. En réalité, derrière la polarisation politique croissante en Europe se cache une convergence sur plusieurs thèmes, en particulier sur l’immigration. Désormais, le clivage majeur entre les partis porte sur le traitement des personnes déjà présentes sur le territoire national. Aucun parti ne se bat plus pour l’ouverture des frontières, comme c’était encore le cas en 2015. Le débat sur les frontières fait désormais l’objet d’un consensus.
Ce glissement vers la droite provient à mon sens d’un changement majeur : pendant 25 ans après la fin de la guerre froide, lorsque l’Europe regardait le monde, la question principale était : comment le transformer ? Comment les autres vont-ils devenir comme nous ? Aujourd’hui, on assiste à un renversement total, où les gens se demandent au contraire : comment ne pas « les » laisser « nous » transformer ? Je dis souvent en plaisantant que nous sommes passés du statut de missionnaires à celui de moines reclus derrière les murs de notre cloître.
A quoi attribuez-vous la montée de l’illibéralisme ?
Je ne crois pas que nous puissions comprendre ce qui se passe si nous travaillons avec les catégories classiques : démocratie contre autoritarisme. La plupart des dirigeants dont nous avons parlé ont été élus par le peuple. Une fois au pouvoir, ils dérivent vers autre chose, mais ce n’est pas l’autoritarisme du début du XXe siècle.
Au cours de l’ère libérale, les citoyens ont obtenu plus de droits, mais ont perdu du pouvoir.
Ce qui caractérise notre époque, c’est d’abord la crise des partis libéraux et du concept même de contre-pouvoirs. Nous assistons à une consolidation majeure du pouvoir, tant économique que politique. Simultanément, l’élite se désintéresse de la population. Pendant la guerre froide, le capital humain était très important, pour plusieurs raisons : on avait besoin des gens en tant que soldats, contribuables et électeurs. Aujourd’hui, vu la tournure que prennent les guerres, et à l’allure où les technologies se développent, on aura de moins en moins besoin d’hommes au front. Avec l’intelligence artificielle, la transformation de la main-d’œuvre est également spectaculaire. C’est pareil pour le droit de vote : au sein de l’UE, beaucoup de questions ne peuvent plus être résolues au niveau national. Paradoxalement, au cours de cette ère libérale, les citoyens ont obtenu plus de droits, mais ont perdu du pouvoir.
Aujourd’hui, l’électeur agit comme un consommateur.
L’un de mes sociologues préférés, Albert O. Hirschman, un penseur juif allemand ayant émigré aux Etats-Unis en 1940, avait une obsession : prouver que l’on peut avoir des doutes et agir en même temps. Il a écrit un ouvrage très court mais fondamental, intitulé Exit, Voice, and Loyalty : Responses to Decline in Firms, Organizations, and States (1970). Il y décrit comment les gens réagissent lorsqu’ils commencent à ne plus apprécier le fonctionnement d’une organisation, d’une entreprise ou d’un État. Il estimait que nous agissons très différemment en tant que consommateurs et en tant que citoyens. En tant que consommateur, si mon Coca-Cola commence à être moins bon, je ne vais pas envoyer des lettres à la société, je vais plutôt acheter du PepsiCo et s’ils sont assez malins chez Coca, ils comprendront le message et amenderont leurs produits. C’est la porte de sortie. Mais selon Hirschman, il y a certaines choses dont on ne peut pas sortir : sa famille, son parti politique, sa nation. Dans ces cas, ils n’ont pas d’autre choix que de faire entendre leur voix, en s’impliquant dans l’organisation politique, en écrivant des lettres, en manifestant.
Ma crainte est que la « sortie » devienne notre mode de fonctionnement universel. Car fuir est beaucoup plus facile que de se mobiliser et d’essayer de convaincre.
De plus en plus de citoyens optent donc pour cette « grande sortie » en changeant de pays ou en se repliant sur leur sphère privée, dans une forme d’hyperindividualisme ?
C’est une tendance claire, mais on observe aussi un contre-mouvement. Certains se sentent tellement perdus dans cette société qu’ils cherchent à se tourner vers la communauté. D’ailleurs, une partie des mouvements d’extrême droite ont attiré des gens en manque de communauté. Bien sûr, c’est une communauté très spécifique, qui a des points communs avec le courant Völkisch né en Allemagne à la fin du XIXe siècle, qui défendait la nécessité de défendre la « race germanique », sous peine de disparition [NDLR : ses idées ont notamment inspiré le nazisme.]
Le comportement des électeurs a beaucoup évolué depuis l’époque de Hirschmann. Aujourd’hui, l’électeur agit comme un consommateur. Vous pouvez vous rendre dans un magasin, acheter une robe et la rendre dans les 24 ou 48 heures, sans avoir à vous justifier. Simplement parce qu’elle ne vous plaît plus. Par conséquent, aucun choix n’est vraiment existentiel, tout peut être repensé et redécidé. Cela touche à beaucoup de choses : ce que nous voulons étudier, notre travail, les applications de rencontre, etc. Cette multitude de choix est épuisante et rend anxieux. On ne choisit plus, on picore. À mon avis, quelque chose de similaire se produit dans le domaine politique. Avant, quand les gens changeaient de parti politique, c’était une tragédie, c’était comme quitter le pays. De nos jours, changer d’affiliation politique est devenu une banalité. En Bulgarie, 80 % de la population a changé son vote au cours des 15 à 20 dernières années. Sur cette période, par trois fois un parti créé moins d’un an avant les élections a gagné. On cherche toujours la nouveauté. C’est la logique du marché. Mais la politique ne devrait pas fonctionner comme ça.
Compte tenu de ces tendances, comment envisagez-vous l’avenir de l’Europe ?
L’Europe est poussée à adopter une identité de type barricade, car tous les autres pays ont pris cette direction. Mais ce n’est pas facile à faire, car ce n’est pas dans son ADN. D’une part, l’UE ne sera jamais un État-nation, la langue est un élément trop essentiel. On ne peut pas avoir une politique démocratique en se fondant sur la traduction. Car la langue charrie bien plus que des mots, c’est une culture, des expériences historiques…
D’autre part, l’UE ne peut pas totalement faire marche arrière. Le nationalisme économique n’a pas de sens, même des pays comme la France ou l’Allemagne ne sont pas assez grands pour le soutenir. Il est donc évident que ce type d’espace économique est nécessaire pour survivre. L’extrême droite en a bien conscience, elle a d’ailleurs connu une mutation majeure à cet égard. Entre 2015 et 2017, elle rêvait de sortir de l’UE. Puis le Brexit est arrivé. Cela n’a pas été succès retentissant. Alors ces partis ont fait demi-tour. Aujourd’hui, il n’est plus question de quitter l’UE mais de la changer de l’intérieur.
L’exemple hongrois est fascinant. Le Premier ministre Viktor Orbán a beau se répandre dans les médias contre Bruxelles, prétendre que l’Union européenne est devenue l’Union soviétique, mais la Hongrie est le dernier pays à vouloir quitter l’UE ! On parle souvent de son amitié avec Vladimir Poutine, en réalité Orban mise surtout sur la Chine. Et pour cela, il a absolument besoin de l’UE.
Au cours des 30 dernières années, environ 40 % des investissements chinois en Europe ont été réalisés en Hongrie, principalement parce qu’Orban est le seul dirigeant européen à s’opposer aux politiques antichinoises. Il vend donc à Pékin son droit de veto. Mais pour que cela fonctionne, il a besoin du marché européen commun. Sinon, pourquoi la Chine irait investir en Hongrie, un pays de 10 millions d’habitants qui a peu d’intérêt sur le plan géographique ?
On aurait pu croire que la guerre en Ukraine souderait l’Union européenne. La réalité est plus complexe…
Quand la guerre a éclaté, il y a eu un conflit majeur entre l’Est et l’Ouest, car les pays d’Europe de l’Est, en particulier les pays en première ligne, ont été beaucoup plus critiques envers la Russie, reprochant leur naïveté à l’Allemagne et à la France. Au fil du temps, on s’est aperçu que ce conflit n’avait pas divisé l’Est et l’Ouest de l’Europe. La fracture s’est plutôt creusée au sein même de l’Est, autour des frontières des anciens empires. Les pays qui faisaient partie de l’Empire russe (et non de l’Empire soviétique) perçoivent très fortement la guerre en Ukraine comme leur guerre. C’est le cas de la Finlande, des pays nordiques et des pays baltes. En revanche, des pays comme la Bulgarie, la Serbie, la Grèce, anciennes parties de l’Empire ottoman, ne sont pas nécessairement pro russes, mais leur anti-impérialisme a toujours été anti-turc.
Tôt ou tard, l’extrême droite sera confrontée à son problème majeur : l’échec de son imagination politique.
Je dis cela car je crois que ces différences historiques refont surface et feront l’objet de négociations beaucoup plus fortes qu’avant. C’est pourquoi la coopération entre les gouvernements d’extrême droite ne sera pas si facile. Imaginez un instant que Le Pen devienne présidente en France, que l’AfD forme un gouvernement à parti unique en Allemagne, avec Mr. Kaczynski à la tête de la Pologne, etc. Maintenant, essayez de leur demander ce qu’ils feront sur toutes les grandes politiques. La défense commune ? Le rapport à la Russie ? A la Chine ? Les divisions éclateront au grand jour.
Cela signe-t-il la mort de l’UE ? L’effondrement est toujours une option. Mais je crois que l’Europe peut survivre. Mais attention, pas survivre en gardant les mêmes politiques. Non, il va falloir faire preuve de beaucoup plus de créativité. Celle-ci peut venir d’endroits inattendus. Les gens pourraient se montrer plus disposés à faire des sacrifices qu’on ne le pense. Il y a des moments où vous êtes guidés par la force de votre imagination politique, simplement car vous ne pouvez plus imaginer que demain puisse être comme aujourd’hui.
Alors, de nouvelles idées vont probablement émerger. Je ne pense pas que l’extrême droite sera en mesure de les apporter. C’est un mouvement très nostalgique. Beaucoup de ses électeurs choisissent ces partis car ils veulent revenir à une certaine composition démographique de la société qu’ils connaissent, ils veulent retrouver cette idée de chez-soi qui leur manque, un endroit qu’ils comprennent et où ils sont compris. Mais il n’est pas possible de voyager ainsi. Tôt ou tard, l’extrême droite sera confrontée à son problème majeur : l’échec de son imagination politique. Elle n’a simplement rien d’autre à offrir aux gens que le regret des temps passés.
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Author : Charlotte Lalanne
Publish date : 2025-11-06 17:00:00
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