« Le moment où une émotion ou un fait est transformé en photographie, il cesse d’être un fait pour devenir une opinion », affirmait Richard Avedon. Le photographe, disparu en 2004, laisse un corpus fascinant, de sa vie dédiée à la mode, au sein du Harper’s Bazaar, de Vogue, de Look ou encore de Life, jusqu’à ses travaux au long cours, quand il s’intéresse aux thématiques culturelles, sociétales et politiques de son temps : activistes de la contre-culture, droits civiques dans le sud des Etats-Unis, victimes de la guerre du Vietnam. En 1985, la parution de son magnum opus, In the American West, crée la polémique outre-Atlantique, car il y brosse un portrait inédit des habitants de l’Ouest américain, à rebours des représentations du mythe glorieux associé à la région.
De 1979 à 1984, il a fait défiler devant son objectif plus de 1 000 personnes, mineurs, bouviers, forains, vendeurs, serveurs, détenus et passants posant, seuls ou en groupe, devant un fond blanc qui restitue de manière saisissante leurs postures et leurs expressions. Ce sont les 103 images qui figurent dans l’ouvrage, prochainement réédité en anglais par la maison Abrams, que présente la Fondation Henri-Cartier-Bresson, à Paris. Une occasion, rare, de revenir sur la carrière d’un portraitiste hors norme.
Richard Avedon est né à New York en 1923 dans une famille d’origine juive russe. Il s’initie dès l’enfance à la photographie avec le Rolleiflex offert son père, avant de s’engager, au cours de la Seconde Guerre mondiale, dans les forces armées, où il est assistant photographe au sein de la marine marchande. Son rôle, modeste, consiste à prendre des photos d’identité des jeunes recrues. A l’âge de 22 ans, il ouvre son propre studio et devient rapidement l’œil de référence du Harper’s Bazaar. Très vite, il se fascine pour le portrait, sa capacité à saisir la personnalité et l’âme de ses sujets. Marylin Monroe, les Beatles, Brigitte Bardot, Catherine Deneuve… Nombre d’icônes se voient immortalisées par ses soins. Dans les années 1980 et 1990, il collabore au magazine français Egoïste et au mythique New Yorker. Ses clichés gagnent en théâtralité, sa renommée grandit en même temps que ses images, remarquées pour leur format imposant comme pour leur minimalisme, qui voient le modèle, placé devant un fond immaculé, fixer l’objectif.
« Sandra Bennett, twelve year old, Rocky Ford, Colorado, August 23, 1980 ». Photographie de Richard Avedon
Le travail que Richard Avedon réalise dans l’Ouest américain au début des années 1980 compte parmi ses séries les plus emblématiques. Ces représentations de la classe ouvrière ouvrent de nouvelles perspectives au portrait photographique, changent la donne quant à la captation même du sujet. « Ses images sont rarement idéalisées, elles présentent le visage comme un paysage, avec une clarté absolue », souligne Clément Chéroux, directeur de la Fondation Henri-Cartier-Bresson et commissaire de l’exposition. C’est la première fois en Europe qu’est montrée l’intégralité des photographies figurant dans l’ouvrage In the American West. Accrochées dans l’ordre exact de leur parution originale, jusqu’à respecter les intervalles entre les images voulues par l’auteur, elles s’accompagnent de documents inédits : Polaroid préparatoires, tirages tests annotés de la main d’Avedon ou lettres – souvent émouvantes, parfois inattendues – échangées entre l’artiste et ses modèles. Derrière les clichés de ces laissés-pour-compte du Texas et du Montana se révèlent alors des histoires humaines aussi puissantes que singulières.
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Author : Letizia Dannery
Publish date : 2025-05-24 12:00:00
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