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Yves Camdeborde, François Simon… Les dix livres sur la gastronomie qui ont retenu notre attention en 2025

Yves Camdeborde, François Simon… Les dix livres sur la gastronomie qui ont retenu notre attention en 2025

L’année 2025 a été un excellent millésime pour les livres de cuisine où chefs, écrivains et journalistes ont rivalisé de créativité pour nourrir notre curiosité. L’Express en a retenu dix, une sélection non exhaustive mais qui a marqué notre bibliothèque gourmande. Entre beaux livres inspirants, enquêtes, hommages à des terroirs vivants et ouvrages plus techniques… Voici notre sélection.

Y retournerai-je ?, de François Simon

Retournera-t-on en librairie acheter le nouveau livre du plus salé des critiques gastronomiques, François Simon ? Assurément. Et plutôt deux fois qu’une. Pour l’offrir aux gens dont on souhaite prendre soin. Bien sûr, ils trouveront dans ces carnets hédonistes des adresses confidentielles et bienveillantes : Kidoguchi à Tokyo (pour ses sushis), le glacier Cremeria Santo Stephano à Bologne, L’Océan au Croisic…

Mais il y a bien plus dans ce Baedeker égotiste : une esthétique de l’échappée, un mode d’emploi pour prendre la poudre d’escampette. La maquette, très visuelle, donne un aspect très personnel à cet ouvrage. Comme si l’auteur l’avait composé pour nous seuls, en tirage ultra-limité. Pour savourer pleinement Y retournerai-je ?, on suivra également le compte Instagram de l’auteur (390 000 abonnés). « J’écris un livre pour savoir ce qu’il y a dedans », explique François Simon citant Julien Green. On lit le sien pour savoir ce qu’il y a en nous.

> Aux éditions Flammarion (26 euros)

Le potager des chefs, Yves Camdeborde

A ceux qui pensent que la saisonnalité n’est qu’un argument marketing pour des chefs en manque de likes sur Instagram, il faut lire Le Potager des chefs d’Yves Camdeborde. En compagnie du photographe Yves Duronsoy, cette figure emblématique de la bistronomie a sillonné la France pendant deux ans pour aller à la rencontre d’une trentaine de chefs cuisiniers qui ont fait de leur jardin le cœur battant de leur philosophie gourmande.

L’ouvrage démarre sur le pape de la gastronomie végétale Alain Passard, chef 3 étoiles de « L’Arpège », qui pointe le drame du cuisinier contemporain : « Il n’aura plus la possibilité de cuisiner des tomates en hiver ». On se repaît aussi des confidences du visionnaire Glenn Viel depuis son « potager-laboratoire » de l’Ousteau de Baumanière qui rêve de faire pousser les courges dans… des moules à jambon. Un voyage délicat, accompagné de 50 recettes végétales, qui donnera envie même aux citadins les plus endurcis de renouer avec la nature.

> Aux éditions Hachette pratique, 39,95 euros

L’amour du gras, Nicolas Kayser-Bril

C’est devenu le refrain de nos repas entre amis, non sans une petite pointe de culpabilité : « le gras, c’est la vie ». Mais dans le livre de Nicolas Kayser-Bril, on apprend surtout que c’est la toile de fond de bien des conflits et guerres. De l’huile d’olive (que les légionnaires romains reçoivent en quantité sur les champs de bataille) à l’huile de palme, L’amour du gras raconte en onze chapitres l’histoire passionnante et souvent douloureuse des lipides en Europe depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours.

Un exemple : au XIXe siècle, l’arrivée de la margarine suscite une forte réticence en France, où le beurre est roi – bien que parfois coupé à la gélatine à cette époque -, bousculant beaucoup de hiérarchies sociales. En 1984, Le Petit Journal, qui tire à 1 million d’exemplaires, lance même une campagne « pour le vrai beurre » ! Des anecdotes, il y en a à la pelle dans ce livre plein d’érudition et d’humour.

> Aux éditions Nouriturfu (15 euros)

Les nazis à table, Antoine Dreyfus

C’est un pan méconnu et pourtant essentiel de la matrice nazie : la table. Dans cette enquête très bien documentée, le journaliste Antoine Dreyfus raconte comment la cuisine nazie va être un instrument de cette « pureté » ethnique imposée, où chaque calorie sert l’État et toute liberté culinaire contre-indiquée. Alors que l’Allemagne est toujours hantée par le traumatisme de la famine causée par le blocus anglais de la Première Guerre mondiale, Hitler axe son programme aux élections législatives de juillet 1932 sur l’emploi et le pain (« Arbeit und Brot« ). A son avènement, on découvre aussi que l’Allemagne nazie va se convertir temporairement à la culture biodynamique fondée par Rudolf Steiner en 1924.

Dans cet univers déshumanisant où les femmes sont cantonnées derrière les fourneaux, Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande, fait du ragoût du dimanche un rituel national. Dans les livres de recettes imposées par le Reich, même la choucroute doit répondre à des critères idéologiques, diététiques, et surtout unir le peuple aryen. Il est aussi fait mention de l’obsession végétarienne du Führer qui veut en finir avec la « bourgeoisie décadente ». Dans cette fresque historique d’épouvante, Hermann Göring, le numéro 2 du Reich mégalo et toxico, apparaît comme le contre-exemple de cet « hygiénisme » en vogue puisque ses banquets regorgeaient de champagne et de caviar. Glaçant.

> Aux éditions Le Cherche Midi (20,50 euros)

Cuisine ou barbarie, de Maria Nicolau

« La moitié des livres de recettes ne servent à rien […] C’est un cadeau pour quelqu’un à qui on ne sait pas quoi acheter ». Vous n’offrirez pas Cuisine ou barbarie, de la cheffe cuisinière catalane Maria Nicolau, par hasard. Cet ouvrage anticonformiste ne s’adresse ni aux amateurs de junk food ni aux lecteurs du guide Michelin.

Mêlant souvenirs personnels et références érudites, celle qui est connue en Espagne pour sa chaîne Youtube #cuinasalvatge3cat défend la cuisine comme un acte de liberté et de résistance face à l’uniformisation du monde. Cette pâtissière de formation, qui a travaillé plusieurs années en France avant de prendre en main les fourneaux d’un petit restaurant de village, fustige ce qui représente à ses yeux la barbarie : le mauvais pain, la prétention des chefs, les gâteaux Instagram… Elle veut remettre l’escudella « écuelle » au milieu de la table, ainsi que les marmites et les casseroles. Et tout ça, sans jamais se prendre au sérieux. Un ouvrage réjouissant et salvateur.

> Aux éditions Arpa (22,90 euros)

On ne parle pas la bouche pleine, Alain Kruger et ses invités

C’est à un véritable banquet rabelaisien auquel nous convie Alain Kruger. Avec un leitomitiv : raconter l’histoire du monde mais… vue du ventre. Le style est vif, drôle, parfois déjanté. Il faut dire que cette mine d’informations compile sept années d’émissions diffusées sur France Culture. Littérature, histoire, théâtre, cinéma, religion, sciences naturelles… Toutes les thématiques sont disséquées ici à travers le prisme de l’alimentation. Autour de cette fidèle tablée, des convives passionnants : Florence Delay l’académicienne qui raconte l’omniprésence de la nourriture dans l’œuvre de Cervantès, la culture de l’effort vue par le chef samouraï Thierry Marx, Pascal Ory et sa leçon magistrale sur Antonin Carême « le roi des chefs, chef des rois et des empereurs » ou encore Tobie Nathan, l’ethnopsychiatre, qui raconte le foul, cette fève qui a marqué son enfance.

Un chapitre est consacré à Philippe Sarde, le compositeur de génie qui a écrit la musique du célèbre film La Grande bouffe de Marco Ferreri. Dans ce chef-d’œuvre cinématographie, qui fit scandale lors du festival de Cannes 1973 à une époque où chacun « creusait sa tombe avec les dents », on découvre que rien n’était artificiel sur le tournage : des camions entiers de plats arrivaient directement du célèbre traiteur Fauchon… C’est à l’issue de cette nouvelle cavalcade radiophonique en compagnie d’Alain Kruger que Bruno Verjus, à l’époque journaliste culinaire, va finir par ouvrir de façon autodidacte « Table », aujourd’hui auréolé de deux étoiles Michelin. La boucle est bouclée.

> Aux éditions Albin Michel (24,90 euros)

Le Champagne, par Aurélie Soubiran, photographies de Caroline Faccioli

Disons le d’emblée, ce livre est une véritable mine d’informations pour quiconque veut appréhender le vin le plus célèbre du monde. Les éditions Chêne ont une nouvelle fois mis les petits plats dans les grands avec photos, graphiques, dessins et cartes. Page après page, on saisit pourquoi une bouteille de champagne s’ouvre chaque seconde dans le monde… alors que l’appellation ne représente que 3 % du vignoble français ! Aurélie Soubiran ne prétend pas jouer la prof, elle veut surtout piquer notre curiosité, comme si nous nous téléportions directement sur les hauteurs d’Hautvillers, considéré comme le berceau du champagne pour avoir été le village de Dom Pérignon.

Dans le chapitre sur les acteurs, LVMH et ses six maisons y trouvent évidemment une place de choix pour avoir fait de cette boisson une arme de séduction massive de la France, résumée dans une formule lapidaire de Bernard Arnault : « Dans cent ans, on boira encore du champagne. Les montres électroniques ? Pas sûr ». Mais l’auteure sort aussi des sentiers battus des grandes maisons en proposant des galeries de portraits de petits vignerons qui défendent leur liberté de style. Un ouvrage riche et très complet.

> Aux Editions du Chêne (39,90 euros)

La cuisine des maisons de plaisir italienne, d’Alessandra Pierini

Les Éditions de l’Épure ont le chic pour confectionner de précieux ouvrages, qui ont leur place à la cuisine comme dans les meilleures bibliothèques. Ainsi, leurs sobres et élégants livrets expliquant les « Dix façons de préparer » le Pont-L’Evêque, la noix, le vin jaune… Cette maison a des allures de cabinet de curiosités. La dernière en date : La cuisine des maisons de plaisir italiennes, présentée par la meilleure experte du goût transalpin, Alessandra Pierini, à qui l’on doit notamment l’édition en français de La science et l’art de bien manger, rédigée en 1891 par Pellegrino Artusi, le plus fameux livre de cuisine italienne.

Cette fois-ci, elle fait l’exégèse gourmande d’un petit traité émanant des carnets d’une tenancière de maison close parisienne. En 1929, cette madame Cora effectua un voyage d’études en Italie pour connaître les mœurs culinaires des prostituées de la Botte. Une cheffe composait leurs menus : spaghetti au thon, gnocchis de pommes de terre… On en apprend beaucoup sur les conditions de vie de ces femmes. Mais aussi sur la philosophie des fascistes en matière d’alimentation.

> Aux Éditions de l’Epure (28 euros).

L’enfance des chefs, Marilyne Letertre, illustrations de Franckie Alarcon

Eveiller chez les enfants la passion de la cuisine pour en faire de futurs chefs. Et si cette BD joliment illustrée, qui plonge dans la jeunesse des piliers de la gastronomie française (Pierre Hermé, Thierry Marx, Anne-Sophie Pic) et des » talents de la nouvelle génération (Céline Pham, Mory Sacko), était la clé ? On suit par exemple, les aventures du petit Christopher Coutanceau (3 étoiles Michelin), fan de foot au début des années 80, allant à la pêche à pied à La Rochelle avec son grand-père ou dans les cuisines du « Richelieu » le restaurant étoilé de ses parents.

On retrouve aussi la jeune cheffe et escrimeuse Manon Fleury, à la tête de son restaurant « Datil » depuis 2023 (1 étoile Michelin), dont la mère cuisinait énormément déjà légumes, céréales et légumineuses dans leur petit pavillon auxerrois avant qu’elle n’aille se frotter aux prestigieuses maisons (William Ledeuil, Alexandre Couillon ou encore Dan Barber). Ce livre offre une réflexion sur les raisons qui ont poussé tous ces grands chefs à s’orienter vers la cuisine. Très souvent, de simples souvenirs de famille, un goût ou un lien presque viscéral à leur terroir.

> Aux éditions Delcourt (19,50 euros)

Le vin, Laure Gasparotto

Simple et efficace. 30 dates clés pour comprendre les grands jalons de l’histoire millénaire du vin qui a démarré il y a 11 500 ans dans le Caucase, c’est tout l’enjeu de ce livre de la collection « Un peu, beaucoup, passionnément » où les sujets de culture générale sont traités comme des romans. Qui mieux que Laure Gasparotto, éminente spécialiste du vin au journal Le Monde, pour embarquer le lecteur à travers cette saga.

Du classement de Bordeaux en 1855, à la création des appellations en 1935 jusqu’aux évolutions actuelles (climat, œnotourisme, biodynamie), l’ouvrage n’élude aucune des grandes questions qui traversent ce secteur. Le savoureux chapitre consacré à Robert Parker, le grand critique américain aux 15 000 dégustations annuelles qui avait fait assurer son nez à près d’un million de dollars, raconte qu’en 1982, seuls deux vins ont obtenu la note de 100 sur 100 : Le Pin à Pomerol et Château Latour, premier grand cru classé de Pauillac. Si le messie du vin a laissé le monde orphelin de son expertise, l’uniformisation du goût à cause de la critique a aussi fait son temps.

> Aux Editions Le Robert (19,90 euros)



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Author : Sébastien Le Fol, Charles Carrasco

Publish date : 2025-12-07 15:00:00

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