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En France, face au désintérêt pour la pilule, les stérilets pullulent

En France, face au désintérêt pour la pilule, les stérilets pullulent

Entre 2012 et 2022, l’utilisation des contraceptifs oraux combinés (COC), c’est-à-dire les pilules de 3e et 4e génération, a chuté d’un tiers en France. En 2012, ces pilules associant des œstrogènes et de la progestérone étaient plébiscitées par les Françaises. Et de très loin : 54 % d’entre elles avaient choisi ce moyen de contraception. En 2022, elles n’étaient plus que 35 %.

Des chercheurs de l’EPI-PHARE (épidémiologie des produits de santé) y ont consacré une étude, intitulée « Contraceptive use in France in 2012 and 2022 : a descriptive analysis of two repeated nationwide cross-sectional studies » [NDLR : utilisation des contraceptifs en France en 2012 et 2022 : analyse descriptive de deux études transversales nationales répétées], publiée dans la revue The Lancet.

En guise de remplacement aux COC, d’autres contraceptions se sont imposées, dont les méthodes dites « microdosées » ou sans hormones qui jouissent d’une popularité croissante. Parmi les causes de ce changement de comportement : la crainte grandissante des dangers associés à la contraception hormonale, tels que des risques cardiovasculaires et thromboemboliques.

La crise de la pilule

Mais alors d’où vient ce désamour pour les contraceptifs oraux combinés ? Le 14 décembre 2012, Le Monde titrait « Alerte sur la pilule ». La foudre s’abat sur les laboratoires fabricants de contraception : c’est le scandale Diane 35. Ce jour d’hiver, les Français découvrent que Marion Larat, une étudiante bordelaise, a été victime de la pilule de troisième génération. Alors âgée de 18 ans, elle est frappée par un accident vasculaire cérébral massif dont elle garde de lourdes séquelles. Huit ans plus tard, handicapée à 65 %, elle porte plainte contre Bayer Santé. L’affaire prend une dimension publique. Dans les semaines qui suivent, pour répondre à la polémique, le ministère de la Santé retire Diane 35 du marché – finalement réintroduite un an plus tard – et avance la date du déremboursement des pilules de troisième et quatrième génération.

Quant au directeur de l’agence nationale du médicament, il annonce le 1er janvier souhaiter que les contraceptifs oraux combinés deviennent une solution de deuxième recours, réservée aux « patientes qui ne supporteraient pas ou auraient une contre-indication aux pilules de première ou deuxième génération ». Une vision qui n’a rien d’une innovation : la Haute Autorité de santé recommandait depuis 2007 de proposer ces pilules seulement en cas de mauvaise tolérance d’un contraceptif de génération antérieure.

Depuis, plus de 100 femmes ont déposé plainte contre des fabricants de pilule.

Moins dosées, plus aimées

Si la pilule reste la contraception la plus utilisée dans la population générale, les Françaises se sont progressivement détournées de certaines catégories, notamment celles de troisième et quatrième génération qui, en plus des risques qu’elles présentent, ne sont pas remboursées. Au contraire, les pilules microprogestatives (POP), dites pilules de deuxième génération, qui sont composées d’une unique hormone – un progestatif – connaîssent un succès grandissant. Ce contraceptif comporte, d’une part, moins de risques pour la santé et peut être utilisé en cas d’antécédents de thrombose, et d’autre part est remboursé.

Dans la population générale, le recours à la pilule de deuxième génération a quasiment doublé en dix ans, passant de 10 % en 2012 à 19,2 % en 2022. Parmi les patientes âgées de 15 à 19 ans, les plus grandes consommatrices de contraceptifs oraux combinés, la part de pilule microprogestative est passée de 3,2 % à 11,9 % sur cette même période. Cette forme de contraception a même dépassé les pilules de troisième et quatrième génération dans la tranche d’âge 40-49, plus exposée aux risques cardiovasculaires et thromboemboliques.

Le stérilet au cuivre a la cote

Malgré la progression des pilules microprogestatives, les femmes françaises sont de plus en plus nombreuses à préférer les options sans hormones comme le stérilet. Entre 2012 et 2022, son utilisation a doublé, passant de 11,9 % à 22,1 %. Les femmes de 30 à 39 ans sont les plus concernées par ce changement : 14,8 % des femmes y avaient recours en 2012, contre 29,5 % des femmes en 2022, faisant du stérilet en cuivre la contraception désormais dominante dans cette tranche d’âge. Ces femmes s’orientent vers cette méthode car elles sont plus susceptibles de préférer les sages-femmes aux gynécologues, probablement familiarisées à cette alternative après une grossesse. Or, les sages-femmes « prescrivent depuis longtemps des DIU au cuivre après l’accouchement […] et ont joué un rôle déterminant dans l’augmentation de l’utilisation de cette contraception ».

La pose du stérilet en cuivre a drastiquement augmenté parmi les femmes âgées de 20 à 29 ans. En 2012, cette méthode était particulièrement minoritaire dans cette tranche d’âge : seules 4,1 % y avaient recours contre 15,3 % en 2022. Une augmentation qui peut s’expliquer par le fait que les médecins ont plus de facilité aujourd’hui à prescrire cette contraception aux femmes sans enfant qu’il y a quelques années. Pourtant, il n’a jamais existé une contre-indication liée à l’âge pour la pose d’un stérilet. Dans une étude pour la revue Population & Société intitulée « La crise de la pilule en France : vers un nouveau modèle contraceptif ? », un collectif de chercheurs note que « la réticence des médecins français à ne pas le proposer aux femmes jeunes ou sans enfant semble pour la première fois avoir diminué, en partie grâce à une demande des femmes elles-mêmes ». Et les chercheurs d’abonder dans ce sens.

Quant au stérilet hormonal, malgré l’arrivée de deux nouveaux dispositifs sur le marché, il est loin de bénéficier de la même popularité que son cousin au cuivre. Sur la période étudiée, son utilisation a même diminué dans la population générale. Selon les chercheurs de l’EPI-PHARE, ce constat peut s’expliquer par le fait que « la crise de la pilule a alimenté une crainte des hormones généralisée qui a affecté les DIU hormonaux ».

Des disparités socio-spatiales

Toutefois, le désintérêt pour la contraception hormonale affecte différemment les classes sociales et les espaces géographiques. Les chercheurs de l’EPI-PHARE notent que l’utilisation du stérilet en cuivre n’a augmenté que chez les femmes au statut socio-économique plus élevé. Pour expliquer ce phénomène, les chercheurs estiment qu' »à la suite de la crise de la pilule, les femmes ayant un statut socio-économique plus élevé ont peut-être été plus conscientes des risques associés aux pilules de troisième et quatrième génération et plus disposées à passer à des méthodes sans hormones. »

Autre fait notable, les femmes ayant choisi le stérilet (hormonal ou au cuivre) vivaient dans les lieux les moins défavorisés. Cet indice, dit de « défavorisation sociale », est utilisé dans de nombreuses études scientifiques. Il se base sur quatre critères : le revenu médian par unité de consommation dans le ménage, le pourcentage de bacheliers dans la population de plus de 15 ans, le pourcentage d’ouvriers dans la population active et le taux de chômage. Sur la base de cet indicateur, les chercheurs ont pu constater que les femmes ayant recours à la stérilisation ou à l’implant (dispositif inséré dans le bras qui libère des hormones) vivaient dans les lieux les plus désavantagés socialement. Quant aux injections de contraception, elles sont majoritairement utilisées par les femmes immigrées et dans les premières années qui suivent leur arrivée, « un groupe très vulnérable sur le plan économique ».



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Publish date : 2025-10-22 16:07:00

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