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Stratégie nationale de sécurité des Etats-Unis : Donald Trump lâche officiellement l’Europe

Stratégie nationale de sécurité des Etats-Unis : Donald Trump lâche officiellement l’Europe

Au moins, les choses sont claires. L’Europe est seule, à ses risques et périls. L’Amérique de Donald Trump partage avec la Russie de Vladimir Poutine et la Chine de Xi Jinping l’objectif de vassaliser le Vieux continent. La nouvelle Stratégie nationale de sécurité, révélée le 4 décembre par la Maison-Blanche, lève les derniers doutes. Washington s’y affranchit de toute responsabilité envers la sécurité de ses alliés et multiplie les reproches à leur encontre.

Le document présente l’Union européenne non seulement comme un compétiteur économique déloyal et un passager clandestin sécuritaire mais aussi, ce qui est nouveau, comme un adversaire idéologique. C’est même le seul désigné ainsi à travers le monde, mis à part l’Iran et les terroristes islamistes qui, eux, ne sont cités qu’en passant. L’Europe, véritable obsession, y est mentionnée à 54 reprises.

Le texte prétend que si l’immigration se poursuit, le Vieux continent ne sera « plus reconnaissable » dans 20 ans voire moins, avec des pays qui deviendraient « en majorité non-européens ». La fiabilité des engagements auxquels les alliés ont souscrit en pâtirait. Venant d’une nation d’immigrants, dont la construction s’est accompagnée du génocide des peuples premiers, l’accusation est pour le moins déplacée. D’autant qu’aux États-Unis, la proportion des personnes nées à l’étranger est aujourd’hui plus élevée que dans l’Union européenne.

La feuille de route officielle de la politique étrangère de Donald Trump reprend les termes du discours choc prononcé par son vice-président en février 2025 à Munich. J.D. Vance y affirmait que la menace numéro un pour la liberté et la démocratie européennes n’émanait pas de Moscou mais du refus des élites d’associer l’extrême droite au pouvoir. La Stratégie de sécurité se fixe pour objectif de « cultiver la résistance » au sein des nations européennes en promettant le soutien de Washington aux « partis patriotiques ». Ce terme renvoie à la manière dont se définissent des partis comme l’AfD allemande, le RN français et le Fidesz hongrois, trois mouvements plus que bienveillants envers Vladimir Poutine.

On peut y voir une déclaration de guerre politique de l’Amérique trumpiste contre le mode de vie européen. En cherchant à séduire la Russie dans l’espoir vain qu’elle se détache de la Chine, en renonçant à tout principe moral au profit d’une diplomatie du donnant-donnant, en traitant même ses plus fidèles alliés comme des délinquants, la Maison-Blanche creuse le fossé au sein de « l’Occident collectif » honni par Poutine. D’autant qu’elle s’abstient dans le même document de toute critique à l’égard de Moscou et de Pékin.

La Chine y est décrite comme un simple rival économique et la Russie comme une grande puissance eurasiatique qui aurait besoin d’une « stabilité stratégique » que les Européens auraient tort de ne pas lui fournir. Leurs dirigeants s’aveugleraient en nourrissant des « attentes irréalistes » de la guerre en Ukraine alors qu’une « large majorité » de leurs populations souhaiterait la paix. Que la Russie soit responsable de centaines de milliers de morts depuis son invasion de l’Ukraine en 2022 est passé sous silence.

Inversion des responsabilités, incohérences… La Stratégie de sécurité de la Maison-Blanche ne se compare en rien aux documents intellectuellement charpentés que rédigeaient au XXe siècle des stratèges américains comme Henry Kissinger et Zbigniew Brzezinski. Il faut néanmoins la prendre au sérieux, car elle dévoile sans fard les intentions de Washington. Les Etats-Unis et l’Europe ne rament plus ensemble dans la même direction. Les chefs d’Etat et de gouvernement européens doivent s’adapter à une situation que très peu d’entre eux avaient prévue. La tactique consistant à caresser Donald Trump dans le sens du poil a échoué.

Cela ne peut qu’avoir des conséquences négatives sur l’issue du conflit en Ukraine. Alors que la position de Kiev est périlleuse sur le champ de bataille, que le soutien occidental a faibli du fait de l’arrêt de l’aide américaine, que la Chine renforce à l’inverse son appui à la Russie, les Européens savent désormais qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour éviter une défaite stratégique de première grandeur. A cet égard, la question de la mobilisation des avoirs russes gelés pour aider l’Ukraine, qui doit être débattue au Conseil européen des 18 et 19 décembre, sera un test de la détermination de l’UE et de sa capacité à peser sur le cours des événements à venir, contre Moscou mais aussi contre Washington.



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Author : Luc de Barochez

Publish date : 2025-12-06 15:30:00

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