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« Le Harvard de la cuisine » : l’école Ferrandi, le navire amiral de la gastronomie qui met le cap à l’international

« Le Harvard de la cuisine » : l’école Ferrandi, le navire amiral de la gastronomie qui met le cap à l’international


Le chef Alexander Dreyer inscrit quelques termes de cuisine en français, sur son tableau blanc, tout en gardant un œil sur la dizaine de jeunes inscrits à L’Intensive professional program in french cuisine.« La formation se déroule en anglais, nous leur apprenons juste quelques bases pour qu’ils puissent se débrouiller durant leurs stages », explique ce Texan d’origine qui enseigne chez Ferrandi depuis deux ans après avoir exercé ses talents de formateur chez Le Nôtre et travaillé plusieurs années pour le restaurant Le Taillevent.

Autour du marbre de cuisine, ses étudiants venus de Chine, de Taïwan, de Corée, du Brésil, des Etats-Unis et du Mexique arborent fièrement la blouse blanche brodée du sigle de l’école. « On a coutume de dire que Ferrandi est un peu le Harvard de la cuisine gastronomique. Sa réputation n’est pas usurpée. J’ai d’ailleurs été ravi d’apprendre que l’un de mes diplômés est aujourd’hui second dans un étoilé Michelin », révèle Alexander Dreyer.

300 élèves étrangers

Aujourd’hui, les étudiants étrangers représentent quelque 300 élèves sur les 2 500 inscrits dans les divers cursus allant du CAP au bac + 5. Celle que l’on appelait « L’école de l’alimentation et de la restauration » lors de sa création en 1920 compte désormais six campus en France : à Paris, Saint-Gratien, Rennes, Bordeaux, Dijon et bientôt Strasbourg qui ouvrira ses portes en septembre 2026. Elle a surtout acquis une solide réputation mondiale au même titre que certains de ses concurrents comme L’Ecole Hôtelière de Lausanne en Suisse, le Cordon-Bleu London en Angleterre, le Basque Culinary Center en Espagne ou encore la Scuola Internazionale di Cucina Italiana. Grâce notamment à ses alumni les plus célèbres : Arnaud Donckele et Hugo Roellinger, respectivement titulaires de trois étoiles au Guide Michelin ; Manon Fleury et Adeline Grattard, une étoile chacune ; Nina Métayer, sacrée meilleure pâtissière du monde en 2023 ; ou encore Gontran Cherrier, artisan boulanger implanté à Paris, en Asie et en Australie. Bon nombre d’entre eux ont gardé un lien avec l’école et viennent régulièrement effectuer des master class au sein du navire amiral parisien.

« Ce sont eux les meilleurs ambassadeurs de l’école », se félicite le directeur général Thomas Allanic, depuis son bureau niché dans les étages de l’imposant bâtiment parisien en brique rouge. Le navire amiral s’étend sur 25 000 mètres carrés et abrite 40 laboratoires techniques et deux restaurants d’application ouverts au public au cœur du 6e arrondissement. L’école tire d’ailleurs son nom de la rue Ferrandi voisine où était l’ancienne entrée. Principal avantage : le lieu se situe à proximité des plus grandes tables et des palaces parisiens. « Un de mes professeurs de finance, qui travaille pour le Four Seasons Hôtel Georges V, a accepté de faire passer mon CV au service des ressources humaines afin d’appuyer ma demande de stage. Le réseau est l’un des gros avantages de cette école », explique Olivia Moubachir qui a grandi en Angleterre. La jeune fille de 22 ans est inscrite en première année de master of science in hospitality management, qui propose un cursus entièrement dispensé dans la langue de Shakespeare.

Ferrandi s’est aussi inspirée des plus grandes écoles de commerce en nouant des partenariats académiques

Tout comme les deux bachelors, celui dédié au management hôtelier et à la restauration, ou le second consacré aux arts culinaires et à l’entrepreneuriat. Liam Bell, élève franco-américain qui ambitionne d’ouvrir son propre restaurant dans sa ville natale de Seattle dans quelques années, n’a pas hésité à traverser l’Atlantique pour rejoindre les rangs de Ferrandi. « A côté de la formation pratique, nous avons des cours de comptabilité, de finance et de droit ce qui est un énorme plus », explique le jeune homme. « L’acquisition de ces compétences en gestion est indispensable. Plusieurs générations de chefs, techniquement très brillants, ont fait faillite parce qu’ils ne savaient pas gérer leur établissement », insiste Thomas Allanic qui a pris la tête de l’école il y a un an après avoir œuvré au sein de la Direction académique Europe de l’ESCP.

La Conférence des grandes écoles

L’école Ferrandi dépend historiquement de la Chambre de commerce et d’industrie d’Ile-de-France, au même titre que l’ESCP, l’Essec, les Gobelins, HEC ou l’ISIPCA. En juin 2023, elle est l’une des premières écoles d’hôtellerie et de restauration, avec l’institut Lyfe, à rejoindre le cercle fermé de la Conférence des grandes écoles. Ce qui lui permet de développer des synergies avec les autres membres. « Les étudiants en master d’ingénierie agroalimentaire d’AgroParisTech assistent à certains cours chez nous pour mieux comprendre les produits et voir comment on les travaille », explique Thomas Allanic. Ferrandi compte également six enseignants-chercheurs qui phosphorent sur des cas très concrets comme le marketing olfactif, très utile pour déclencher l’acte d’achat dans un restaurant.

Ferrandi s’est aussi inspirée des plus grandes écoles de commerce en nouant des partenariats académiques avec 21 prestigieuses universités étrangères comme Hong Kong Polytechnic en Chine, Haaga-Helia University en Finlande, Johnson and Wales University aux Etats-Unis, Baskent University en Turquie ou encore South East Technological University en Irlande. « Nous effectuons un gros travail de cohérence pédagogique afin d’offrir à nos étudiants des cours complémentaires à notre propre offre de formation », explique Sophie Avril, responsable des projets et programmes internationaux. Rejoindre l’école Polytechnique de Hong Kong, pour un semestre, permet ainsi de se spécialiser dans le secteur de l’intelligence artificielle en hôtellerie. « Nous créons également des offres sur mesure pour les professionnels étrangers. C’est le cas pour une vingtaine de chefs japonais qui viennent chaque année se perfectionner chez nous », poursuit Thomas Allanic.

L’ouverture du premier campus Ferrandi à l’étranger marque également un tournant dans l’histoire de l’école des chefs. Celui-ci a été inauguré en octobre 2024, à AlUla, en Arabie saoudite. « Un site archéologique remarquable, au même titre que celui de Petra en Jordanie, autour duquel se développe un tourisme de luxe », explique Thomas Allanic. Les grands noms de l’hôtellerie commencent à s’y installer d’où un besoin important de main-d’œuvre. Pour l’heure, les 80 premiers élèves Ferrandi sont accueillis dans un bâtiment provisoire avant l’inauguration des locaux définitifs prévue pour janvier 2027. D’autres implantations sont actuellement à l’étude. « Pourquoi pas au Japon qui a une forte tradition gastronomique », confie le directeur pour qui la cuisine française est un élément important de « soft power ». En 2019, Ferrandi décernait sa première « médaille d’or », à Guillaume Gomez, ancien chef des cuisines du palais de l’Elysée, nommé ambassadeur de la gastronomie par Emmanuel Macron. Ce prix a été créé pour honorer les personnalités engagées dans la formation, le rayonnement du secteur et leur investissement au sein de l’école.

L’école a 45 « ambassadeurs »

Longtemps laissée en sommeil, l’association des alumni de Ferrandi connaît un développement accéléré depuis un an. « Lorsque deux anciens se retrouvent, les yeux brillent, les portes s’ouvrent. Il y a une très grande entraide entre les Ferrandiens. Il était important de faire vivre ce réseau », raconte Marie-Pascale Ragon, chargée de ce volet. Sous l’impulsion de 45 « ambassadeurs » présents dans le monde entier, les initiatives se multiplient : présence sur les réseaux sociaux, cocktails, tables rondes, conférences ou réunions de networking. « Dans les pays bousculés par les nouvelles donnes géopolitiques, il y a une vraie demande. Ainsi, en mai dernier, l’événement que nous avons organisé à Londres s’est révélé très fédérateur. Les participants ont longuement échangé sur les conséquences du Brexit et sur leur façon dont ils vivaient ces changements », explique Marie-Pascale Ragon.

Les futurs entrepreneurs sont particulièrement friands de retours d’expérience. « Nous retournons régulièrement à l’école pour mettre en garde certains élèves sur les erreurs à éviter « , explique Magali Szekula qui, avec Jean-François Bandet, a créé l’enseigne internationale Bo & mie. « Nous nous sommes rencontrés en 2015 au cours de notre formation CAP boulangerie, passé dans le cadre d’une reconversion professionnelle. C’est là que nous avons décidé d’unir nos compétences », raconte cette ancienne juriste en droit de la santé. Son associé avait, quant à lui, une solide expérience dans l’entrepreneuriat. L’installation d’une boutique rue de Rivoli, en face du Louvre, leur a ouvert les portes de l’international. Après l’Espagne, ils ont créé des points de vente en Arabie saoudite, en Corée du Sud et mettront bientôt le cap sur le Koweït.

Anne Bocoum, en première année de CAP pâtisserie, fait partie de ces 2 000 adultes actuellement en reconversion professionnelle. Après un bac scientifique, une prépa HEC, un passage à l’EDHEC de Lille et vingt ans d’expérience professionnelle dans plusieurs grands groupes, cette dernière ambitionne aussi de se lancer plus tard à son compte. « Mais je suis au tout début du cheminement. Pour l’heure, j’apprends les bases de ce métier qui demande pas mal d’humilité », explique celle qui a choisi de s’inscrire à Ferrandi pour le sérieux de sa pédagogie mais aussi pour son solide réseau professionnel. La preuve par les chiffres : Le taux de réussite aux examens est de 98 %. Et 92 % des diplômés trouvent un emploi au bout de sept mois.

Le 13 octobre dernier, au cours d’un career day organisé par le campus parisien, les élèves à la recherche d’un stage ou de leur premier job ont pu remettre leurs CV aux représentants des plus grands restaurants et hôtels internationaux. Guy Savoy, Ducasse, le Crillon, le Ritz, le Bristol, le Brussels Marriott Hôtel Grand Place ou encore la Société des Bains de mer de Monte-Carlo… Plus de 70 institutions avaient fait le déplacement. « Certains de nos élèves sont débauchés par de grands groupes de luxe avant même la sortie de l’école et parfois pour des métiers un peu différents de ceux pour lesquels ils étaient initialement formés, explique Thomas Allanic. Car « faire Ferrandi » c’est l’assurance d’acquérir les codes et cette rigueur qui fait notre réputation en France… Et dans le monde. »



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Author : Amandine Hirou

Publish date : 2025-11-08 11:00:00

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