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Kyutai, le surdoué français de l’IA qui rêve de concurrencer OpenAI : « Leur rapidité est exceptionnelle »

Les premiers chercheurs du laboratoire Kyutai : Alexandre Défossez, Neil Zeghidour, Patrick Pérez, Laurent Mazaré, Edouard Grave, Hervé Jégou




Lorsque Rodolphe Saadé (CMA-CGM), Xavier Niel (Iliad) et Eric Schmidt (ex-Google) montent sur la scène de Station F le 17 novembre 2023, le secteur français de l’intelligence artificielle retient son souffle. Le résultat est à la hauteur des espérances : les trois entrepreneurs annonce la création de Kyutai, un laboratoire de recherche en IA à but non lucratif doté de 300 millions d’euros. Sa mission ? Devenir une référence du domaine. Un an plus tard, le directeur général de Kyutai, Patrick Pérez, est tout sourire lorsqu’il rencontre L’Express. A raison : en un an, le laboratoire a déjà signé quelques prouesses, dont la plus importante est sans conteste Moshi. Le chatbot vocal, dont une démo a été dévoilée en juillet et le code source publié en septembre, est impressionnant de rapidité.Un acteur européen face à OpenAIDès le départ, Kyutai a cherché à révolutionner le domaine des assistants vocaux tristement connus jusque-là pour leur lenteur et leur rigidité verbale. « Quand ChatGPT est sorti, cela nous a tous impressionné de pouvoir parler à une IA. Mais dès qu’on passait en vocal, il y avait un décalage. L’interaction n’était pas bonne, la latence trop longue, cela n’était ni fluide ni expressif. Rien à voir avec une vraie conversation », détaille le directeur général. Kyutai s’est donc mis au travail, avec succès. Au point qu’un audacieux Moshi a parfois coupé la parole à ses interlocuteurs lors de sa présentation en juillet,. La « démo » publique en ligne a depuis été utilisée près de 500 000 fois. « Les gens ont joué avec Moshi, et étaient très surpris par sa réactivité et sa fluidité », commente Patrick Pérez dans un sourire.Entre la création du laboratoire et le déploiement de Moshi, « leur rapidité est tout de même exceptionnelle. Les retours de l’écosystème sur eux sont très bons. Tout le monde a testé Moshi », observe avec fierté Mehdi Triki. Pour ce responsable des relations publiques et institutionnelles chez Hub France IA, l’association regroupant les acteurs du secteur, le travail de Kyutai avec Moshi le place dans la cour d’un OpenAI. Même si le géant américain, fondé en 2015, valorisé à 157 milliards de dollars et doté de 1 700 employés, est autrement plus imposant que le laboratoire français et sa quinzaine de chercheurs. »On veut grossir, confirme Patrick Pérez. Nous sommes toujours à la recherche de profils pointus, mais cela nous importe plus de grossir soigneusement que rapidement ». La compétition pour attirer les profils compétents est, il est vrai, féroce dans ce secteur en ébullition. Pour séduire, Kyutai compte sur ses singularités. « Dans le paysage français et européen, il n’y a pas d’autres organismes à but non lucratif avec un budget similaire. Et l’équipe a un niveau très élevé », fait valoir Patrick Pérez. Sans compter que Kyutai a accès au supercalculateur doté de puces Nvidia de Scaleway, la solution cloud faisant partie du portefeuille d’Iliad et de Xavier Niel.Le coût très important de l’entrainement de modèles est cependant un défi pour une entité telle que Kyutai. Ce casse-tête a d’ailleurs incité le leader OpenAI, qui avait un statut similaire, à revoir sa structure et ouvrir une filiale à but lucratif. « Pour l’instant, Kyutai n’a pas de business model », reconnaît Patrick Pérez. Moshi, si impressionnant soit-il, ne rapporte pas d’argent – les codes et les données d’entraînement sont open source, disponibles gratuitement. « La question de la viabilité est importante à long terme, mais nous avons le temps de voir venir. Notre dotation est importante, et nous pensons pouvoir attirer d’autres donateurs. Moshi est un tour de force qui a impressionné, cela peut donc convaincre d’autres institutions. » D’autres options telles que la création d’une spin-off seront au besoin étudiées à plus long terme, mais le laboratoire indique ne pas en être à ce stade de réflexion. Surtout, pas question pour le directeur de développer une partie commerciale à l’intérieur du laboratoire, comme OpenAI a pu le faire.L’argent, le nerf de la guerre »La capacité à conquérir le marché des entreprises et du grand public sera décisive », met cependant en garde Mehdi Triki. Car la compétition s’annonce rude. Quand OpenAI a lancé ChatGPT, la technologie est rapidement devenue incontournable, et l’entreprise une référence. Or, dans le secteur des nouvelles technologies, le premier entrant jouit souvent d’un avantage. « L’autre question à laquelle Kyutai doit répondre, c’est qu’y a-t-il après Moshi ? », précise le responsable des relations publiques et institutionnelles du Hub France IA.Kyutai n’est heureusement pas à court d’idées. « Pour Moshi, on pense à des cas d’utilisation dans des centres d’appels, des enquêtes de satisfaction, mais aussi dans l’enseignement ou l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap », révèle Patrick Pérez. Moshi pourrait ainsi devenir « la voix et les yeux » de nombreuses personnes.Surtout, Moshi n’a fait que ses premiers pas. « Nous voulons lui faire parler d’autres langues et lui donner la vue », précise le directeur de Kyutai. Le laboratoire planche sur les modèles multimodaux, mais aussi sur des modèles plus petits et compacts. A plus long terme, Kyutai rêve de transformer l’architecture même des modèles, pour l’instant tous basés sur un type de réseaux de neurones bien particulier, baptisés « transformers ». « Ces réseaux marchent bien, mais ils ont de nombreux inconvénients, et ils n’ont peut-être pas vocation à incarner le futur, estime Patrick Pérez. Nous, nous voulons bâtir ce futur, les ‘transformers 2.0′ ».



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Author : Aurore Gayte

Publish date : 2024-11-17 08:30:00

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