L’Express

Censure de Michel Barnier : comment le discours du Rassemblement national a fluctué

La présidente du groupe des députés du Rassemblement national Marine Le Pen lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 3 décembre 2024




Marine Le Pen aura finalement bien appuyé sur le bouton rouge. La cheffe de file du RN a annoncé ce lundi que son groupe à l’Assemblée nationale votera bien la censure du gouvernement de Michel Barnier à la suite de l’activation de l’article 49.3 sur le budget de la Sécurité sociale par la Premier ministre. « Monsieur Barnier n’a pas souhaité répondre à la demande des onze millions d’électeurs du Rassemblement national, il a dit que chacun assumerait ses responsabilités. Nous assumerons donc les nôtres », a justifié la triple candidate à l’élection présidentielle devant la presse ce lundi.Cette décision, qui devrait en principe condamner le Premier ministre seulement trois mois après son arrivée à Matignon, aura pourtant été le fruit de nombreuses tergiversations et revirements au sein du parti à la flamme. Et ce, depuis l’élection de ses 141 députés (dont 16 élus autour d’Eric Ciotti) aux dernières élections législatives. Début octobre dernier, au lendemain de la nomination de l’ancien négociateur du Brexit à Matignon, le RN avait ainsi refusé de voter la motion de censure déposée par le Nouveau Front populaire. Jouant par là son rôle autoproclamé d’opposition « constructive », et assurant ne pas vouloir « censurer pour censurer » un gouvernement avant qu’il n’ait pu défendre ses textes.Des conditions qui ont évoluéLe RN attendait notamment l’examen du budget pour peser de tout son poids sur le gouvernement Barnier, avec la menace d’une censure comme épée de Damoclès au-dessus du Premier ministre. Marine Le Pen n’aura ainsi pas cessé de répéter ses nombreuses « lignes rouges » ces dernières semaines, qui feraient voter aux députés RN la chute du gouvernement. Obtenant par là de nombreuses victoires auprès du Premier ministre, en particulier le renoncement de l’augmentation de la hausse des taxes sur l’électricité, mais aussi une baisse de l’Aide médicale d’Etat (AME) pour les personnes sans-papiers.Mais ces victoires politiques ont très vite été suivies de nouvelles exigences. Dans une interview ce dimanche à La Tribune, Marine Le Pen affirmait que « la censure n’est pas inéluctable », à condition que « Michel Barnier accepte de négocier ». Avec un dernier ultimatum : que le gouvernement leur donne « quitus sur la désindexation des pensions ou sur le non-déremboursement des médicaments ».Un « ou » qui a son importance, qui laissait entendre qu’un fléchissement de l’exécutif sur l’une de ces deux mesures serait suffisant pour échapper à la censure. Et ce lundi, Michel Barnier affirmait ainsi dans un communiqué officiel qu’après un appel avec Marine Le Pen, celui-ci s’engageait « à ce qu’il n’y ait pas de déremboursement des médicaments » en 2025, remplissant les conditions de Marine Le Pen et de son groupe à l’Assemblée. »Je ne croyais pas qu’elle oserait »Mais il était visiblement déjà trop tard, et la décision déjà prise du côté du RN. Ce lundi matin, Jordan Bardella affirmait qu’il faudrait « un miracle de dernière minute » pour que son parti ne vote pas la censure. Et l’annonce fut finalement faite dans l’après-midi, à la suite du 49.3 du gouvernement sur le budget de la Sécurité sociale. Une décision qui a pris de court Michel Barnier lui-même. « Je ne croyais pas qu’elle oserait », a lâché le Premier ministre ce lundi lors d’une réunion avec les différents chefs de groupe de son ‘socle commun », selon l’un des participants auprès de l’AFP. « On voit bien qu’à chaque fois qu’on lâche quelque chose, elle demande quelque chose d’autre, et, qu’à un moment, il faut probablement s’arrêter », aurait ajouté le Premier ministre en sursis.Et alors qu’un grand flou attend de nouveau la France en cas de vote – très probable – d’une des deux motions de censure du NFP ou du RN ce mercredi après-midi, Marine Le Pen a d’ores et déjà donné des indices assez évidents sur la suite. « La Constitution prévoit trois leviers en cas de crise politique majeure. La dissolution a été utilisée et le remaniement semblerait, si la crise perdurait à la suite de plusieurs censures, tout à fait inutile. C’est vrai que la Constitution ne donnerait alors au président de la République, pour s’en sortir, qu’une seule solution : la démission. C’est sa décision et celle de personne d’autre », se projette déjà la cheffe de file du RN dans son entretien à La Tribune.Entre une suggestion très claire de la perspective d’un départ anticipé d’Emmanuel Macron de l’Elysée, sans pour autant trop en faire pour poursuivre dans cette image de « respectabilité », on retrouve pleinement le jeu d’équilibriste du RN depuis son arrivée en nombre à l’Assemblée nationale dès 2022, et encore davantage depuis la dissolution de juin dernier. Mais le choix de voter la censure l’aura prouvé : le parti à la flamme est également prêt à joindre les actes à la parole.



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Publish date : 2024-12-03 17:14:22

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