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Des gélules « d’air brassé par les abeilles » contre la ménopause ? Les étonnantes promesses « nutrition » de Naturalia

Des gélules « d’air brassé par les abeilles » contre la ménopause ? Les étonnantes promesses « nutrition » de Naturalia


Un couple s’enlace, et, juste un peu plus loin, des jeunes se chamaillent en attendant la rame. Une femme drapée d’un long manteau de laine descend les escaliers qui mènent au quai. C’est elle qui remarque les affiches en premier. Parce qu’elle n’est pas sur son téléphone, et peut-être aussi parce qu’elle a l’âge d’être concernée, elle est la seule à réaliser ce qu’elle regarde.

En face d’elle, sur les carreaux blancs du métro parisien, trônent deux mots, en gras, à la police si grande qu’ils s’étendent d’un bout à l’autre de l’encart publicitaire. Deux mots que l’on a peu l’habitude de rencontrer et qui, étirés comme ça, sur trois mètres et en majuscules, semblent crier leur contenu – « SÉCHERESSE VAGINALE » – à tous les voyageurs qui le voient. En le lisant, l’usagère hausse les sourcils, puis se met à sourire.

Comme à cette station – République – les affiches de ce type se sont multipliées des couloirs du métro parisien ces derniers jours. Un peu plus loin, à Saint-Lazare, les murs hurlent « SUEURS NOCTURNES », ou encore « BOUFFÉES DE CHALEUR ». Parfois, les trois versions sont alignées, on ne voit qu’elles en sortant du train. En bas figure le logo de l’enseigne parisienne Naturalia, spécialisée dans l’agriculture biologique.

Une « prise de position »…

En placardant ainsi les maux de la ménopause, la marque se revendique « la première à parler ouvertement » de ce sujet. Une « prise de position » pour « briser le tabou » sur cette période de la vie des femmes parfois très incommodante, dit-elle. Des projections, des débats, ou des happenings sont également organisés, comme cette course de 8 kilomètres, le 18 octobre, avec ces mêmes symptômes inscrits au dos des coureurs.

Un geste qui n’est évidemment pas désintéressé : chaque tract distribué dans les conférences et projections organisées dans le cadre de cette campagne invite à passer en boutique. La marque, qui voit dans la ménopause un sujet « d’alimentation », propose plus d’une centaine de produits et de compléments alimentaires pour « aider à se sentir mieux » au moment de l’arrêt des menstruations.

Une initiative loin d’être isolée : portées par les collectifs féministes et plus récemment par Emmanuel Macron, les récentes prises de conscience sur cette affection ont provoqué un raz-de-marée sur les réseaux sociaux. Depuis quelques mois, les contenus explosent sur Internet, tout comme les recherches sur Google, en hausse de plus de 71 % depuis l’année dernière, selon une étude du cabinet Converteo, menée en France, en Italie et aux Etats-Unis.

… qui redirige en boutique

Selon les conseils charriés en ligne, pour tempérer les réactions du corps durant ce bouleversement hormonal, il faudrait notamment adapter son régime alimentaire. Une idée si ancrée qu’elle en est devenue un filon marketing. Aliments, repas, gélules et même crèmes intimes… De nombreux produits sont estampillés « ménopause », et de plus en plus de marques arborent leurs préconisations maison, comme ces « règles hygiéno-diététiques » édictées par la mutuelle MGEN.

Photo postée sur le compte LinkedIn de Naturalia

Acculée par de mauvais résultats, l’entreprise de régime Weight Watchers y a même vu un moyen de se relancer. Elle a annoncé cet été des repas spécifiques, « conçus par des experts », avec des « conseils personnalisés », et des ateliers. De quoi « perdre du poids », bien sûr, mais aussi « soulager les symptômes » et « booster le bien-être », pour la modique somme de 21 euros par mois. Sur son site Internet, les témoignages rapportés peuvent impressionner. « J’avais des sueurs nocturnes, des troubles de concentration, des palpitations… Tous ces symptômes […] se sont améliorés grâce à Weight Watchers », indique ainsi une certaine Kemberly, « -23 kilogrammes ».

Si le concept n’a pas suffi à sauver l’entreprise, désormais en faillite, l’effervescence autour de ces produits contribue à répandre l’idée que l’alimentation est centrale pour passer la ménopause. Notamment dans le cas où les troubles sont sévères – un phénomène qui touche 20 à 25 % des femmes selon le rapport parlementaire Rist, remis au début de l’année.

Les os, le cœur et les vaisseaux se fragilisent

Qu’en est-il réellement ? La nourriture peut-elle être remède efficace (et suffisant) aux changements de la ménopause ? Pour le savoir, L’Express a épluché la littérature scientifique, et consulté plusieurs spécialistes. Tous s’accordent à dire que veiller à son alimentation est important : « La ménopause est une période charnière du vieillissement et particulièrement à risque pour la santé. C’est une bonne idée de se préoccuper de ses repas, même s’il faudrait le faire à tout âge », indique Sandrine Frantz, gynécologue au CHU de Bordeaux.

A l’hôpital, cette médecin responsable de service prend régulièrement en charge les femmes les plus touchées, atteintes des mêmes maux que ceux affichés dans les couloirs du métro, mais aussi d’insomnies, de problèmes d’humeur, d’une grande fatigue ou encore douleurs articulaires. A la fin de chaque consultation, elle rappelle les bases : manger équilibré, varié, et sans excès. Le régime méditerranéen en somme, à quelques exceptions près.

A la ménopause, la carence hormonale provoquée par l’arrêt des menstruations perturbe le métabolisme. Les os, le cœur et les vaisseaux se fragilisent plus vite. Certaines femmes prennent du poids, voire développent du diabète. Pour les femmes ménopausées, un régime particulièrement riche en calcium, en protéines, en fibres, et pauvre en sucre, en sel et en produits transformés peut aider à tenir à distance ces affections, selon les spécialistes.

La plupart du temps, l’apport dans l’assiette suffit. Mais, en cas de carence, même avec un yaourt par repas, il est possible d’envisager de prendre du calcium en poudre. Idem pour la vitamine D, qui sert à le fixer sur les os. A ce sujet, le petit livret de conseils offert par Naturalia ne peut que réjouir les experts, puisqu’il rappelle ce type de recommandations, alors qu’en ligne, des influenceurs enjoignent parfois d’éviter les yaourts, pour ne pas grossir.

Des gélules « d’air »

La suite se gâte. Pour chaque symptôme, ou presque, Naturalia recommande des poudres et extraits de plantes, de la sauge, de la maca, des oméga 3. Ces produits, comme le reste des compléments alimentaires sur le marché, n’ont pas fait leurs preuves. Ils sont, de fait, considérés comme inutiles par les spécialistes. Tout comme cette crème « intime » à base de mélisse et de propolis, des ingrédients qui n’ont jamais résolu la sécheresse vaginale.

Dans ces mêmes livrets, l’enseigne va jusqu’à préconiser des préparations homéopathiques à base « d’air brassé par le vol d’abeilles dans un pot » (sic), puis dilué dans de l’eau. Des gélules d’air contre la ménopause vendues 21,90 euros le pot, il fallait oser. Commentaire d’une cliente sur le site du fabricant, Ballot Flurin : « Pour le moment je ne vois pas d’amélioration. » Elle a pourtant décidé de continuer.

Éviter le café, les épices, l’alcool, comme indiqué est en revanche recommandé. En agissant sur la température, ces aliments peuvent aggraver les bouffées de chaleur. Mais contrairement à ce qui est parfois insinué, changer de régime ne peut pas « soigner ». « Si les troubles sont importants, un seul type de remède a fait ses preuves : les traitements hormonaux », indique le Pr Jean-Michel Lecerf, médecin nutritionniste à l’Institut Pasteur de Lille, auteur de plusieurs revues de littérature sur le sujet.

Enfin, les experts conseillent d’éviter les restrictions caloriques. Elles ne sont pas tenables sur la durée et peuvent engendrer des prises de poids plus importantes. Qui plus est, si elles ne sont pas supervisées, elles peuvent aggraver certaines carences. Suivre les repas proposés par les marques de régimes peut être un bon moyen de se simplifier la vie. A condition toutefois de s’assurer que le prestataire suive les recommandations en vigueur. Contactée, l’enseigne Naturalia n’a pas donné suite.



Source link : https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sante/la-nourriture-un-remede-aux-symptomes-de-la-menopause-ce-que-valent-vraiment-les-arguments-des-NUUABDWC3VEXJG365TEEGGCX6M/

Author : Antoine Beau

Publish date : 2025-11-15 15:00:00

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