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« Ce n’est plus un phénomène marginal » : comment les stéréotypes masculinistes ralentissent la lutte contre le VIH

« Ce n’est plus un phénomène marginal » : comment les stéréotypes masculinistes ralentissent la lutte contre le VIH


Hélène Roger, la directrice des plaidoyers de l’association Sidaction, s’impatiente. « Il faut mettre en place rapidement les cours d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS). C’est un système qui permet de toucher tous les jeunes », défend-elle quelques jours après la publication de données inquiétantes par Santé Publique France. En 2023, plus de 900 jeunes de 15 à 24 ans ont découvert leur séropositivité au VIH ce qui correspond à une hausse de 41 % par rapport à 2014. Sur la même période, le nombre de découvertes a baissé de 15 % chez les 25-49 ans.

Cette augmentation s’explique en partie par la croissance massive du nombre de dépistages. Depuis le 1er janvier 2022, toute personne peut effectuer une sérologie VIH gratuite, sans ordonnance et sans rendez-vous dans tous les laboratoires de biologie médicale français. Mécaniquement, cette opération baptisée « VIH Test » a entraîné une forte augmentation du nombre de tests réalisés, notamment chez les jeunes. « Mais cela ne suffit pas à expliquer la hausse des sérologies positives chez les jeunes », d’après Hélène Roger, qui s’alarme de certains comportements favorisant les contaminations au VIH et aux infections sexuellement transmissibles en général. Un sondage Odoxa réalisé pour son association révèle par exemple qu’un quart des jeunes hommes de 16 à 34 ans pensent qu’une femme positive au VIH ou à une autre IST a trop de partenaires sexuels et 43 % pensent qu’une femme qui multiplie les partenaires « ne se respecte pas ». « Dans les rapports sociaux, ce type de préjugés découragent les femmes de se faire dépister, de peur d’un diagnostic positif », affirme la spécialiste. Et dans le même temps, les prises de risques s’accélèrent.

Cette même enquête, dévoilée à l’occasion de la 37e journée mondiale de lutte contre le VIH/sida qui a lieu le 1er décembre, comme chaque année, révèle une plus importante circulation de stéréotypes masculinistes qui découragent par exemple le port du préservatif. Un jeune homme de 16 à 34 ans sur six estime ainsi que le préservatif est une preuve de faiblesse et un sur trois dit que les femmes doivent respecter le fait de ne pas porter de préservatif lors d’un rapport sexuel. Ces proportions sont nettement inférieures chez leurs aînés : seulement 3 % des quinquagénaires interrogés associent le préservatif à une image de faiblesse.

Les 16-34 ans ont une image plus négative du préservatif que leurs aînés.

16 % des 16-34 ans jugent enfin qu’il est légitime qu’un homme puisse retirer son préservatif sans avertir son ou sa partenaire, si on le lui a imposé alors qu’il ne le voulait pas. Cette pratique appelée « stealthing » en anglais (furtivage en français) est régulièrement considérée comme une agression sexuelle et fait l’objet d’une criminalisation dans plusieurs pays européens comme l’Espagne ou les Pays-Bas. Dans d’autres pays comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne, aucune provision juridique n’a pour le moment été intégrée à la loi, mais plusieurs hommes ont été condamnés pour de telles pratiques.

Guerre de discours

L’essor de ces perceptions et de ces pratiques intervient dans un contexte où les discours masculinistes trouvent un écho grandissant auprès des jeunes – et tout particulièrement des jeunes hommes. Un quart des hommes de 16 à 34 ans interrogés par Odoxa expliquent que les discours de certains influenceurs comme Papacito, Thaïs d’Escufon ou Alex Hitchens les ont amenés à réfléchir différemment à l’usage du préservatif dans leurs relations sexuelles. Sur l’ensemble de l’échantillon, cette proportion n’est que de 11 %. « Un tiers des jeunes hommes consultent des contenus masculinistes et une personne sur cinq de manière régulière, souligne Hélène Roger de Sidaction, ce n’est plus un phénomène marginal. »

Depuis la rentrée 2025, l’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité (EVARS) a été inscrite au programme scolaire des collégiens et des lycéens, notamment pour alerter sur les comportements à risques du point de vue de la santé sexuelle. Trois séances annuelles, adaptées à l’âge des élèves, doivent désormais être dispensées chaque année.



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Author : Mathias Penguilly

Publish date : 2025-12-01 05:00:00

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