Plus de 100 morts, et des accusations de « campagne génocidaire ». Ces mardi 29 et mercredi 30 avril ont été marqués par un fort regain de violences en Syrie, avec des attaques de groupes armés proches du pouvoir syrien contre la minorité druze du pays. Des affrontements qui réveillent le spectre des massacres qui ont fait début mars plus de 1 700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite, alors que les violences avaient alors été déclenchées par des attaques des pro-Assad contre les forces de sécurité. Mais qui illustrent également toutes les tensions dans cette nouvelle Syrie post Bachar el-Assad, alors qu’Israël a également mené ces derniers jours des frappes aériennes contre le nouveau régime d’Ahmed el-Charaa. L’Express fait le point sur la situation dans le pays.
Des affrontements sous fondements religieux
Ce mardi et ce mercredi, des combats et des violences ont eu lieu dans les banlieues de Jaramana et Sahnaya, près de Damas. Ils opposent des groupes armés liés au nouveau pouvoir islamiste sunnite de Damas à la communauté druze du pays, une minorité ésotérique issue de l’islam chiite et dont les membres sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.
L’attaque contre Jaramana, une banlieue de Damas, a ainsi été menée par des groupes proches d’Ahmed el-Charaa après la diffusion sur les réseaux sociaux d’un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l’égard du prophète Mahomet. L’AFP n’a pas pu vérifier l’authenticité du message.
Au moins 100 personnes ont été tuées en Syrie durant ces deux jours de violences à caractère confessionnel, la plupart des victimes étant des combattants druzes, a indiqué ce jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Selon l’ONG, 30 membres des forces de sécurité du pouvoir islamiste et combattants affiliés ont été tués, ainsi que 21 combattants druzes et dix civil lors d’affrontements ce mardi et mercredi. Dans la province de Soueïda (sud), bastion de la communauté druze près d’Israël, 40 autres combattants druzes ont été tués mercredi, dont 35 dans une embuscade, selon l’OSDH.
Un influent chef religieux druze en Syrie a dénoncé ce jeudi une « campagne génocidaire » contre sa communauté, réclamant une intervention « internationale ». Dans un communiqué, cheikh Hikmat al-Hajri, considéré comme la plus haute autorité spirituelle des druzes de Syrie, a qualifié les événements de « campagne génocidaire injustifiée » visant des « civils à leur domicile » et réclamé « une intervention immédiate des forces internationales de maintien de la paix ». « Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement […] Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, prétend que ce sont des éléments incontrôlés. Un gouvernement protège son peuple », a poursuivi cheikh Hikmat al-Hajri.
Des bombardements israéliens
Affirmant vouloir défendre les druzes, Israël, pays voisin de la Syrie avec laquelle il est techniquement en guerre, a mené ce mercredi des frappes d' »avertissement » sur la région de Sahnaya, près de Damas, et menacé de frapper le pouvoir syrien en cas de nouvelles violences contre cette minorité.
Dès la chute de Bachar el-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par Ahmed el-Charaa après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d’ouverture envers les druzes. Mais les dignitaires druzes ont réaffirmé leur attachement à l’unité de la Syrie, et rejeté les menaces israéliennes contre le pouvoir syrien.
Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt, a accusé Israël d’instrumentaliser les druzes de Syrie. « Israël continue de vouloir appliquer son plan de toujours […] consistant à morceler la région en entités confessionnelles et étendre le chaos », avait-il déjà déclaré fin mars.
Quelle réaction du pouvoir syrien ?
Les autorités syriennes avaient averti qu’elles « frapperaient d’une main de fer tous ceux qui cherchent à saper la stabilité de la Syrie », accusant des « groupes hors-la-loi » – pourtant proches du régime – d’avoir provoqué les violences. Le pouvoir syrien d’Ahmed el-Charaa a dans ce contexte réaffirmé son « engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze ». Il a aussi exprimé « son rejet catégorique de toute ingérence étrangère » après l’intervention militaire israélienne.
Des accords entre représentants des druzes et du pouvoir avaient permis de rétablir le calme ce mardi soir à Jaramana, une banlieue de Damas, et ce mercredi soir à Sahnaya, à 15 km au sud-ouest de Damas, où des forces de sécurité ont été déployées, mais la situation reste encore très instable.
De vives inquiétudes internationales
L’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie s’est dit ce mercredi « profondément inquiet » des violences « inacceptables » qui secouent la Syrie, et a également demandé un arrêt immédiat des frappes israéliennes. Dans un communiqué, Geir O. Pedersen s’est dit « alarmé » par le « potentiel d’escalade supplémentaire d’une situation extrêmement fragile » après les violences autour de Damas et de Homs et a en outre exigé que cessent les attaques israéliennes.
De son côté, la France a condamné ce jeudi « les violences confessionnelles meurtrières à l’encontre des Druzes en Syrie » et a appelé l’ensemble des acteurs syriens et régionaux, dont Israël, à l’arrêt des affrontements, dans une déclaration du ministère des Affaires étrangères. « La France appelle l’ensemble des acteurs syriens et régionaux à l’arrêt des affrontements et invite les autorités syriennes à tout mettre en œuvre pour rétablir le calme », selon la déclaration, qui appelle aussi « Israël à ne pas conduire d’actions unilatérales susceptibles d’aggraver les tensions communautaires en Syrie ».
Enfin, la Turquie, aux relations plus que tendues avec Israël depuis le début de la guerre à Gaza, a appelé ce mercredi soir l’Etat hébreu à « cesser ses frappes aériennes » sur la Syrie, a indiqué le ministère turc des Affaires étrangères. « En cette période sensible pour la Syrie, le devoir de la communauté internationale est de contribuer à l’instauration de la sécurité et de la stabilité en Syrie. Dans ce contexte, Israël doit mettre fin à ses frappes aériennes qui nuisent aux efforts d’unité et d’intégrité » du pays, a écrit le porte-parole du ministère Öncü Keçeli dans un communiqué.
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Publish date : 2025-05-01 16:12:00
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