Un épluchage frénétique de dizaines de factures, tickets, ou papiers jaunis et chiffonnés, qui commencent à s’effacer : mais où est donc caché ce bout de papier qui confirme la note payée il y a trois mois ? Les plus distraits et désorganisés fonctionnent ainsi, se promettant de devenir de meilleurs élèves – un jour – pour la compta : ranger méticuleusement ses facturettes en les agrafant proprement. Ils étaient 89 % des cadres français à réaliser des notes de frais avant la crise sanitaire, 80 % en 2022 (Ifop/Mooncard). Si moins d’un tiers des cadres concernés ont peur de ne pas être remboursés, 60 % évoquent leur crainte de perdre les justificatifs. C’est surtout le cas des femmes (63 % contre 59 % les hommes), des moins de 35 ans (69 %, soit 13 points de plus que leurs aînés), des Franciliens (64 %, soit 6 points de plus que les habitants de province) et des foyers avec enfants (65 %, contre 55 % pour les salariés sans enfant).Derrière ce processus délirant pour les phobiques administratifs se cache un système qui lie le salarié à son entreprise sous le contrôle de l’Urssaf : « les notes de frais sont des documents soumis par un salarié à son employeur pour justifier des dépenses engagées dans le cadre de ses fonctions et en obtenir le remboursement », décrit Alexandra Dabrowiecki, avocate au cabinet Voltaire. Mais quelle est la moyenne de ces avances, constituent-elles une rémunération et le manager peut-il se faire rembourser en frais professionnels le déjeuner qu’il a offert à son équipe à la brasserie en face de l’entreprise ?Plus de 100 euros en moyenne par moisPour la moitié des cadres qui émettent des notes de frais, la somme est de plus de 100 euros par mois indique Flora Baumlin, directrice de clientèle, département opinion, corporate & work experience à l’Ifop (étude Mooncard, 2023). Les motifs principaux sont la restauration (89 %), le transport (80 %) et le logement (62 %). C’est le commercial qui prend un taxi, un train ou un avion, mange au restaurant et dort à l’hôtel lorsqu’il se rend en clientèle, loin de sa région. Dans les autres frais, viennent l’essence ou ceux propres à l’entreprise (achat de cahiers au supermarché, par exemple), ainsi que les aménagements des postes de travail (entre 30 et 50 %). Ils sont 43 % des répondants à être remboursés en deux semaines ou plus, 9 % au-delà de quatre semaines. « La satisfaction à l’égard de la gestion des notes de frais dépend largement de leurs délais de remboursement : plus ils s’étirent dans le temps, moins les cadres sont satisfaits », précise l’experte.L’inflation a fait des dégâts : les premiers pôles de dépenses sont la restauration et l’essence (ex aequo à 61 %). Par ailleurs, les cadres « ont restreint leurs habitudes de dépenses en 2023″, analyse Flora Baumlin, sans toutefois trancher entre la consigne de l’entreprise ou l’avance sur leurs fonds propres. En effet, parmi ceux qui prennent sur leurs deniers personnels, 32 % se sont déjà retrouvés en difficulté financière.Attention à l’Urssaf »Les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans pouvoir être imputés sur sa rémunération. Cette prise en charge est obligatoire, même lorsque la loi, la convention collective ou le contrat de travail sont muets sur la question », prévient Alexandra Dabrowiecki. « Si le salarié a des difficultés financières, il doit le dire à son employeur car rien ne l’oblige à avancer les frais. Il pourrait se mettre en faute s’il refusait un déplacement, mais en prévenant en amont qu’il n’avancera pas les fonds, c’est à l’employeur de trouver une solution », poursuit-elle.La note de frais est importante à double titre : pour le salarié afin d’être remboursé par son employeur, et pour ce dernier dans la perspective d’un éventuel contrôle de l’Urssaf. « Dès lors que les frais professionnels ne sont pas soumis à charges sociales, l’Urssaf va vérifier que chaque dépense remboursée au salarié est justifiée par son activité professionnelle, sa cohérence avec l’agenda du salarié concerné ou des comptes rendus de rendez-vous de clientèle. L’Urssaf exige également que figure sur la note de frais l’identité du client que l’on a invité à déjeuner », précise l’avocate. Et que la dépense soit proportionnée au regard de l’achat. Ce remboursement qui s’ajoute à la rémunération du salarié n’est pas soumis à charges sociales.Si la tentation peut être grande de faire passer en frais professionnels d’autres sommes (faux reçu, gonflement de frais kilométriques…), le redressement peut chiffrer très vite. Se souvenir donc que le salarié peut uniquement faire des notes de frais en matière de restauration s’il est en situation de déplacement professionnel et donc dans l’incapacité de prendre son déjeuner à son domicile ou sur son lieu de travail. A méditer pour le manager qui invite généreusement ses collègues, à la brasserie du coin : il ne pourra pas passer cette note de frais en matière de restauration. Toutefois, s’il justifie que ces frais ont été engagés dans l’intérêt de l’entreprise et pour les besoins de l’activité, qu’ils restent proportionnés ou « raisonnables » (attention aux vins hors de prix), qu’ils sont dûment justifiés et que cette opération « cohésion d’équipe » reste exceptionnelle, le service comptable qui vit avec l’épée de Damoclès de l’Urssaf au-dessus de la tête, pourra se montrer compréhensif.
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Author : Claire Padych
Publish date : 2024-11-13 10:30:00
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