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Bertrand Merveille : « Notre épargne est progressivement placée sous influence américaine »

Bertrand Merveille : « Notre épargne est progressivement placée sous influence américaine »

Fondée en 2005 par Hughes Beuzelin, BDL Capital Management est une société de gestion indépendante spécialisée dans les actions. Vingt ans plus tard, elle approche les 3 milliards d’euros d’encours et cherche à élargir sa clientèle aux particuliers, notamment via son fonds historique, BDL Rempart. Son directeur général, Bertrand Merveille, dresse un état des lieux du marché de l’épargne.

L’Express : Pourquoi vous tournez-vous vers les investisseurs particuliers ?

Bertrand Merveille : A l’origine dédiée aux clients institutionnels, la société s’est progressivement ouverte aux particuliers, via la banque privée et les conseillers en gestion de patrimoine. Il y a un réel besoin car les épargnants restent sous-investis en actions. C’est dommageable pour eux – la performance de leur épargne en pâtit – mais aussi pour l’économie. Si l’épargne de notre pays ne finance pas l’économie réelle, d’autres s’en chargent. C’est une perte de souveraineté.

Que voulez-vous dire par là ?

Depuis la crise de 2008, de nombreuses normes ont été créées pour mieux encadrer le secteur financier. C’est compréhensible, mais aucune évaluation globale de leur efficacité n’a été menée. Résultat : nous avons abouti à un excès de normes qui freine l’investissement. Il y a une prise de conscience aujourd’hui, mais encore peu d’actions concrètes. Or, si rien ne change, nous perdrons une chance de retrouver notre indépendance financière.

Quelles en sont les conséquences ?

Notre épargne et notre économie sont progressivement placées sous influence américaine ! De grandes entreprises françaises comme Saint-Gobain, BNP Paribas ou TotalEnergies voient leur actionnariat basculer vers les Etats-Unis. Cela peut influer sur leurs décisions, moins centrées sur l’Europe. Ce phénomène est accentué par l’influence croissante des agences en conseil de vote, qui guident les investisseurs professionnels, toutes américaines.

Que faut-il faire ?

Il faut un moratoire sur la réglementation dans le secteur financier. Le cadre existant est suffisant. Toute nouvelle mesure devrait faire l’objet d’une évaluation indépendante en tenant compte de son impact sur l’épargnant et l’économie. Il conviendrait, en outre, de procéder à une réelle simplification de la réglementation existante.

Que pensez-vous de la création du label Finance Europe, qui doit favoriser les produits d’épargne de long terme ?

En Europe, les initiatives sont nombreuses mais souvent peu concrètes. Un label ne suffit pas : il faut une approche transversale, plus pragmatique, et rompre avec certains dogmes. Par exemple, au lieu de vouloir systématiquement baisser le prix des produits d’épargne dans le cadre de la Retail Investment Strategy [NDLR : un texte européen en discussion visant à renforcer la protection des consommateurs afin d’accroître leur participation aux marchés de capitaux], il faudrait d’abord agir sur leurs coûts de production.

L’Union des droites pour la République, menée par Eric Ciotti, souhaite améliorer l’attractivité du plan d’épargne en actions (PEA). Qu’en pensez-vous ?

Nous sommes favorables à toute proposition visant à orienter les capitaux vers l’économie réelle, les actions et le PEA, qui est un outil formidable et un véritable paradis fiscal. A condition de s’atteler aussi à certains détournements. Ainsi, l’ingénierie financière permet de rendre éligible au PEA des fonds d’actions internationales, voire des fonds obligataires. Il faut un retour aux sources et à l’esprit initial du PEA.

Quels sont les freins à l’investissement en actions en France ?

Certains placements ont biaisé les choix d’allocation des épargnants. Ainsi, l’assurance-vie, via le fonds en euros, est perçue comme un placement sécuritaire. Son succès explique une partie de la sous-pondération en actions. Il y a une réflexion à mener sur la place que l’on veut donner aux fonds en euros, qui drainent énormément de capitaux et ne financent pas suffisamment l’économie réelle.

L’éducation financière ne doit-elle pas aussi être améliorée ?

Absolument. Nous n’en faisons pas assez pour former les épargnants, et notamment les étudiants, aux enjeux de l’allocation du capital et du financement des projets de moyen-long terme. Pourtant, les Français sont en attente d’accompagnement sur ces sujets. Nous avons un bassin d’épargne conséquent et une industrie financière performante. Il ne manque qu’une impulsion collective pour reprendre en main notre souveraineté. C’est la raison pour laquelle BDL Capital Management participe à Place des Investisseurs, qui œuvre à la promotion de l’actionnariat individuel en France.



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Publish date : 2025-07-19 07:30:00

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