Quand il arrive à Matignon, Sébastien Lecornu a une priorité – parmi beaucoup d’autres ! Le Normand veut mieux organiser le socle commun, réfléchit même à lui donner un nouveau nom. Bien sûr, il n’est pas chef de la majorité. Pour cela, comme disait l’autre, il faudrait qu’il soit un chef, il faudrait qu’il y ait une majorité. Bien sûr, il n’entend pas, tout ministre de la Défense qu’il ait été et qu’il est alors encore, transformer ce socle en « caserne ». Au moins veut-il que ce soit « bien rangé chez nous ». A défaut, comment négocier avec les oppositions ? Il a observé l’œuvre de ses deux prédécesseurs, Michel Barnier et François Bayrou. Trop d’erreurs de méthodes auraient entaché leur parcours.
Patatras. La nomination du gouvernement, dimanche, est censée servir de leurre, mais elle ne trompe personne. Certes, il s’est trouvé Naïma Moutchou ou Mathieu Lefèvre pour répondre présent et accepter de devenir qui ministre de la Fonction publique, qui ministre du Parlement. Mais flotte un parfum de reconduction dans l’air, loin de la rupture promise par Sébastien Lecornu. « Il y a des ministres qui ont été censurés deux fois. C’est absolument insensé », lâche un pilier Renaissance. « La composition du Gouvernement ne reflète pas la rupture promise. Devant la situation politique créée par cette annonce, je convoque demain matin le comité stratégique des Républicains », a annoncé ce dimanche sur X Bruno Retailleau, reconduit à l’Intérieur, après la salve de critiques contre le nouvel éxecutif.
« L’effet BLM », note un fidèle du Vendéen. Le retour – à la Défense – de l’ancien ministre de l’Economie hérisse la droite. : « Ça fait du bien de s’arrêter même si ce n’est pas évident, confiait pourtant Bruno Le Maire cet été. Je ne regarde plus ce qui se passe dans le zoo politique. » Autour de Bruno Retailleau, on évoque en outre un « resseremment » incongru de l’équipe gouvernementale autour de Renaissance.
« On risque la tournée de trop »
Les nominations font vriller le socle commun. Il tanguait déjà avant. Entre doutes sur la stratégie du Premier ministre et craintes de renoncements idéologiques, tout un attelage tremble sur ses frêles fondations. Il y a d’abord cette fissure à droite. Ce dimanche 4 octobre, Bruno Retailleau convoque les parlementaires pour décider de la participation au gouvernement. Le locataire de Beauvau souhaite rester à bord au nom de la « responsabilité », comme le président du Sénat Gérard Larcher ou l’eurodéputé François-Xavier Bellamy.
La droite alignée ? Non, un irréductible député fait entendre une voix dissonante. « Participer, c’est cautionner. Les conditions ne sont pas réunies pour une participation », lance le président du groupe LR Laurent Wauquiez, étrillant le courrier programmatique adressé par Sébastien Lecornu au socle commun, truffé de « banalités ». L’ancien patron de LR, rival de Bruno Retailleau, est minoritaire. Une « participation exigeante » est décidée à l’issue de la réunion. « Wauquiez, c’est vraiment un petit caillou parmi 35 autres de Lecornu », relativise un interlocuteur régulier du Premier ministre. Cela fait tout de même désordre. D’autant que la droite doute, travaillée par le même dilemme. Quand commence la dilution dans le macronisme ? Quand l’exercice du pouvoir devient-il néfaste ? « On risque la tournée de trop », note un fidèle de Bruno Retailleau.
« Tout le monde y va à reculons »
Le doute gagne des contrées inattendues. Le samedi 4 octobre, le chef de file des députés MoDem Marc Fesneau se fend d’un courrier au Premier ministre pour demander une « clarification » sur le fond, lassé d’être « la variable d’ajustement de négociations avec la Droite républicaine ou le Parti socialiste ». Le lendemain, il calme le jeu.
Et voilà que l’UDI et Horizons organisent dimanche des réunions internes pour évoquer la situation politique. Il y a du doute dans l’air. « Tout le monde y va à reculons », admet un cadre Horizons. Les ambiguïtés programmatiques de Sébastien Lecornu, conjuguées à son renoncement à l’article 49.3 pour faire adopter le budget, nourrissent les inquiétudes. On s’interroge sur la copie budgétaire du Premier ministre, comme sur son dépeçage dans une Assemblée émiettée. « Mince, mais on fout quoi là-dedans ? », se sont amusés ce week-end deux présidents de groupe du socle commun. L’esprit de responsabilité lie les mains de ces formations. « C’est compliqué de donner le premier coup de couteau, mais tout le monde se regarde en disant que c’est la galère », lâche un cadre du bloc central. Bruno Retailleau a sorti ce dimanche l’épée de son fourreau.
Au moins eux se tiennent à carreau. Sages comme une image, les députés Renaissance se gardent de toutes remontrances publiques envers le Premier ministre. Gabriel Attal est la troisième personne (après François Bayrou et Gérard Larcher) que Sébastien Lecornu a appelée dans la foulée de sa nomination. Il a eu l’occasion de le dire au nouveau Premier ministre : « On ne sera pas les emmerdeurs ! » Il sait combien ses critiques envers Michel Barnier lui ont coûté dans l’opinion. Cela n’empêche pas les doutes. Il n’a pas compris qu’Emmanuel Macron choisisse le Normand : nommer le plus proche de ses ministres alors que l’objectif est d’empêcher la censure du PS, quelque chose lui a échappé dans le raisonnement.
« Cela va coûter encore plus cher »
A Renaissance, on redoute maintenant autre chose : puisque ce gouvernement ressemble à s’y méprendre au précédent, il incarnera difficilement la rupture. « Du coup, cela va coûter encore plus cher pour le budget ! », redoute un proche d’Attal. Sans garantie que cela n’attendrisse les oppositions. Marine Le Pen étrille ce dimanche un nouveau gouvernement « pathétique », Olivier Faure menace de censure dans Le Parisien « si la donne ne change pas ». Ce petit monde est interdépendant. « J’ai l’impression que le PS cherche toutes les raisons de censurer et parallèlement le sentiment que le RN censurera si le PS censure », lâche un cadre Renaissance.
Les frictions du socle commun ne font pas baisser la température. Janvier 2024. Gabriel Attal vient d’être nommé Premier ministre, les centristes s’interrogent. Avec leur méthode habituelle : un interminable dîner plutôt qu’une réunion. François Bayrou met les pieds dans le plat : « On est d’accord sur rien ! » Marc Fesneau lui répond : « Dans ce cas, il faut sortir. » Le Béarnais ne va pas jusque-là. C’est alors que Jean-Louis Bourlanges lance l’une de ces formules dont il a le secret : « Tu es en train d’inventer la participation sans le soutien ! » Un an et demi a passé, le gouvernement Lecornu est maintenant nommé et en attendant le sort de la censure la semaine prochaine, voici l’ensemble du socle commun à la même – et peu glorieuse – enseigne : celle de la participation sans le soutien.
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Author : Paul Chaulet, Eric Mandonnet
Publish date : 2025-10-05 18:33:00
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