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Chute de la natalité : mais où sont passés nos bébés ? Par Eric Chol

Chute de la natalité : mais où sont passés nos bébés ? Par Eric Chol

Des berceaux et des cercueils. Voilà, en condensé, à quoi ressemble la démographie. Et entre ces deux bornes, l’incroyable histoire de l’humanité. Car l’étude des populations, loin de se résumer à de longues séries statistiques – encore faut-il en disposer — peut se lire comme la géographie du pouvoir. Avec des pays (une majorité) à la baisse, et quelques-uns à la hausse. Aristote, malthusien avant l’heure, affirmait qu’ »un grand Etat n’est pas la même chose qu’un Etat populeux ». Mais l’inverse est encore plus vrai. « La démographie, c’est le destin » aurait dit le philosophe Auguste Comte. La formule fait toujours mouche. Une population qui s’étiole, c’est un pays qui s’éteint à petit feu. On pourrait parler du Japon, de la Corée du Sud, de la Bulgarie. Ou de la Chine, encore récemment première puissance démographique mondiale. L’Empire du Milieu a beau avoir mis fin à la politique de l’enfant unique, ses maternités sont de plus en plus désertées. En 2024, on n’a compté que 9,5 millions de bébés chinois, contre 19 millions en 2016. Inquiet, Pékin ouvre en grand la manne des subventions pour chaque nouvelle naissance. Comme si l’argent suffisait à redresser un taux de fécondité…

La France, elle aussi, a du souci à se faire. Longtemps perçue comme une exception dans le grand hiver démographique européen, elle n’échappe plus au décrochage. Avec même un certain dynamisme dans sa chute, puisque son taux de fécondité s’établit désormais à 1,62 enfant par femme. En 2027, le nombre de décès va dépasser celui des naissances. Les causes sont multiples : infertilité, difficulté des modes de garde, crise du logement, anxiété de l’époque… Sans que l’on sache vraiment pourquoi les jeunes générations procréent moins que leurs aînées.

A ce rythme, c’est le continent européen qui est menacé : selon Eurostat, sa population va diminuer de 108 millions d’habitants d’ici à 2080. Finie l’Europe ? Vive les Etats-Unis ! Certes, à côté des usines à bébés (Inde, Afrique), le pays de Donald Trump demeure un Petit Poucet. Mais une puissance qui continue à croître : après la barre des 300 millions d’habitants au début des années 2000, les Etats-Unis devraient franchir le cap des 400 millions avant 2050. Grâce notamment à l’immigration, corde de rappel des pays à la natalité chancelante.

On ne saura jamais, faute de données précises, si la Grèce ou l’Empire romain ont succombé à cause de leurs faiblesses démographiques. Mais ce qui est certain, c’est que leurs dirigeants prêtaient déjà une grande attention au sujet. L’historien Polybe écrivait au IIe siècle avant notre ère : « La Grèce entière souffre d’un arrêt de procréation et d’une disette d’hommes telle que les villes sont dépeuplées parce que les hommes de l’époque, aimant le luxe, l’argent, et aussi la paresse, ne veulent plus se marier, ou s’ils se marient, élever une famille, et qu’ils consentent tout au plus à avoir un ou deux enfants pour les laisser riches et les nourrir dans le luxe » (Polybe XXXVIII, 4, cité par Jean Bérard, Population, 1947). Comme si la démographie pouvait se résumer à une question de morale…



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Author : Eric Chol

Publish date : 2025-07-09 10:15:00

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