Cette mise à jour était aussi attendue qu’elle sera commentée. RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, a actualisé ce mardi 9 décembre ses scénarios d’évolution de la production et consommation d’électricité d’ici à 2035. Ces projections tracent le chemin à suivre pour atteindre la neutralité carbone à la moitié du siècle. Et ce nouveau « bilan prévisionnel », qui sert de guide aux décideurs, marque un vrai tournant : la France produit beaucoup d’énergie bas-carbone mais n’en consomme pas assez !
« Le pays est entré dans un épisode de surcapacité pour les deux ou trois prochaines années, grâce à une meilleure disponibilité du nucléaire et au développement des énergies renouvelables (EnR) », explique Xavier Piechaczyk, le président du directoire de RTE. Ce phénomène « d’abondance » n’est pas inédit – ce fut notamment le cas pendant les années 1990 et 2000. Mais il doit être géré avec précaution, au risque de commettre des erreurs que l’on pourrait payer cher à l’avenir. « Profiter d’un peu de surcapacités est une force. Mais cela devient un coût en cas de suréquipement pérenne », analyse Emeric de Vigan, fondateur du cabinet de conseil 42 Advisors et spécialiste des marchés de l’électricité.
En trois ans, le paysage électrique français a bien changé. Si la production a retrouvé des couleurs, la consommation demeure atone. « Non seulement elle n’augmente pas, mais elle est revenue à son niveau d’il y a 20 ans », indiquait la semaine dernière le sénateur Joël Bruneau (Liot), lors de la présentation d’un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Problème : cette demande en berne freine les objectifs de décarbonation du pays. « La situation actuelle, que nous envient nos voisins européens, est pourtant très avantageuse pour électrifier les usages », relève Thomas Veyrenc, directeur général de pôles en charge de l’économie, de la stratégie et de finances chez RTE.
« Ne pas hypothéquer notre résilience retrouvée »
L’abondance a des avantages : des prix tirés vers le bas pour le consommateur et la capacité d’exporter le surplus. Mais également des inconvénients : coûts budgétaires, modulation accrue pour le nucléaire, moins de marge pour les producteurs. Pour ne pas subir les effets délétères d’une surcapacité prolongée, la France doit concrétiser la bascule de plusieurs secteurs vers l’électrique. A ce titre, environ 30 gigawatts de projets dans l’hydrogène, l’industrie et ou les data centers ont déjà obtenu leur accès au réseau pour les prochaines années, indique le gestionnaire. Encore faille-t-il qu’ils aboutissent…
En substituant rapidement les énergies fossiles par les électrons, le pays pourrait atteindre, dans une projection optimiste, une consommation annuelle de 580 térawattheures (TWh) en 2035 (soit 35 TWh de moins que le scénario précédent). A l’inverse, si la décarbonation est trop lente (505 TWh en 2035), RTE alerte : il faudra revoir à la baisse le déploiement des renouvelables, notamment des petits projets solaires. « Ce levier doit être manié avec proportionnalité, prévient Xavier Piechaczyk. L’industrie déteste les stop-and-go, et les filières EnR sont précieuses quand il faut déployer rapidement plus de capacités. » Surtout, ce changement de rythme serait économiquement bien moins efficace qu’une électrification accélérée.
Plus globalement, la France doit mener une véritable réflexion sur l’intérêt réel de nouveaux investissements, aussi bien dans les renouvelables que sur le nucléaire. D’autant plus si la demande ne décolle toujours pas dans les prochaines années. « Il existe un vrai risque que de nouveaux actifs de production soient sous-utilisés voire échoués », a mis en garde le sénateur Patrick Chaize (LR). C’est pourquoi il recommande, avec son collègue Joël Bruneau, la tenue d’un débat annuel sur la politique énergétique « afin de privilégier une approche basée sur la consommation, plutôt que sur la théorie ».
Articuler temps court et temps long n’est pas un exercice aisé. A plus forte raison sur un sujet aussi éruptif et instrumentalisé que l’énergie. « La France ne doit pas donner trop de préférence au présent au risque d’hypothéquer la résilience retrouvée du système électrique national, fondé sur la complémentarité, avertit Xavier Piechaczyk. Le mix entre nucléaire et énergies renouvelables reste le moins cher pour la collectivité, le plus accessible techniquement et le moins risqué pour notre pays. » La publication de la feuille de route énergétique, la PPE3, espérée très prochainement, sera une étape importante. S’adapter sans sur-réagir : espérons que le gouvernement y apprécie avec finesse les conséquences de cette abondance retrouvée.
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Author : Baptiste Langlois
Publish date : 2025-12-09 16:32:00
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