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Guerre en Ukraine : Rubicon, la redoutable unité d’élite de drones de Vladimir Poutine

Guerre en Ukraine : Rubicon, la redoutable unité d’élite de drones de Vladimir Poutine

En cette sombre journée d’automne, à proximité de Pokrovsk, épicentre des combats où les forces de Moscou déversent quotidiennement leur effroyable déluge de feu, un drone russe file en ligne droite le long d’un chemin de terre. Sur la vidéo en vue subjective qu’il transmet à son opérateur, surgissent des carcasses calcinées de blindés ukrainiens : un International Maxxpro fourni par les Etats-Unis, un BMC Kirpi turc, un Roshel Senator canadien… Derrière ces destructions, le Rubicon Center, une unité d’élite russe spécialisée dans les drones, qui, pour l’occasion, a partagé les images sur sa chaîne Telegram. Cette vidéo est toutefois loin d’être la seule. Plusieurs sont publiées quotidiennement avec, à chaque fois, le résultat des frappes conduites sur le front par ses pilotes.

De son vrai nom Rubicon Center of Advanced Unmanned Technologies (Centre Rubicon des technologies avancées sans pilote), cette entité d’un nouveau genre a été créée en octobre 2024 sur instruction du ministre russe de la Défense, Andreï Belousov. L’objectif : muscler les capacités de Moscou dans l’utilisation de ces aéronefs dont les vrombissements retentissent aujourd’hui partout sur le front. « Il s’agit d’une structure hybride qui, au-delà d’opérer sur le front et de former des pilotes, développe de nouvelles tactiques et de nouvelles technologies, souligne Michael Gjerstad, chercheur à l’International Institute for Strategic Studies (IISS). En cela, elle tranche avec la culture militaire russe traditionnelle, connue pour sa rigidité et sa lenteur. » Surtout, sa relative indépendance lui donne les mains libres pour innover.

En dépit de la discrétion de Moscou quant à la nature de l’organisation, une enquête de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFERL) a révélé que celle-ci bénéficierait de son propre quartier général au Patriot Park, un parc à thème militaire au service de la propagande du régime, situé en banlieue ouest de Moscou, et serait dirigée par le colonel Sergei Budnikov, ancien chef d’état-major de la 9e brigade d’artillerie. « Rubicon dispose d’un centre de recherche et développement interne qui lui permet de moderniser et perfectionner tous types de drones, pointe, à Kiev, Maxim Sheremet, le fondateur de la société ukrainienne Drone Space Lab. Les systèmes qui en sont issus sont ensuite produits dans leurs propres usines, afin de pouvoir les déployer à grande échelle sur le front. » Son accès privilégié au marché chinois lui garantit en outre tous les composants nécessaires à la production.

Solide réputation

Avant Pokrovsk, le Rubicon Center avait déjà fait ses armes dans la région russe de Koursk, où son rôle avait été décisif pour repousser l’incursion ukrainienne de l’été 2024. Grâce à leurs drones à fibre optique, insensibles aux brouilleurs habituellement utilisés pour perturber le signal radio de ces engins volants, ses opérateurs étaient parvenus à semer le chaos dans les arrières ukrainiens.

De quoi se forger une solide réputation. « Je n’envie pas nos unités qui se trouvent là où ils opèrent », avait résumé Kyrylo Veres, le commandant du régiment de drones ukrainien K-2, l’un des plus redoutables du pays, lors d’une interview en juillet dernier. « Ils sont aujourd’hui les plus efficaces de Russie dans leur domaine, abonde Maxime Sheremet. Non seulement ils ont copié la structure de nos propres unités de drones, mais ils disposent en plus d’un budget illimité. » Ce nouvel instrument représente pour le Kremlin un moyen de sérieusement concurrencer les capacités de l’Ukraine, qui avait été la première à généraliser l’usage de ces engins sans pilote sur le front au début du conflit.

Au point de constituer aujourd’hui un élément clé de la stratégie militaire russe. « Rubicon est connu pour sa capacité à entraver la rotation des unités ukrainiennes, note Michael Gjerstad de l’IISS. Son utilisation des drones rend les opérations de ravitaillement extrêmement difficiles pour les Ukrainiens. » Et affaibli de facto la solidité de leurs lignes de défenses chargées de repousser les envahisseurs. D’après les données compilées par LostArmour, un groupe de recherche en open source pro-Kremlin, les opérateurs de Rubicon auraient ainsi détruit plus de 11 000 cibles en 2025. Près de 40 % d’entre elles seraient des drones adverses, 16 % des radars et moyens de communication, et 14 % de véhicules non blindés utilisés principalement pour assurer la logistique.

Autre proie dans le viseur de Rubicon : les pilotes de drones ukrainiens, alors que ces engins sont aujourd’hui responsables d’environ 80 % des pertes dans le camp russe. « Dans certains secteurs où les forces ukrainiennes manquent d’effectifs et où la défense est principalement assurée par les drones, cela représente une vraie menace », relève Michael Gjerstad. Ce qui en fait une cible prioritaire des forces de Kiev. Début novembre, le renseignement militaire ukrainien a annoncé avoir frappé l’une de ses bases dans la ville d’Avdiivka avec l’un de ses drones kamikaze chargé d’une centaine de kilos d’explosifs, éliminant au passage plusieurs de ses officiers et opérateurs. Avant cela, un drone ukrainien s’était déjà écrasé en mai sur le site hébergeant son quartier général non loin de la capitale russe. La chasse ne fait que commencer.



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Author : Paul Véronique

Publish date : 2025-11-17 04:45:00

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