Un an après la chute de Bachar el-Assad en Syrie, une enquête de Reuters dévoile que d’anciens proches de l’ancien dictateur, exilés en Russie depuis sa chute et désireux de retrouver une influence perdue, fomenteraient chacun de leur côté des soulèvements contre le nouveau gouvernement de Syrie. Ils auraient pour cela dépensé des millions de dollars, notamment pour financer des combattants.
Il s’agit de l’ancien chef des services secrets, Kamal Hassan, et du cousin de Bachar el-Assad, Rami Makhlouf. Selon Reuters, les deux hommes se disputent également « le contrôle d’un réseau de 14 salles de commandement souterraines remplies d’armes et de munitions, construites dans les derniers jours de la dictature ». Deux officiers et un gouverneur régional syrien ont confirmé l’existence de ces salles à l’agence britannique, qui a par ailleurs recueilli le témoignage de 48 personnes sous couvert d’anonymat, examiné des documents financiers et opérationnels, ainsi que des messages vocaux et écrits.
Après sa chute, Bachar el-Assad s’est enfui en Russie en décembre 2024, où selon quatre personnes proches de la famille contactées par l’agence de presse, il se serait « largement résigné à l’exil à Moscou ». « Mais d’autres personnalités de son entourage proche, dont son frère, n’ont pas accepté de perdre le pouvoir » au profit du nouveau gouvernement dirigé par Ahmed al-Charaa.
Kamal Hassan et Rami Makhlouf cherchent ainsi à former des milices sur la côte syrienne et au Liban, composées « de membres de la secte minoritaire alaouite, longtemps associée à la famille el-Assad ». Ils sont aidés, affirme Reuters, par des adjoints depuis la Russie, le Liban et les Émirats arabes unis. Les Alaouites sont une minorité musulmane qui représente environ 10 % de la population syrienne. Plusieurs commandants anonymes ont déclaré à Reuters avoir accepté de l’argent des deux camps, arguant qu’il « n’y a rien de mal à accepter de l’argent de ces requins qui nous ont saignés à blanc pendant des années. »
Des milices concurrentes
Rami Makhlouf, milliardaire, avait soutenu Bachar el-Assad pendant la guerre civile qui a éclaté en 2011 en finançant notamment des milices alliées, avant que le dirigeant, après sa victoire en 2019, ne l’assigne à résidence. Le milliardaire s’était alors enfui au Liban, avant de rejoindre Moscou en Russie. Il se présenterait aujourd’hui « comme une figure messianique » chargée « d’une mission divine pour aider les Alaouites. » Selon des documents financiers et des sources contactées par Reuters, Rami Makhlouf a dépensé au moins 6 millions de dollars en salaires et équipement pour 54 053 combattants volontaires, dont 18 000 officiers, organisés en 80 bataillons.
L’ancien chef des services secrets syriens Kamal Hassan, lui, dirigeait le système de détention militaire de la dictature de Bachar el-Assad. Il s’est enfui en Russie en décembre 2024. D’après un témoignage, il a dépensé 1,5 million de dollars depuis mars pour financer 12 000 combattants en Syrie et au Liban. Cet été, il a également recruté des pirates informatiques pour mener des cyberattaques contre le nouveau gouvernement. Kamal Hassan souhaiterait en outre obtenir le soutien de Maher el-Assad, le frère de l’ancien dictateur, qui contrôlait « l’unité la plus puissante de l’armée syrienne, la 4e division blindée », et souhaiterait « toujours exercer une influence en Syrie », selon des sources à Reuters.
Le gouvernement syrien serait au courant
Face aux conspirateurs, le nouveau gouvernement syrien a de son côté demandé à Khaled al-Ahmad, un autre ancien fidèle contre lequel Bachar el-Assad s’était également retourné à la fin de la guerre civile, de convaincre les anciens soldats et civils alaouites de laisser tomber toute velléité de renverser le gouvernement, selon des messages consultés par Reuters. Khaled al-Ahmad est aussi un ami d’enfance du nouveau président Ahmed al-Charaa, dont le nouveau gouvernement, dominé par les sunnites, a pris le pouvoir l’an dernier après avoir remporté la guerre civile.
Contacté par Reuters, le gouverneur de la région côtière de Tartous, Ahmed al-Shami, a déclaré que les autorités syriennes étaient au courant de ces plans de conspiration et que des arrestations avaient déjà été menées. Concernant les salles de commandement remplies d’armes, il a reconnu leur existence mais déclaré qu’elles avaient « été considérablement affaiblies depuis la libération ».
Si les personnes « proches des conspirateurs » ont déclaré à Reuters être conscientes que « des dizaines de milliers d’Alaouites syriens pourraient faire l’objet de violentes représailles » en cas de rébellion, l’un d’entre eux a déclaré que les combats étaient le seul moyen de restaurer la dignité des Alaouites. Après l’échec d’un soulèvement en mars dans une région côtière alaouite, près de 1 500 civils ont été tués en représailles par des forces affiliées au gouvernement.
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Publish date : 2025-12-08 12:59:00
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