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Nouvelles recommandations, vaccin en test… Vers la fin de la « folie Lyme » ?

Nouvelles recommandations, vaccin en test… Vers la fin de la « folie Lyme » ?

La polémique qui entoure la maladie de Lyme va-t-elle enfin prendre fin ? La Haute Autorité de santé (HAS) a publié, le 18 février, une actualisation de ses recommandations pour la prise en charge de cette infection provoquée par la transmission de la bactérie Borrelia burgdorferi lors d’une morsure d’une tique. Le texte était particulièrement attendu par la communauté scientifique et les associations de patients, d’autant que la précédente version, qui datait de 2018, avait provoqué un imbroglio rarissime en étant rejetée aussi bien par les sociétés savantes que les associations de patients.

Déjà à l’époque, le point central des discussions concernait le « syndrome post-borréliose de Lyme traitée », plus connu sous le terme de Lyme chronique, ou Lyme long. Sauf que les mécanismes permettant d’expliquer cette persistance ne sont pas entièrement compris par la science. Cette zone d’ombre a nourri des polémiques dont l’ampleur est quasi inégalée dans le monde médical, comme L’Express l’a récemment raconté.

Dans sa forme courante, la maladie de Lyme se traduit dans 95 % des cas par un érythème migrant, une éruption cutanée autour d’une morsure de la tique. Elle peut, plus rarement, évoluer en neuroborréliose – l’atteinte du système nerveux central – ou prendre la forme de rhumatismes inflammatoires douloureux. Le traitement indiqué est la prise d’un antibiotique, le plus souvent la doxycycline ou l’amoxicilline, pendant quatorze jours. La prévalence de la maladie n’a quasiment pas évolué depuis près de trente ans. Selon les chiffres les plus récents de Santé publique France, près de 40 000 infections sont diagnostiquées sur le territoire national chaque année, pour 700 hospitalisations.

Mais la maladie peut aussi prendre une forme chronique qui se caractérise par des symptômes très variés : grande fatigue, douleurs diffuses, troubles de la mémoire et de la concentration qui persistent au moins six mois après le traitement. Elle toucherait 6 à 20 % des patients en Europe, selon la HAS. Des associations de patients aidés par des « Lyme doctors » sont persuadées que cette forme chronique est provoquée par la persistance de la bactérie dans le corps humain, voire par la transmission par la tique d’autres bactéries et virus. Il faudrait, selon eux, appliquer des traitements de choc incluant parfois une vingtaine de médicaments prescrits pendant des mois, voire à vie.

Néanmoins, aucune publication scientifique sérieuse n’a jamais démontré ces théories. La mise à jour des recommandations de la HAS reconnaît la persistance des symptômes, mais propose d’autres hypothèses pour l’expliquer, comme une perturbation du système immunitaire provoqué par l’infection initiale, ce qui favoriserait des infections secondaires ou opportunistes ; ou une inflammation chronique favorisant le développement de phénomènes auto-immuns. L’autorité souligne aussi que les traitements prolongés par antibiotique sont inefficaces et dangereux.

Mieux écouter les patients

Les spécialistes s’entendent en tout cas sur un point : les symptômes et souffrances des patients sont bien réels. Les causes et les solutions sont, en revanche, plus difficiles à faire entendre. « Tous les médecins de France ont déjà rencontré un patient consultant pour un Lyme long présumé avec un profil similaire : fatigue, douleurs, déprime, parfois une incapacité de travailler, assure Anne Scherrer, responsable de la médecine oncologique et référente infectieux à la clinique Ambroise Paré – Hartmann (Neuilly). Et leur expliquer que cela n’était pas forcément lié à Borrelia est souvent difficile ».

Ces relations parfois conflictuelles ont d’ailleurs été l’un des principaux reproches faits par les associations. Certaines blouses blanches ont pu être tentées de voir ces patients comme des malades imaginaires et chronophages. « Les générations antérieures étaient peut-être plus habillées de l’aura du médecin dont la parole était d’évangile. Mais je pense qu’aujourd’hui, nous sommes plus vigilants au besoin d’écoute du patient et plus empathiques, et c’est une bonne chose », reconnaît Yves Hansmann, infectiologue au Centre national de référence de la maladie de Lyme, à Strasbourg.

Des preuves scientifiques robustes

Le discours des médecins s’est aussi renforcé grâce à l’accumulation de données scientifiques. Ces dernières années, une dizaine d’études internationales qui explorent les maladies diagnostiquées chez les patients venant consulter pour un Lyme long ont apporté de solides preuves. Trois études françaises publiées en 2018 et 2019 et portant sur 1 000 personnes montrent par exemple que seulement 12 % à 15 % des patients ont effectivement une maladie de Lyme confirmée ou possible. Une étude américaine (1 261 personnes) publiée en 2019 révèle que seuls 14 % des patients ont une maladie de Lyme active ou récente. Et deux études néerlandaises publiées en 2023 et 2024 renforcent encore ces résultats.

« Les conclusions convergent et se recoupent : 80 à 90 % des patients qui consultent ne souffrent pas d’un Lyme long, mais d’autres maladies d’ordre rhumatologique, neurologique, psychiatrique ou en lien à des troubles liés à des situations de grande détresse psychologique ou de mal-être », résume le Pr. Éric Caumes, infectiologue à l’Hôtel-Dieu à Paris. Son équipe et lui ont publié une étude en 2019 qui montre aussi que les traitements prolongés aux antibiotiques échouent dans 80 % des cas.

Des nouvelles prises en charge, un vaccin en test

Reste que ces patients doivent tout de même être soignés. Dans ses recommandations, la HAS appelle à une prise en charge « personnalisée » et « multi-disciplinaire ». Elle se repose sur le travail entrepris par plusieurs hôpitaux qui ont mis en place des équipes spécialisées. L’Hôtel-Dieu, à Paris, a développé un protocole qui intègre trois disciplines : médecine interne, médecine du sport et psychiatrie.

« Notre approche pluridisciplinaire n’est pas réservée aux syndromes post-infectieux, car nous sommes persuadés qu’il faut s’intéresser aux mécanismes transdiagnostiques de persistance des symptômes, quelle qu’en soit la cause initiale. En effet, dans toutes les maladies, certains patients souffrent de symptômes persistants malgré une guérison biologique », explique le professeur Cédric Lemogne, chef du service de psychiatrie de l’adulte de l’hôpital parisien, qui a participé au groupe de travail de la HAS. Le but de cette approche est, notamment, de déterminer si la persistance est liée à des mécanismes propres à chaque pathologie ou s’il existe des facteurs psychologiques ou comportementaux qui prédisposent des patients à garder des symptômes.

Le traitement commence toujours par l’écoute attentive des patients, qui ont souvent été en errance médicale pendant des années. Ensuite, les médecins expliquent comment le cerveau peut parfois favoriser la persistance des symptômes. Ils illustrent ce mécanisme en citant des études qui consistent à faire sentir différentes odeurs à des participants et à augmenter le taux de CO2 à chaque fois qu’ils sentent une odeur en particulier. Après plusieurs répétitions, le cerveau associe l’odeur à une asphyxie… Et les participants ressentent un essoufflement à chaque fois qu’ils la sentent, même si le taux de CO2 est normal. « Le cerveau apprend de ses expériences et réagit en fonction de ce qu’il pense être bon pour sa survie : en cas de doute, il s’alarme toujours à l’excès et cette alarme, ce sont les symptômes », explique le Pr. Lemogne. De la même manière, le corps peut continuer de se protéger contre une maladie alors que la bactérie ou le virus a été éradiqué. Les symptômes ressentis sont bien réels et peuvent être pénibles, mais ne sont pas dangereux.

Les médecins détaillent, enfin, comment des comportements d’évitement peuvent entretenir des symptômes. Par exemple, en cas de grande fatigue, le premier réflexe va être de se reposer. Le bénéfice est évident à court terme. Mais à long terme, les tâches physiques deviennent de plus en plus épuisantes. C’est un cercle vicieux. De la même manière, le fait de se focaliser sur une sensation corporelle inquiétante peut l’amplifier en provoquant un effet nocebo, l’inverse de l’effet placebo. Surtout, le Pr. Lemogne tente de faire passer un message essentiel : « Dans la compréhension du grand public, et souvent des professionnels de santé, des symptômes sont soit psychologiques, soit physiques, mais cela n’a pas de sens : ce sont les deux ». L’expérience des odeurs le démontre bien : s’il n’y a pas un facteur physique déclenchant – l’augmentation du CO2 en l’espèce – il n’y aurait pas ensuite de symptômes entretenus par le cerveau.

Les équipes de l’Hôtel-Dieu mènent en ce moment même plusieurs études dont les résultats devraient être prochainement connus. En attendant, les médecins assurent que les retours sont positifs : l’état de nombreux patients s’améliore significativement. « Certains sont même en rémission complète, ce qui est une très grande source de motivation pour nous », glisse le Pr. Lemogne.

Du côté des médicaments, aucun nouvel antibiotique n’est en cours de développement. Mais un vaccin pourrait bientôt voir le jour. Développé par les laboratoires Valneva et Pfizer, il cible la surface externe d’une protéine présente sur la bactérie Borrelia afin de l’empêcher de pénétrer dans le corps humain. Le vaccin est actuellement testé dans deux essais cliniques de phase trois, ultimes tests avant une éventuelle mise sur le marché. De quoi rassurer les plus inquiets, et peut-être adoucir les débats enflammés qui entourent cette infection.



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Author : Victor Garcia

Publish date : 2025-02-26 15:00:00

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