New York est un pays. Ses 8,5 millions d’habitants se vivent comme les patriotes d’une nation autonome et la mégalopole est quasiment hermétique à l’influence trumpiste. Son énergie, son multiculturalisme, son ouverture vers l’extérieur, sa capacité à intégrer les innovations technologiques : tous ces piliers semblent inébranlables.
La population de la cité augmente de nouveau depuis 2023. Son dynamisme économique reste tout aussi impressionnant. Le PIB de la ville dépasse 1 000 milliards d’euros, dont les trois quarts produits à Manhattan. Selon Business Insider, la ville est l’un des six principaux « moteurs » de l’économie mondiale. Le secteur technologique, bien que plus discret qu’en Californie, progresse vite : sa part dans le PIB local est passée de 6 % en 2013 à 9 % en 2023, juste derrière les services financiers (10 %).
Un « insoumis » à la mairie ?
New York est un pôle de résistance au nationalisme trumpiste, mais c’est aussi une ville qui pourrait placer à sa tête, le 4 novembre, Zohran Mamdani, figure de la gauche radicale démocrate, l’équivalent de nos insoumis. Mamdani a largement remporté la primaire démocrate en vue de ces élections et les bookmakers parient sur sa victoire dans quelques semaines, devant le maire sortant, lui aussi démocrate – mais qui n’a pas participé à la primaire -, Eric Adams. Les sondages aux Etats-Unis n’ont pas la fiabilité des nôtres mais ce bouleversement possible n’est pas anodin.
Comment une ville prospère, ultradynamique et qui accueille une large communauté juive, la plus grande dans une ville hors Israël, peut-elle vouloir placer au City Hall un « insoumis » qui a éprouvé quelques difficultés à condamner le Hamas ? La première réponse, c’est que la radicalité génère la radicalité. C’est l’un des aspects du poison trumpiste. Malheureusement, l’extrémisme en politique débouche rarement sur un appel à la modération mais plutôt à une autre forme d’extrémisme. L’écrivain hongrois Sandor Marai l’avait parfaitement relevé, en soulignant que, dans son pays, mais pas seulement, le nazisme et le communisme se sont succédé naturellement comme s’il était logique qu’une violence se substitue à une autre.
Populaire chez les jeunes
Ainsi, les attaques de l’administration trumpiste contre les universités risquent de faire monter l’extrême gauche, y compris sa composante antisémite. Que Trump considère que Columbia soit allé trop loin dans le wokisme s’entend. Qu’il s’en prenne à des programmes de recherche, médicale notamment, ne peut qu’accentuer le désordre et radicaliser les positions de ses adversaires. Des lors, il ne faut pas s’étonner que Mamdani soit particulièrement populaire chez les jeunes.
Le deuxième élément de réponse tient dans la trajectoire économique et sociale d’une ville comme New York, victime en quelque sorte de son succès. Le prix de l’immobilier tourne autour de 15 000 euros le mètre carré sur l’île de Manhattan, et l’on n’y trouve aucun appartement à moins d’un million d’euros. Les classes moyennes sont rejetées vers des quartiers éloignés et peu sûrs. Cette gentrification se constate dans toutes les grandes villes économiquement dynamiques, y compris en France. Mais à New York, elle prend davantage d’ampleur.
Les modérés aux abonnés absents
En bon populiste, Mamdani propose de taxer les millionnaires et les entreprises pour financer la gratuité des bus et des crèches, et de bloquer les loyers. Cette proposition est inepte – le blocage des prix renforcerait la pénurie de logements -, mais force est de constater que, sur ces sujets, les partis non populistes ne disent rien. Avez-vous entendu, en France, la droite ou la gauche modérée parler sérieusement du logement ou des transports publics ?
Le succès dans les sondages de Mamdani constitue une alerte. Aux Etats-Unis comme en France, seuls les extrêmes sont capables aujourd’hui de produire un discours fort et articulé. Certes, le divorce d’avec toute forme de vérité facilite la chose. Il n’empêche : c’est à leurs adversaires – c’est-à-dire nous – de reprendre la main sur les programmes, ce dont, aux Etats-Unis, l’aile centriste du Parti démocrate a été parfaitement incapable. L’actualité new-yorkaise montre que, dans un paysage économique bouleversé par l’innovation, la gentrification et les problèmes de finances publiques, l’extrême droite peut remporter la mise, tout autant que l’extrême gauche.
Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, est directeur du cabinet de conseil Astères
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Author : Nicolas Bouzou
Publish date : 2025-08-28 04:30:00
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