Elle a fait son apparition en France au mois de juin a déjà touché 75 élevages français : la dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNC) est, comme son nom l’indique, une maladie très contagieuse chez les bovins, et se trouve depuis quelques jours au cœur de l’actualité.
Cette maladie, historiquement présente en Afrique, a été détectée pour la première fois en Savoie le 29 juin dernier, quelques jours après son apparition en Sardaigne. Elle ne touche que les bovins et provoque notamment de la fièvre, une chute de la lactation, une hypertrophie des ganglions lymphatiques et des nodules sur la peau et les muqueuses des animaux, selon le ministère de l’Agriculture. La DNC ne se transmet pas à l’Homme.
Pour éradiquer la DNC, l’Etat a mis en place des zones réglementées autour du foyer qui imposent des restrictions de circulation des bovins et leur vaccination obligatoire jusqu’à 50 kilomètres à la ronde. Pour les bêtes du foyer, l’abattage est obligatoire. C’est contre cette mesure que proteste le monde agricole, s’opposant à l’abattage de troupeaux entiers pour un animal affecté par la maladie. Alors que des agriculteurs en colère ont encore bloqué dans la nuit plusieurs axes du Sud-Ouest, où la situation est jugée « préoccupante » par le ministère de l’Agriculture, le gouvernement continue de défendre sa politique, tout en annonçant la vaccination prochaine d’un million de bovins supplémentaires.
La stratégie gouvernementale divise les syndicats agricoles. La Confédération paysanne et la Coordination rurale plaident pour une vaccination préventive généralisée, tandis que la FNSEA soutient le protocole. Première force agricole du pays, la fédération redoute qu’une vaccination à large échelle ne prive la France de son statut de pays « indemne » au regard des standards internationaux et donc de sa capacité d’export de bovins vivants pendant de longs mois.
Le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires soutient à son tour la stratégie de lutte du gouvernement, dénonçant à plusieurs reprises les « pressions exercées sur les professionnels chargés d’abattre les troupeaux contaminés ». Pour Matthieu Mourou, vice-président du conseil national de l’ordre des vétérinaires, ces mesures radicales sont « dramatiques » pour les éleveurs mais permettent de protéger l’ensemble du cheptel français.
L’Express : La Dermatose nodulaire contagieuse des bovins (DNC) est-elle une maladie grave ?
Matthieu Mourou : Son taux de mortalité est estimé à environ 10 %, mais il peut monter jusqu’à 40 % selon les élevages. En réalité, il faut avoir une vision plus large que la mortalité : c’est une maladie très contagieuse. Elle est essentiellement transmise par un insecte vecteur, comme le taon, qui pique l’animal et lui transmet la maladie. Par ailleurs, puisque c’est une maladie de la peau, elle peut aussi contaminer l’environnement, comme certains objets en contact avec la peau de l’animal.
Des éleveurs contestent l’abattage systématique des élevages contaminés. Pourquoi cette mesure est-elle en place ?
La réglementation européenne, au travers de la « Loi de santé animale », classe la DNC en catégorie A, c’est-à-dire une maladie « normalement absente de l’Union européenne ». Cela signifie que si elle est détectée, elle doit faire l’objet d’une éradication immédiate. C’est ce qu’il s’est passé en Grèce et dans les Balkans dans les années 2015, lorsque des foyers avaient été détectés pour la première fois en Europe. Le dépeuplement et l’abattage des cheptels contaminés avaient permis d’éradiquer la maladie.
L’objectif final est de protéger le cheptel bovin français. Il faut une approche collective : lorsque l’on détecte un foyer, il faut en éliminer la source au plus vite. Cela passe par un dépeuplement des bovins, une désinsectisation et désinfection de la zone, la mise en place de zones de vaccination autour des foyers infectés et surtout, des mesures strictes concernant le déplacement des animaux. L’été dernier, l’État a mis en place des zones réglementées autour des élevages infectés. Il est essentiel de les respecter, car les insectes vecteurs ne peuvent pas voler au-delà de courtes distances. Toute contagion à une longue distance d’un foyer serait donc a priori liée à un déplacement de bovin, même si l’on a encore aucune certitude là-dessus.
Pourquoi ne pas abattre que les animaux infectés ?
Jusqu’à la moitié des bêtes d’un même élevage peut être porteuse du virus sans être malades, elles sont donc asymptomatiques. Et c’est sans compter celles qui sont en phase d’incubation. Si un cas est détecté dans un élevage, en général, d’autres le sont aussi dans les jours suivants. C’est ce qu’il s’est passé en Savoie cet été, lorsque les premiers cas ont été détectés en France : en quelques jours, nous sommes passés d’une suspicion de quelques cas à la contamination confirmée de plusieurs bovins. La contagion va extrêmement vite et circule d’élevage en élevage sur plusieurs kilomètres, a minima dans le rayon d’action des insectes vecteurs. L’abattage consiste à l’éviter, le temps que le vaccin fasse effet, ce qui peut prendre plusieurs semaines.
C’est extrêmement douloureux pour un éleveur de voir toutes ses bêtes euthanasiées. C’est dramatique. Mais nous avons un intérêt collectif à protéger les autres.
Quel est le risque d’une contagion à grande échelle du cheptel français ?
Le risque premier est pour les animaux. Un taux de mortalité aux alentours de 10 % prouve que la maladie est tout de même grave et qu’elle fait courir un risque important sur le cheptel français, composé de 17 millions de bovins.
Ensuite, le risque est économique. La France est actuellement reconnue comme « indemne » de la maladie selon les standards internationaux. Ce statut lui permet de protéger ses partenaires économiques d’une potentielle contamination de leurs troupeaux. Si elle ne peut plus apporter cette garantie, cela aura des conséquences sur ses échanges commerciaux. Nos voisins pourraient ne plus accepter les animaux vivants venant de France mais aussi leur viande, leur lait et leur fromage.
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Author : Anna Lippert
Publish date : 2025-12-13 16:37:00
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