Il prendra dans quelques mois les rênes du champion français du ferroviaire Alstom. En attendant, Martin Sion, le président exécutif d’ArianeGroup reste concentré sur son objectif : assurer à l’Europe un accès souverain à l’espace au prix le moins élevé possible. Une mission cruciale alors que l’espace ressemble chaque jour davantage à un champ de bataille.
L’Express : A Toulouse, lors de la présentation de la stratégie nationale, le président Emmanuel Macron a prononcé un discours alarmiste et volontariste, qualifiant l’espace de champ de bataille. Etes-vous aligné avec cette vision ?
Martin Sion : Absolument. La guerre en Ukraine a démontré de façon extrêmement claire qu’il n’y a plus de défense sans espace. Pour du renseignement, des communications, de la géolocalisation et donc aujourd’hui pour la sécurité des Européens, une souveraineté est nécessaire dans ce domaine. C’est pourquoi nous assistons aujourd’hui à une course entre les puissances mondiales. Elles ont compris qu’elles ont besoin d’avoir la main sur une chaîne qui commence sur le pas de tir, qui prend le lanceur, les infrastructures en orbite, les satellites, et les moyens au sol.
Les spécialistes nous alertent sur une possible guerre des satellites dans les trois ou quatre ans qui viennent. Est-ce vraiment inéluctable ?
Il n’est pas de notre ressort de prédire ce genre d’événement. Cependant, chez ArianeGroup, nous disposons d’un service baptisé Helix, qui nous permet de faire une cartographie de l’ensemble des objets se trouvant dans l’espace en s’appuyant sur un réseau de télescopes répartis à travers le monde. C’est un service que nous opérons au profit du commandement de l’espace
Cet outil souverain nous permet par exemple de détecter des satellites butineurs qui se rapprochent un peu trop près des nôtres. Ce que l’on peut dire, c’est qu’il y a aujourd’hui dans l’espace des objets qui ne sont pas répertoriés dans les catalogues officiels. Sur la période récente nous voyons aussi certains pays faire de la démonstration de capacité, pour se rapprocher d’un satellite par exemple.
La souveraineté passe en partie par la maîtrise des lanceurs. A ce sujet, Emmanuel Macron a demandé une accélération des cadences de tir d’Ariane 6. Les Américains ont-ils pris trop d’avance ?
Nous avons effectué quatr vols entre juillet 2024 et novembre 2025. Tous ont été réussis. C’est une très bonne entrée en service. La mise en cadence a même été plus rapide que chez nos compétiteurs. Les équipes d’ArianeGroup et tous les partenaires européens des treize pays qui participent au programme peuvent se féliciter.
Si tout se passe bien, nous lancerons à nouveau en décembre. Notre souhait est de descendre à environ 40 jours entre deux tirs, ce qui correspond à notre objectif de 9 à 10 vols par an. Cela signifie que nous devons encore progresser sur la remise en état du pas de tir après un lancement, l’assemblage de la fusée et la préparation de la mission. Nous avançons en même temps sur tous ces fronts.
Aujourd’hui le carnet de commandes de notre filiale Arianespace est bien rempli. 30 lancements sont prévus. Ils répondent aussi bien aux besoins institutionnels qu’à des demandes d’entreprises privées. Celles-ci représentent d’ailleurs un peu plus de la moitié de notre carnet de commandes. C’est bien la preuve qu’Ariane 6 a une carte à jouer sur le segment commercial.
L’Europe doit-elle quand même s’inspirer des Américains en instaurant une préférence européenne pour l’usage des lanceurs au sein de l’union ?
Effectivement, il existe aux Etats-Unis un principe simple : une charge utile militaire doit être lancée par une société américaine. En Europe, il existe encore des satellites militaires ou météo qui sont envoyés dans l’espace avec des lanceurs non-européens. Il n’y a qu’ici qu’on voit cela. Toutes les grandes nations ont instauré une préférence nationale. Je ne dis pas qu’il faut absolument voler sur Ariane. Cependant, notre marché institutionnel est relativement petit. Le budget spatial européen est sept fois moins élevé en Europe qu’aux Etats-Unis. Si en plus, on autorise à voler sur n’importe quel lanceur, il n’y aura jamais un marché domestique suffisant pour permettre aux industriels de se projeter vers l’avenir. Nous demandons donc à ce que les commandes institutionnelles s’adressent exclusivement aux lanceurs européens, quels qu’ils soient. Le président de la République Emmanuel Macron a évoqué le sujet à Toulouse lors de la présentation de la stratégie nationale pour le spatial. C’est une bonne nouvelle.
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Author : Sébastien Julian
Publish date : 2025-11-16 15:00:00
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