« L’archive agit comme un ancrage ». Telle est la conviction de Morgane Pouillot, chef de projet prospective et stratégies créatives chez Leherpeur Paris. De fait, nombre de maisons de joaillerie n’ont de cesse de revisiter, voire de réinventer leurs classiques. La preuve par l’Art déco, qui s’affiche encore dans les créations contemporaines. Ce mouvement – dont Paris célèbre en ce moment le centenaire – se voulait en rupture avec le passé tout en s’inspirant du cubisme et de la culture de civilisations lointaines, ce qui ne l’avait pas empêché de poser, dès cette époque, les bases de la joaillerie moderne. Poursuivre sur la voie de l’innovation reste donc possible. A condition, comme le conseille encore Morgane Pouillot, de « redéfinir les contours de la créativité, entre héritage et révolution ».
« Les bijoux sont souvent tournés vers l’avenir… Dans l’entre-deux-guerres, un vent nouveau souffle sur la création. La joaillerie s’imprègne de modernité », raconte « La voix des bijoux », podcast de l’Ecole des arts joailliers, avec le soutien de Van Cleef & Arpels. La dénomination Art déco découle de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, qui s’est tenue à Paris en 1925. Sa fréquentation et son retentissement furent tels que le mouvement se diffusa partout dans le monde et que son héritage reste encore présent de nos jours.
Anna Hu. Bracelet Modern Art Deco.
Tasaki Atelier. Boucles d’oreilles Linkage.
Depuis le mois dernier et jusqu’au 26 avril 2026 se tient au musée des arts décoratifs de la rue de Rivoli une nouvelle exposition intitulée « 1925-2025. Cent ans d’Art déco ». Y sont exposées un millier d’œuvres : objets d’art, mobilier, dessins, pièces de mode et bijoux précieux. Parmi ces derniers, quelques-uns ont été réalisés par les créateurs de l’époque, tels Jean Després, Suzanne Belperron, René Boivin, Raymond Templier… Ou par de grandes maisons de joaillerie parisiennes : Cartier – l’un des chefs de file du mouvement -, Boucheron, Van Cleef & Arpels, Chaumet, Mauboussin. L’Art déco rayonnait aussi hors de nos frontières, notamment chez Tiffany & Co. ou Harry Winston.
Des lignes géométriques
Les principales caractéristiques qui le distinguaient de l’Art nouveau pourraient se résumer à des lignes géométriques et à un jeu de contrastes. Mais s’en tenir là serait trop réducteur. Un bijou Art déco est identifiable au premier regard grâce à son esthétique structurée et au contraste apporté par un mélange de matières. Les pierres précieuses – principalement diamants et émeraudes – sont souvent associées à des pierres ornementales comme l’onyx, le cristal de roche et le jade, ou bien à des gemmes organiques tels le corail, la perle, l’ivoire. Des touches de matières considérées comme moins nobles dans la joaillerie se mêlent à ces créations. La laque – une technique empruntée au Japon -, en est l’un des matériaux les plus emblématiques. Des bois exotiques et même de la bakélite sont également utilisés. Côté montures, le métal jaune disparaît au profit de l’argent, de l’or blanc et surtout, du platine.
Messika. Collier haute joaillerie Zebra Mnyama.
Le style se veut en rupture avec celui des époques précédentes, tout en ne s’interdisant pas de s’inspirer du cubisme et en se nourrissant des influences de civilisations lointaines comme l’Egypte, l’Inde, la Chine ou le Japon. Les codes jouent sur de multiples contradictions : design architecturé et sensualité des matières, opposition du noir et blanc avec les couleurs vives, contrastes du mat et du brillant, des pierres transparentes et des matières opaques.
Cet héritage se retrouve aujourd’hui aussi bien dans les collections des grands noms de la place Vendôme que dans celles de maisons parisiennes plus récentes comme Poiray, Amantys, Gemmyo ou encore Soann Joaillerie, en passant par des créateurs venus d’autres horizons tels Roberto Coin, Attilio Codognato et Anna Hu. Leurs bijoux cherchent à reproduire cet équilibre créé par une tension visuelle, entre rigueur graphique et savant mélange de contrastes. Il y a plus de cent ans, l’Art déco avait déjà posé les bases de la joaillerie moderne.
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Author : Carine Loeillet
Publish date : 2025-11-15 09:30:00
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