En mai 2000, Gene Hackman, alors âgé de 69 ans est à l’affiche du film Under Suscpicion, remake de Garde à vue, de Claude Miller, Denis Rossano reçoit ses confidences exclusives sur son métier, sa carrière et le monde narcissique d’Hollywood.
Gene Hackman dans L’Express du 11 mai 2000.
Dans L’Express du 11 mai 2000 : Gene Hackman en garde à vue
Le flic de French Connection, le producteur de Get Shorty, le Lex Luthor de Superman n’accorde jamais d’interview. Il fait une exception pour L’Express et présente son prochain film, Under Suspicion.
Gene Hackman est un vin qui se bonifie avec le temps. 69 ans depuis janvier, près de 80 films, deux Oscars (meilleur acteur dans French Connection en 1971, meilleur second rôle dans Impitoyable en 1992) et une poignée de classiques (Bonnie and Clyde, Conversation secrète, Reds…). Un beau palmarès pour un comédien qui parle peu, vit discrètement à des années-lumière de Hollywood, joue le sans-faute à chacune de ses apparitions et aime se glisser dans les rôles troubles. Témoin son personnage d’Under Suspicion, remake de Garde à vue, de Claude Miller, où il interprète un avocat accusé du meurtre de jeunes filles. Le film est présenté hors compétition au Festival de Cannes et Gene Hackman, avant sa venue sur la Croisette, nous a accordé une interview. Surprise : lui que l’on disait bourru et méfiant se révèle enjoué et loquace. Et ce n’est pas du cinéma.
L’Express : Vous êtes à l’origine d’Under Suspicion. Comment cela s’est-il passé ?
Gene Hackman : J’ai vu Garde à vue tout à fait par hasard quand il est sorti à Los Angeles. J’étais tellement envoûté que je suis resté à la séance suivante. J’ai vécu avec ce film pendant de nombreuses années, je voulais absolument en faire un remake. Ce n’est que lorsque j’ai rencontré Morgan Freeman que les choses se sont mises en place. Je lui ai montré le film en cassette et il l’a énormément aimé. Il a beaucoup contribué au montage financier du projet, bien plus que moi – je ne suis pas très doué dans ce domaine.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette histoire ?
Les personnages, bien sûr. Mais aussi le conflit entre le policier (Morgan Freeman) et l’avocat. J’étais très intéressé par la complexité de leur relation et le fait qu’ils soient issus de milieux très différents : l’avocat a de l’argent et des privilèges, le policier est davantage un simple travailleur. La perception que le policier a de cet homme qu’il n’aime pas et qu’il soupçonne m’a fasciné.
Comment avez-vous travaillé avec Morgan Freeman ?
C’est un acteur sur lequel on peut entièrement compter. Il est toujours présent, toujours sur la brèche. C’est un film aux dialogues très denses, et chaque jour on en tournait cinq ou six pages sans improviser, car nous avions répété pendant deux semaines. Le film n’a pas coûté beaucoup d’argent – on a été obligé de se dépêcher vu que nous n’avions que trente-huit jours de tournage. Ça n’a pas été facile, mais on y est arrivé.
Comment choisissez-vous vos rôles ?
Il a y a plusieurs raisons : le scénario, d’abord, puis les comédiens envisagés et le réalisateur. Et, au milieu de tout ça, il y a aussi l’argent qui entre en jeu. Parfois, j’accepte un rôle intéressant pour un cachet réduit ou pour jouer avec quelqu’un en particulier. J’ai tout récemment tourné deux jours au Mexique dans un film avec Brad Pitt [The Mexican, de Gore Verbinski, avec aussi Julia Roberts]. A plusieurs reprises, nous devions travailler ensemble, mais les choses ne s’étaient pas faites. Là, j’ai sauté sur l’occasion.
Quel regard portez-vous sur votre carrière ?
Je me considère comme un working actor – un acteur qui travaille. Je crois que j’ai été extrêmement chanceux d’avoir eu l’occasion de jouer certains rôles. Je ne sais pas si j’ai consciemment fait des choix intelligents, car ils m’ont toujours paru plus pratiques qu’intelligents. Ce business est vraiment déterminé par le hasard : on ne sait jamais si le film va marcher, s’il va devenir un classique, si on a fait le bon choix. Bonnie and Clyde, c’était juste un job, merveilleux, oui, mais un simple boulot. Je ne me doutais pas qu’Arthur Penn était en train de réaliser un film qui allait changer la manière de faire du cinéma à l’époque.
Y a-t-il un de vos films qui vous semble sous-estimé ?
Oui, L’Epouvantail, avec Al Pacino. J’aurais aimé qu’il soit mieux reçu par le grand public. On a travaillé dur et ça a été un gros échec. C’était au moment où ma carrière était en plein essor et j’ai été tellement déçu par l’accueil que, par la suite, j’ai abandonné l’idée de faire des petits films. J’ai décidé de n’être qu’un working actor, de jouer ce qu’on me proposait. Ça m’a pris du temps, plusieurs années, avant que je me remette à chercher des projets de qualité.
Vous avez écrit un livre qui n’est pas l’habituelle autobiographie d’une star, mais un roman d’aventures, The Wake of the Perdido Star. Qu’est-ce qui vous a mené à l’écriture ?
Je suis ravi de pouvoir en parler. Je déjeunais avec un de mes amis [Daniel Lenihan], qui habite comme moi à Santa Fe, et on a commencé à parler de livres, de ces fabuleux romans d’aventures maritimes de notre jeunesse, comme ceux de Stevenson, et à se lamenter qu’il n’y en ait plus. Je lui ai alors dit : « Je vais rentrer chez moi écrire un chapitre d’une histoire de ce genre, tu me diras ce que tu en penses. » Une semaine plus tard, je lui amenais plusieurs pages. Ça lui a plu et nous avons décidé de continuer. On a mis au point une histoire : l’apprentissage d’un garçon de 17 ans, en 1805, que l’on suit pendant trois ans alors qu’il est engagé sur un bateau. Ecrire a été un heureux changement dans ma carrière. Enfin quelque chose à construire tout seul sans le regard de 90 personnes qui attendent que je fasse mon show.
Y a-t-il des acteurs avec qui vous avez envie de tourner ?
Oui, un grand nombre. Il y a beaucoup de gens que j’apprécie et j’ai d’ailleurs déjà travaillé avec la plupart d’entre eux. Je ne vis pas à Hollywood, donc je ne rencontre jamais les nouveaux. Je découvre leur travail quand je vais au cinéma. Je suis par exemple très heureux de tourner bientôt dans une comédie avec Sigourney Weaver et Jennifer Love Hewitt (Breakers, de David Mirkin). Si on vit assez longtemps, on finit par travailler avec tout le monde dans ce business.
Pour quelle raison vivez-vous loin de Hollywood ?
Ce n’est pas vraiment que ce soit une ville ennuyeuse, mais j’aime bien en être éloigné. A Hollywood, tout tourne autour du cinéma : les conversations, les gens que l’on voit, la vie de tous les jours. C’est totalement narcissique. On finit par oublier pourquoi on fait ce métier.
Irez-vous à Cannes pour présenter Under Suspicion ?
Oui, deux jours. Ça devrait être amusant, je suis content d’y aller. J’ai juste un peu peur de voir comment vous, les Français, allez réagir par rapport au remake américain d’un de vos classiques. Les critiques vont crier au sacrilège ! On verra bien…
Source link : https://www.lexpress.fr/culture/cinema/quand-gene-hackman-se-confiait-en-exclusivite-a-lexpress-jai-decide-de-netre-quun-working-actor-YHBIIQV6T5ASNDZTAZMNG75JNA/
Author :
Publish date : 2025-02-27 13:04:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.