L’Express

Agriculteurs : pourquoi la colère couve à nouveau dans les campagnes

Manifestation d'agriculteurs contre l'accord de libre-échange entre entre l'UE et les pays du Mercosur, le 13 novembre 2024 à Bruxelles




La colère du monde agricole est-elle en train de repartir de plus belle ? C’est en tout cas la menace que laisse de plus en plus planer les organisations syndicales, près d’un an après le mouvement qui avait secoué toute l’Europe. La FNSEA et les Jeunes agriculteurs (JA), qui constituent l’alliance syndicale majoritaire en France, ont lancé ce mercredi 13 novembre un appel à une mobilisation nationale des agriculteurs « à partir de lundi », et afin d' »attirer l’attention des pouvoirs publics » sur leurs revendications.La cause de cette colère se trouve, une fois n’est pas coutume, du côté de Bruxelles. Et plus précisément à propos de l’accord de libre-échange du Mercosur entre l’Amérique latine et l’UE, que la Commission européenne semble déterminée à faire signer d’ici la fin de l’année après plus de vingt ans de négociations infructueuses. Un traité que les organisations agricoles rejettent à l’unisson. « On sera dans tous les départements à partir de lundi pour quelques jours, pour faire entendre, au moment du G20 au Brésil, la voix de la France », a affirmé le président de la FNSEA Arnaud Rousseau au micro de France Inter ce mercredi matin. « Cette mobilisation est là pour exprimer la colère des agriculteurs », a abondé Pierrick Horel, à la tête des JA.La France mise en minorité à Bruxelles ?Cet accord prévoit de réduire massivement les droits de douane entre les pays latino-américains du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) et l’Union européenne pour les produits agricoles comme la viande bovine, la volaille, le sucre, le maïs ou encore l’éthanol. Et ce, sur la base de quotas d’importations qui ne pourraient être dépassés. Ces plafonds, par exemple fixés entre 90 000 à 100 000 tonnes par an pour la viande bovine sud-américaine, ainsi que la promesse de la France d’intégrer des clauses miroirs – les mêmes normes phytosanitaires et environnementales doivent être appliquées – n’ont pas suffi à calmer la colère du monde agricole, qui peste contre un accord qu’ils jugent inégal et injuste.Les agriculteurs s’inquiètent notamment d’une concurrence déloyale au vu du coût du travail plus bas en Amérique latine, ou encore l’utilisation par ces pays de produits interdits au sein de l’UE comme des pesticides ou des antibiotiques activateurs de croissance. « Les coûts de production des agriculteurs brésiliens sont deux fois moins élevés que les nôtres. Impossible d’être compétitifs », affirmait notamment auprès de L’Express Franck Laborde, le président de l’AGPM, l’Association générale des producteurs de maïs.La France, de son côté, ne cache plus ces derniers mois son opposition à cet accord, Emmanuel Macron affirmant lui-même que ce traité n’était « pas acceptable » en l’état. « La France dit non et la France n’est pas seule dans ce refus du Mercosur. Ce qu’il faut obtenir, c’est de quoi exercer notre veto au niveau européen » en ralliant « un maximum de pays » de l’UE, avait expliqué ce lundi Annie Genevard, ministre française de l’Agriculture.Car l’Union européenne, sous l’impulsion de l’Allemagne et de l’Espagne, semble de son côté bien déterminée à faire voter cet accord. « Nous avons deux dates clés […] : le sommet du G20 en novembre à Rio de Janeiro, et le sommet du Mercosur en décembre de cette année. Nous allons donc travailler à la réalisation de ce grand projet », a ainsi affirmé le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez. Et ce, en outrepassant l’opposition de la France, qui cherche à réunir suffisamment de pays européens derrière elle pour parvenir à y opposer son veto au sein des institutions de l’UE. »On sera sur les ronds-points et les boulevards d’Europe »De son côté, le monde agricole semble bien déterminé à faire peser tout son poids dans la balance pour protester contre la signature de ce traité. Les filières françaises de la viande bovine, de la volaille, des céréales et du sucre ont ainsi annoncé ce mercredi faire front commun contre le Mercosur, assurant vouloir « donner de la force » à la mobilisation lancée par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs en disant « non » d’une « seule voix » à cet accord. Plusieurs organisations agricoles européennes manifestent également ce mercredi à Bruxelles, le signe que les tensions dépassent les frontières hexagonales. Lors de la grogne agricole à l’hiver dernier, le refus du Mercosur faisait déjà partie des revendications du monde paysan, et ce dans toute l’Europe.Pour l’instant, la mobilisation ne vise pas à bloquer massivement les autoroutes, comme cela fut le cas l’hiver dernier. Mais plutôt à témoigner de cette colère, laissant planer d’autres actions si leur voix n’était pas entendue « On sera sur les ronds-points et les boulevards d’Europe pour dénoncer cette incohérence européenne » a promis Pierrick Horel, président du syndicat Jeunes agriculteurs, précisant ne pas vouloir « prendre les citoyens français en otage ». Une position confirmée par le patron de la FNSEA Arnaud Rousseau, qui a affirmé que l’objectif de cette mobilisation n’était ni « de bloquer » ni « d’affamer » la France. Le Premier ministre Michel Barnier sera de son côté ce mercredi à Bruxelles où il doit notamment rencontrer la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, et ainsi tenter de faire entendre la position de la France auprès de l’UE. Un test grandeur nature pour savoir si oui ou non, la voix de Paris se fait encore entendre à Bruxelles.



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Publish date : 2024-11-13 14:12:24

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