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Une union de la droite… jusqu’à Sarah Knafo ? Ce piège que LR se tend à lui-même

Une union de la droite… jusqu’à Sarah Knafo ? Ce piège que LR se tend à lui-même

Cachez ce Zemmour que je ne saurais voir. Le 28 octobre, Laurent Wauquiez vante sur RTL sa dernière trouvaille : un rassemblement de la droite en 2027, allant de « Gérald Darmanin à Sarah Knafo ». Et pourquoi pas grâce à une primaire, mode de désignation auquel plusieurs ténors LR se résignent aujourd’hui ? « De Gérald Darmanin à Éric Zemmour », lui lance le journaliste Thomas Sotto. Laurent Wauquiez le reprend aussitôt. « Non, à Sarah Knafo. »

Comprenez sa nuance ! Éric Zemmour serait, selon le député de Haute-Loire, parfois « excessif » et « caricatural », à l’inverse de l’eurodéputée. Et tant pis si aucune feuille de papier à cigarette ne sépare les deux cadres de Reconquête, à l’alignement politique absolue. De l’incompatibilité supposée de l’islam avec la République à l’interdiction du port du voile dans la rue, Sarah Knafo partage toutes les orientations de l’ancien journaliste. Entre les deux, une simple affaire de rudesse verbale. « Elle est moins urticante que Zemmour mais idéologiquement très proche », note un ministre LR. Un dirigeant Renaissance s’amuse de cette distinction. « Knafo, c’est le moyen chic de dire Zemmour. »

Radicalité et aisance rhétorique

Laurent Wauquiez n’est pas le seul à citer le nom de l’eurodéputée. Le maire de Cannes David Lisnard et le député LR Philippe Juvin se sont prononcés en faveur d’une primaire de la droite intégrant Sarah Knafo. Chez LR, on reconnaît le « talent » et « l’habileté » de l’eurodéputée, alliage de radicalité et d’aisance rhétorique. LR mesure la popularité de l’élue, à qui les médias du groupe Bolloré accordent une visibilité sans commune mesure avec le poids électoral de son parti.

La droite est plongée dans une crise existentielle, tiraillée entre son partenariat avec le bloc central et les aspirations radicales d’une partie de son électorat. En brandissant le drapeau Knafo, elle donne des gages à ces troupes-là. Et à celles déjà parties sous d’autres cieux. « Wauquiez veut faire du Sarko 2007, note un soutien. Il veut rassembler de Darmanin à Knafo, comme Sarkozy l’a fait avec Kouchner et Boutin, en pariant que cela peut se passer autour de nous. » Citer l’eurodéputée, c’est enfin affaiblir Bruno Retailleau. Une manière de suggérer qu’une primaire restreinte aux seuls adhérents LR, acquis à l’ancien ministre de l’Intérieur, serait trop rabougrie.

Une droite divisée

Citer Knafo, simple coup tactique ? La démarche illustre l’évolution de la ligne politique d’une partie de LR. L’organisation d’une primaire repose sur le partage de valeurs communes. Sur l’idée que les perdants sont appelés à soutenir le vainqueur sans la moindre ambiguïté. En acceptant l’idée d’une compétition avec la représentante d’une formation d’extrême droite, ces élus LR admettent la perspective – même purement théorique – de la soutenir.

Une rupture majeure avec l’histoire de ce mouvement et une mine à divisions. Xavier Bertrand et Jean-François Copé s’opposent au moindre rapprochement avec la formation d’Éric Zemmour. Le président du Sénat Gérard Larcher a exclu ce jeudi 6 novembre sur CNews Reconquête d’un rassemblement allant du « centre à la droite républicaine ». Ce mouvement est « aujourd’hui allié » avec le Rassemblement national », a-t-il assuré, sans émettre de jugement sur son offre politique.

« Il n’y a pas besoin de faire sa pub »

On pourrait juger le cas Knafo anecdotique. Après tout, Reconquête est une formation politique marginale. Le nom de l’eurodéputée est brandi dans une opération de communication politique un peu grossière. Il illustre en réalité des fractures béantes au sein de LR, voire le schisme qui menace. La droite n’oppose aujourd’hui au Rassemblement national que de simples arguments économiques pour rejeter toute alliance avec une formation rangée « à gauche ». Tendre la main à Sarah Knafo – plus radicale que Marine Le Pen sur les sujets régaliens – c’est admettre en creux que cette main sera tendue au RN s’il modifie son programme économique.

La mise en avant de la députée européenne illustre enfin la faiblesse d’une certaine droite, réduite à citer son nom pour s’attirer un peu de lumière. Un jeu dangereux. Sarah Knafo est créditée de 6,5 % d’intentions de vote au premier tour de l’élection présidentielle 2027 selon un sondage Elabe pour la Tribune Dimanche, contre 8 % pour Bruno Retailleau. Gare à l’effet boomerang. En sortant l’élue de la marginalité, la droite menace ses propres intérêts. « LR lui fait de la publicité et organise son propre effacement. C’est fou, note un proche de Gabriel Attal. Elle est très forte, il n’y a pas besoin de faire sa pub. » La droite, elle, pense faire la sienne.



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Author : Paul Chaulet

Publish date : 2025-11-07 05:30:00

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