Après Mayotte, la France entière ? Au lendemain d’un vote pour restreindre le droit du sol dans l’archipel, François Bayrou souhaite rouvrir ce dossier explosif dans le cadre d’un débat « plus large » sur l’identité française, réclamé par la droite mais déjà dénoncé dans son propre gouvernement.
« On peut entrer dans un débat […] on ne va pas tout repousser » : interrogé sur RMC ce vendredi 7 février, le Premier ministre a ouvert la porte à une remise en question du droit du sol, proposée notamment par son ministre de la Justice Gérald Darmanin. Mais pour François Bayrou, « il faut un débat public approfondi et beaucoup plus large que ça », incluant d’autres sujets « qui fermentent depuis des années » autour des notions d’identité et de citoyenneté.
« Qu’est-ce que c’est qu’être Français ? Qu’est-ce que ça donne comme droits ? Qu’est-ce que ça impose comme devoirs ? Qu’est-ce que ça procure comme avantages ? Et en quoi ça vous engage à être membre d’une communauté nationale ? A quoi croit-on quand on est Français ? », a ainsi développé le chef du gouvernement.
Dix jours après sa phrase polémique sur le « sentiment de submersion » migratoire, ces nouveaux propos font aussi écho au vote, la veille, d’une proposition de loi portée par Les Républicains (LR) et soutenue par le gouvernement pour restreindre drastiquement le droit du sol à Mayotte. Quand « il y a des milliers et des milliers de personnes qui arrivent avec l’idée que s’ils mettent au monde des enfants là, ils seront Français, tout ça évidemment mérite d’être reconsidéré », a justifié François Bayrou, mettant sur le même plan la situation en Guyane.
LR applaudit, Borne se rebiffe
L’ouverture d’un tel débat ne peut que ravir la droite, qui entend pousser son avantage sur la thématique de l’immigration. Mayotte est « la première étape », a déjà prévenu le chef des députés LR, Laurent Wauquiez, dont l’objectif affiché est « d’étendre ces restrictions sur le reste du territoire français ». « Dans la situation migratoire que nous vivons, le droit du sol n’est pas tenable », a insisté vendredi l’eurodéputé et vice-président des Républicains François-Xavier Bellamy, s’appuyant sur les chiffres officiels publiés cette semaine : plus de 336 700 titres de séjours délivrés en 2024, en hausse de 1,8 % par rapport à 2023.
Point de vue partagé par Bruno Retailleau, lui aussi membre de LR et « parfaitement d’accord » avec la réflexion du Premier ministre. En déplacement à Lognes (Seine-et-Marne), le ministre de l’Intérieur a insisté sur la nécessité – dans le cas d’une naturalisation – « d’assimiler des valeurs » comme la « liberté de conscience » ou « l’égalité entre les hommes et les femmes ».
Actuellement, le droit du sol permet d’attribuer la nationalité française dès l’âge de 13 ans à un enfant né en France de parents étrangers, à condition d’avoir résidé dans le pays depuis au moins cinq ans.
La remise en cause de ce principe divise au sein du gouvernement, dont la numéro deux Elisabeth Borne a clairement fait savoir vendredi sur RTL qu’elle n’était « pas favorable » au débat proposé par Gérald Darmanin. « Ce que les Français attendent de nous, ce sont des actes et pas de renvoyer à une future modification constitutionnelle », a souligné la ministre de l’Education nationale, qui avait déjà eu maille à partir avec son collègue lorsqu’elle officiait à Matignon et lui à Beauvau à l’époque de la loi immigration fin 2023.
LFI remet la pression
Le débat souhaité par le Premier ministre risque aussi d’alimenter la querelle à gauche, où les socialistes vont de nouveau devoir justifier leur choix de ne pas censurer le gouvernement Bayrou pour laisser passer le budget.
« Tous nos partenaires de gauche savent maintenant ce qui va se passer si ce gouvernement ne tombe pas : la suite, c’est Bruno Retailleau, c’est la remise en question du droit du sol », a mis en garde sur France 2 le député LFI Eric Coquerel.
Une nouvelle occasion se présentera lundi, avec une motion de censure sur le budget de la Sécurité sociale – la troisième en moins d’une semaine. Et le PS, qui préfère attendre l’adoption définitive du texte pour déposer sa propre motion à la suite des propos de François Bayrou sur la « submersion » migratoire, est toujours sous la pression de ses alliés du Nouveau Front populaire « Ceux qui ne le feront pas, définitivement, sortent de toute alliance avec nous, tout simplement parce qu’en réalité, ils sont du côté du soutien au gouvernement », a prévenu Eric Coquerel. « Tout parlementaire de gauche digne de ce nom doit censurer » le gouvernement, a abondé sur X le coordinateur du mouvement, Manuel Bompard.
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Publish date : 2025-02-07 13:12:00
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