En plus d’offrir à Mohammed ben Salmane, « MBS », une spectaculaire réhabilitation diplomatique assortie d’importants accords dans la défense et l’énergie, Donald Trump a défendu avec vigueur mardi 18 novembre le prince héritier saoudien concernant l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018.
« Vous parlez d’une personne extrêmement controversée. Beaucoup de gens n’aimaient pas ce monsieur dont vous parlez. Que vous l’aimiez ou pas, des choses se sont produites », a lancé le républicain de 79 ans en réponse à une question d’une journaliste de la chaîne ABC sur Jamal Khashoggi, ancien chroniqueur du Washington Post. Mohammed ben Salmane « n’était au courant de rien », a ensuite affirmé Donald Trump, qui s’en est pris violemment à la journaliste qui posait la question. Il l’a accusée, pendant un échange dans le bureau Ovale en compagnie du prince héritier, de chercher à « embarrasser » celui qu’il qualifie de « très bon ami ». « Vous n’avez pas besoin de mettre notre invité dans l’embarras en lui posant une telle question », a-t-il ajouté.
Reçu avec une garde à cheval, des coups de canon et un survol d’avions de combat, le dirigeant de facto du royaume saoudien a même eu droit aux louanges du président américain pour son bilan « incroyable en matière de droits humains. »
Un rapport accusateur de la CIA
Des « déformations » de la réalité qui « sont en contradiction avec les faits et sont indignes de la fonction présidentielle », selon un éditorial du Washington Post ce mercredi.
Résidant aux Etats-Unis, critique du pouvoir saoudien après en avoir été proche, Jamal Khashoggi a été tué en 2018 dans le consulat saoudien à Istanbul par des agents venus d’Arabie saoudite, comprenant des membres de la sécurité personnelle de Mohammed ben Salmane. Son corps a été démembré par ces agents et n’a jamais été retrouvé.
Si aucune preuve directe de l’implication de Mohammed ben Salmane n’a jamais été publiée, la CIA avait conclu en 2018, dans un rapport déclassifié trois ans plus tard, qu’il avait bel et bien validé l’opération, ce qui a d’ailleurs quasiment gelé, pendant un temps, la relation de l’Arabie saoudite avec les Etats-Unis.
« Nous sommes parvenus à la conclusion que le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a validé une opération à Istanbul, en Turquie, pour capturer ou tuer le journaliste saoudien Jamal Khashoggi », écrit ainsi le renseignement américain dans un document de quatre pages, déclassifié en 2021 à la demande de l’ancien président Joe Biden alors que son prédécesseur Donald Trump l’avait gardé secret. Le rapport souligne que le jeune dirigeant disposait d’un « contrôle absolu » des services de renseignement et de sécurité, « rendant très improbable » une telle opération sans son « feu vert ». Il contient une liste d’une vingtaine de personnes impliquées dans l’opération, dont l’ex-numéro deux du renseignement saoudien Ahmed al-Assiri, proche de MBS, et l’ex-conseiller du prince Saoud al-Qahtani, tous deux blanchis par la justice de leur pays.
En 2018, le Wall Street Journal révélait par ailleurs que la CIA avait constaté que le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane avait envoyé « au moins 11 messages à son plus proche conseiller, qui supervisait l’équipe ayant assassiné le journaliste Jamal Khashoggi, dans les heures qui ont précédé et suivi la mort de ce dernier en octobre. » Il n’est pas fait mention de ces SMS dans le rapport déclassifié de la CIA. Le Washington Post, lui, écrivait en 2018 que « la CIA a examiné plusieurs sources de renseignements, notamment un appel téléphonique entre le frère du prince, Khalid ben Salmane, ambassadeur saoudien aux États-Unis, et Khashoggi », lors duquel l’ambassadeur aurait dit au journaliste qu’il devait se « rendre au consulat saoudien à Istanbul pour récupérer des documents » et qu’il ne courrait aucun danger. « On ne sait pas si Khalid savait que Khashoggi allait être tué », ajoutait alors le Washington Post.
« Une énorme erreur » selon Mohammed ben Salmane
Le Sénat des Etats-Unis, qui avait déjà eu accès aux conclusions du renseignement américain, avait aussi jugé dès 2018 que le prince était « responsable » du meurtre. Mais Mike Pompeo, alors secrétaire d’Etat de Donald Trump, avait lui affirmé que le rapport de la CIA ne contenait « aucun élément direct liant le prince héritier à l’ordre de tuer Jamal Khashoggi ».
Tout en niant la responsabilité du meurtre – la version de Riyad étant que les agents saoudiens ont agi seuls -, le prince hériter saoudien a de son côté répondu mardi à la journaliste d’ABC que « c’est douloureux et c’est une énorme erreur et nous faisons de notre mieux pour que cela n’arrive pas à nouveau ». « Nous avons amélioré notre système pour nous assurer que rien de tel ne se reproduise », a-t-il déclaré. Une réponse que le Washington Post considère dans son éditorial comme insuffisante mais « meilleure que celle de Donald Trump ».
La veuve de Jamal Khashoggi l’a ensuite interpellé : « Le prince héritier a dit qu’il était désolé, il devrait donc me rencontrer, me présenter ses excuses et m’indemniser pour le meurtre de mon mari », a écrit Hanan Elatr Khashoggi sur X. Comme le rappelait l’AFP en 2021, à l’issue d’un procès opaque en Arabie saoudite, cinq Saoudiens impliqués dans le meurtre ont été condamnés à mort et trois autres à des peines de prison – les peines capitales ont depuis été commuées.
Donald Trump n’a jamais voulu blâmer publiquement Mohammed ben Salmane, pour préserver l’alliance avec Riyad, pilier de sa stratégie anti-Iran, premier exportateur mondial de pétrole brut, et gros acheteur d’armes américaines. Hier, le prince saoudien a déclaré que son pays envisageait d’investir 1000 milliards de dollars dans l’économie américaine, ajoutant que les opportunités « se multipliaient de plus en plus ». Il a obtenu plusieurs faveurs du président des Etats-Unis, comme la désignation de l’Arabie saoudite comme « allié majeur non-membre de l’Otan », mais aussi la promesse d’une livraison « future » d’avions de combat F-35, d’une coopération renforcée dans le nucléaire civil, et d’un accès aux technologies américaines avancées en matière d’intelligence artificielle.
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Publish date : 2025-11-19 08:15:00
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