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Maria Helena Vieira da Silva : l’exploratrice de l’espace illumine le Guggenheim de Bilbao

Maria Helena Vieira da Silva : l’exploratrice de l’espace illumine le Guggenheim de Bilbao


Sans Arpad, rien, peut-être, n’aurait été possible. « Tout cela est très mystérieux. Notre vie a été merveilleuse. Tout le monde est surpris ! Deux peintres qui s’aiment et qui ont passé toute leur vie ensemble. » C’est ainsi que, la maturité venue, Maria Helena Vieira da Silva (1908-1992) décrit sa relation au long cours avec Arpad Szenes. Venue à Paris pour perfectionner son apprentissage à l’école des Beaux-Arts de Lisbonne, la jeune Portugaise a croisé le peintre hongrois à l’Académie de la Grande Chaumière en 1928 puis épousé deux ans plus tard ce natif de Bucarest de onze ans son aîné.

Il est dilettante, elle vit pour son art, mais loin d’en prendre ombrage, Szenes n’aura de cesse de célébrer, dans les nombreux portraits qu’il fait d’elle, le dévouement absolu de sa femme à la peinture. Jusqu’à la mort d’Arpad, en 1985, ils formeront l’un des couples artistiques emblématiques de la capitale française, comme le rappelle la commissaire Flavia Frigeri en ouverture de l’exposition Maria Helena da Silva. Anatomie de l’espace, présentée au musée Guggenheim de Bilbao (Espagne) jusqu’au 22 février.

Un croisement alambiqué de réseaux

L’idée d’espace constitue en effet le nerf central du travail de l’artiste lisboète. Tout au long de sa carrière, elle en explore inlassablement les recoins, les liens, les lignes, les plans qu’elle traduit sur la toile par un croisement alambiqué de réseaux et de mosaïques colorés. Entre représentation et abstraction, paysages urbains réels ou imaginaires, ses compositions labyrinthiques aux perspectives fragmentées parlent de temps, de mémoire, des mutations que la ville connaît au XXe siècle. Elles assoiront sa renommée dans le monde entier dès la fin des années 1950. Même, si, comme le souligne Flavia Frigeri, ses tableaux les plus frappants ne sont pas réalisés à Paris, où elle a vécu la plus grande partie de sa vie, mais à Rio de Janeiro, où Maria Helena et Arpad, qui a des origines juives, trouvent refuge pendant la Seconde Guerre mondiale pour fuir la répression nazie. Au Brésil, loin des siens, elle dépeint « une humanité plongée dans la tragédie, reflétant sa souffrance face au chaos qui agite l’Europe ».

Vieira da Silva, « Le Couloir » ou « Intérieur » (1948).

Initiée aux mouvements d’avant-garde, comme le cubisme et le futurisme, au cours de sa formation, qui la voit notamment suivre les cours de Fernand Léger, Vieira da Silva a toujours refusé d’être rattachée à un courant artistique. Elle a très tôt cherché à élaborer un langage pictural qui lui soit propre – et, de fait, le sien reste unique dans l’histoire de l’art -, même si des influences, des images, ont nourri son travail. Ainsi, sa découverte, éblouie, en 1931, du Pont transbordeur sur le Vieux-Port et de ses câbles obliques suspendus lui inspire Marseille blanc, où elle peint un échafaudage en bois adossé à un bâtiment, qui marque la première étape clé de son œuvre « spatiale ».

Il y aura aussi Cézanne et ses Joueurs de carte, Bonnard et ses nappes à carreaux, ou encore, remontant à l’enfance, les azulejos de sa terre natale que rappellent ses enchevêtrements de losanges. Ce melting-pot, elle l’a expliqué à sa façon : « Je sens qu’il y a en moi une certaine intelligence plastique qui est peut-être plus forte que d’autres traits de ma nature ».



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Author : Letizia Dannery

Publish date : 2025-11-15 10:00:00

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