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La leçon géopolitique de Friedrich Merz à Emmanuel Macron

La leçon géopolitique de Friedrich Merz à Emmanuel Macron

L’un est resté chez lui quand l’autre est allé à New York pour haranguer le monde. Friedrich Merz s’est abstenu de participer à l’assemblée générale de l’ONU, pour montrer qu’il se concentrait sur les difficultés internes de l’Allemagne. Emmanuel Macron a préféré jouer à l’extérieur et organiser une conférence à grand spectacle sur la question palestinienne, au risque de paraître fuir un quotidien décidément trop rebutant à Paris.

La différence de tactique tient peut-être au fait que le chancelier a encore une marge de manœuvre pour revivifier l’Allemagne, là où le président français et son Premier ministre semblent encalminés dans une situation budgétaire et financière sans issue. La conjoncture n’est pourtant pas rose outre-Rhin. L’économie stagne depuis plus de cinq ans. Le chômage est à son plus haut niveau depuis une décennie. Les chefs d’entreprise dépriment. Des fleurons industriels licencient à tour de bras : Bosch, par exemple, a annoncé le 25 septembre la suppression de 13 000 emplois.

Les handicaps sont structurels. D’abord, l’énergie est hors de prix : la sortie du nucléaire, l’arrêt des livraisons du gaz russe bon marché, les déficiences des énergies renouvelables, s’additionnent pour faire flamber les coûts de fabrication. Ensuite, la forte dépendance de l’économie aux exportations lui revient comme un boomerang, à l’heure où la mondialisation s’effondre. Enfin, l’industrie chinoise, à force de monter en gamme, taille des croupières aux entreprises germaniques.

Mais les Allemands se retroussent les manches, là où les Français en sont encore à chercher la recette miracle pour faire adopter le budget 2026. L’impérialisme de Vladimir Poutine et le lâchage de l’Europe par Donald Trump ont galvanisé la classe politique allemande beaucoup plus que la française. Au printemps dernier, Merz a fait supprimer le « frein à la dette », ce dispositif constitutionnel qui empêchait son gouvernement d’emprunter chaque année plus de 0,35 % du produit intérieur brut. Puis il a lancé un méga fonds de 500 milliards d’euros pour remettre à niveau les infrastructures du pays, très dégradées. En outre, il prévoit d’allouer 650 milliards d’euros sur la période 2025-2029 pour financer le réarmement accéléré de la Bundeswehr.

« Automne des réformes »

Les chiffres donnent le tournis mais attention : la débauche de dépenses nouvelles ne sera soutenable que si des réformes audacieuses viennent reconfigurer l’Etat et notamment ses dépenses sociales. Autrement, le coup de fouet donné à l’économie ne sera que passager. Merz en est conscient. La protection sociale « n’est plus finançable dans sa forme actuelle », a-t-il averti. Il cible les retraités, de plus en plus nombreux dans un pays où les gros bataillons des baby-boomers quittent peu à peu la population active. Il entend aussi accroître l’attractivité du travail en limitant le revenu minimum citoyen (Bürgergeld). Le chancelier a annoncé un « automne des réformes », qui reste à concrétiser s’il ne veut pas devoir affronter un hiver des déceptions. Il ne lui sera pas aisé de surmonter les réticences de son partenaire de coalition, le Parti social-démocrate (SPD), très attaché aux vaches sacrées de la protection sociale.

Il faut souhaiter le succès de Merz pourtant, car le redémarrage durable de l’économie allemande est une condition nécessaire à la revitalisation de l’Europe. Le chancelier est déterminé à inventer un nouveau modèle économique et sécuritaire pour son pays. D’un côté, il crée les conditions d’un retour de la croissance. De l’autre, il construit « l’armée conventionnelle la plus forte d’Europe » incluant le retour programmé du service militaire (pour l’instant, sur une base volontaire), 14 ans après son abolition.

Depuis l’ère Gerhard Schröder (1998-2005), jamais un chancelier n’avait été aussi entreprenant pour réformer l’Allemagne. Friedrich Merz a compris que les rapports de force géopolitiques avaient changé et qu’il fallait s’adapter, car ce n’est qu’avec une économie qui fonctionne et des dépenses publiques maîtrisées qu’on peut peser dans un monde de plus en plus brutal. A l’inverse, on mine sa crédibilité sur la scène internationale en ne faisant pas chez soi les réformes nécessaires. Emmanuel Macron devrait le méditer : combien de temps peut-on rester influent et efficace à l’extérieur, tout en étant impuissant à domicile ?



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Author : Luc de Barochez

Publish date : 2025-09-29 10:00:00

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